La mondialisation réserve souvent d’étonnantes surprises dans l’aménagement urbain, comme le montre la future construction chinoise de la grande mosquée d’Alger. Celle-ci vient en effet d’être attribuée au groupe China State Construction Engineering Corporation basé à Hong Kong, pour un montant de 984 millions d’euros. L’entreprise était en lice aux côtés d’un groupe libano-italien et d’un autre algéro-espagnol. Les chiffres du projet donnent le tournis: minaret de 270 mètres de hauteur, surface de plus de 400000 m², capacité d’accueil de 120000 fidèles (esplanade comprise), bibliothèque de 2000 places pour un million d’ouvrages, salle de conférence de 1000 places, musée d’art et d’histoire islamiques, centre de recherches historiques, locaux commerciaux, restaurant, parking de 6000 places, etc. En tout, douze bâtiments indépendants implantés sur un terrain de 20 hectares, situé à Mohammadia, face à la baie d’Alger, dans l’est de la ville. Une fois terminé, ce lieu de culte sera le troisième plus grand édifice religieux musulman, après les mosquées de La Mecque et de Médine (Arabie saoudite).
Certes, moins pharaonique, mais pas moins l’expression des enjeux urbains de l’internationalisation, un quartier tri-national va être réalisé pour le port de Bâle Klybeck, lourd projet de 160 ha, dont 100 en territoire français. Sa réalisation associe le canton de Bâle, les villes de Huningue (Haut-Rhin) et de Weil-am-Rhein (Bade-Wurtemberg). Missionné en 2009 pour réfléchir sur l’avenir d’un secteur portuaire situé sur la rive droite du Rhin au nord de Bâle, le groupement MVRDV/Cabanne/Josephy a convaincu le canton suisse et ses voisins allemand et français d’élargir le périmètre vers le nord et l’ouest, en plaçant le fleuve au centre, puis a associé les communes allemande et française dans un espace tri-national. C’est un quartier qui devrait donc sortir d’ici dix ans, inscrit entre le centre de la ville alsacienne et le campus Novartis, sur la rive gauche du Rhin. On prévoit d’y développer de nouvelles fonctions résidentielles et un port de plaisance. La ville d’Huningue a d’autant plus facilement adhéré à l’idée que l’architecte néerlandais a moulé son projet dans le dessin des anciennes fortifications de Vauban, aujourd’hui détruites. Le quartier n’est pas une mince affaire à développer et s’appuie sur l’IBA Basel 2020, sorte de grande stratégie décennale de développement urbain encore inédite en France et qui a largement fait ses preuves à Hambourg.
La course à la démesure urbaine ne se poursuit pas que dans les tours à grande hauteur, mais aussi à l’occasion de projets plus ou moins raisonnables. Le premier, en Russie, Ecocity 2020, vise à à faire habiter 100000 habitants dans le cratère de plus d’1 km de diamètre et 550 m de profondeur d’une ancienne mine de diamant à ciel ouvert. Ce projet démesuré de complexe urbain accueillerait des habitations, un centre de recherche, des fermes, une forêt et des activités de loisir, le tout recouvert par un dôme en verre recouvert de cellules photovoltaïques permettant de subvenir aux besoins énergétiques de cette cité-jardin. Les futurs habitants y seront à l’abri du rigoureux hiver sibérien (-35 °C au mois de janvier). Les habitations seraient implantées au niveau le plus élevé afin de pouvoir profiter de la lumière extérieure et de la vue sur la forêt en contrebas. Reste à savoir si Ecocity 2020 réussira à attirer de nouveaux habitants dans cette ville de 37500 habitants perdue au milieu de la Sibérie…
Dans la même lignée, le projet d’un milliardaire américain, Sheldon Adelson, qui souhaite édifier casinos et hôtels, à Madrid, grâce à une législation crée pour l’occasion. L’Américain n’en est pas à son coup d’essai: sa société « Las Vegas Sands » possède déjà deux casinos à Las Vegas et trois autres établissements situées à Macao et à Singapour. Concrètement il s’agit de construire à Valdebebas – non loin de l’aéroport Barajas de Madrid – un immense complexe de loisirs, incluant hôtels, restaurants, casinos, terrains de golf et salles de spectacles. Au total, c’est plus de 16 milliards d’euros qui pourraient être investis sur treize années, avec la création de 250 000 emplois. Mais si Madrid semble actuellement très bien placée pour implanter l’immense complexe, et devenir une capitale du jeu en Europe, elle n’est peut-être pas la seule en lice…
Plus mesuré, le projet d’Aéroville, de création d’un véritable centre-ville pour Roissy Charles De Gaulle, l’aéroport le plus détesté au monde! Le site va en effet accueillir en 2013 un hybride de terminal aéroportuaire et de centre commercial de 110 000 m² destiné aux voyageurs, au personnel navigant et aux habitants des alentours et le chantier a déjà démarré. À cheval sur les communes de Tremblay-en-France (93) et de Roissy-en- France (95), le complexe (oeuvre du promoteur Unibail-Rodemco) sera l’un des plus grands d’Ile-de-France. Au coeur d’une zone de deux millions d’habitants allant du périphérique nord jusqu’à Compiègne, l’Aéroville, imaginé par l’architecte Philippe Chiambaretta, agence PCA, serait donc un point stratégique à la fois local et global. Le réalisateur Luc Besson envisagerait même d’y implanter un multiplexe de douze salles.
Non, les grandes « boîtes à chaussure » ornant de manière fort peu amène les entrées de villes, n’ont pas dit leur dernier mot. En témoigne le débarquement en pleine campagne de Toulouse, de ce village de marques haut de gamme, un des plus gros de France. Tout juste inauguré, cet héritier des magasins d’usine, à trente kilomètres au sud de Toulouse, ce village bâti de toutes pièces dans le style régional, avec ses bastides, ses toits en tuiles semble pourtant bien éloigné des hangars caractéristiques des magasins d’usine des années 1980. Le « Nailloux Fashion Village », en plus de regrouper une centaine de boutiques d’habillement et d’équipement de la maison, compte aussi devenir une étape consacrée des circuits touristiques régionaux grâce à des activités de loisirs et une vraie restauration. En contrepartie, les promoteurs ont offert un pavillon à l’office de tourisme du Lauragais et à l’opération « grands sites » de la région Midi-Pyrénées. La localisation, stratégique, n’est pas anodine: à la bonne distance de Toulouse, juste à proximité d’autoroutes où passent 11 millions de touristes par an. Deux hôtels sont donc aussi prévus dans la commune avec un camping trois étoiles et un golf au bord du lac voisin.
Les grandes collectivités échapperaient-elles à ces faims commerciales? Pas si sûr, depuis que l’Auvergne s’imagine en nouveau monde et le Finistère en point de départ plutôt qu’en… bout du monde. La nouvelle marque « Auvergne nouveau monde » lancée à l’initiative du Conseil régional vise à renforcer l’attractivité du territoire et, dans la lignée de la marque Bretagne, le Conseil général du Finistère a lancé, sa marque de territoire. Comme la marque Bretagne, « Tout commence en Finistère » (déclinée en Breton et en anglais !) a vocation à donner une identité et une attractivité, notamment économique, à un département qui ne les possède à l’heure actuelle pas forcément…
Il n’est décidément pas certain que le foisonnement des éco-quartiers soit toujours signe de plus de durabilité… Ainsi, à Lyz-lez-Lannoy, près de Lille, les anciennes halles de l’usine Stein, rachetées par Alstom, sont truffées d’amiante, s’étalent sur 5 hectares en centre-ville. L’une des halles a été conservée, son dallage isolé pour y établir une société fabricant des panneaux de bois pour les chantiers de logements et bureaux alentours. Mais, au nom de la maîtrise des coûts, les opérations de dépollution ont été limitées au point d’éviter au maximum de remuer les terres, aucun parking en sous-sol n’étant prévu ni aucun logement en rezde- chaussée. Et les servitudes pour les constructeurs s’accompagneront pour les futurs habitants… d’une interdiction de créer des jardins ou de creuser pour puiser dans la nappe phréatique!
Pas mieux à Lingolsheim, près de Strasbourg, la facture de dépollution des sols gorgés de métaux lourds de l’ancienne tannerie s’est élevée à 7 millions d’euros sur un budget total de 20 millions. Les terres excavées seront réutilisées sur le site de cet éco-quartier pour de nouveaux espaces verts avec un avertissement prévu pour le public… « Éco-quartier radioactif » y sera-t-il inscrit?
Quant au premier éco-quartier « low cost » de France, il se construit en face d’une vaste montagne de déchets dont l’État a commencé l’évacuation sur fond de craintes sanitaires. Les premiers habitants de ce quartier de 1250 logements à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne), qui produira plus d’énergie qu’il n’en consomme, sont attendus à l’été, au moment où les 150000 m3 de déchets accumulés illégalement depuis 2009 devront avoir été évacués. Des concentrations anormales de gaz nocif ruisselant ont été observées à l’occasion d’un relevé demandé par le maire de la ville en conflit avec l’État pour l’évacuation de cette décharge pas du plus bel effet… Les travaux d’évacuation vont être prochainement lancés. Il n’empêche, les habitants n’auront pas le droit de planter des légumes dans leur éco-quartier pour les consommer – principe de précaution oblige…
Heureusement, Nanterre se distingue. L’éco-quartier Boule Sainte-Geneviève a commencé à sortir de terre, exploitant avec profit d’autres types de déchets: un réseau de chauffage urbain y sera alimenté par récupération de chaleur sur les eaux usées qui, au moment où elles sont collectées, sont toujours tièdes, entre 12 et 23 °C. En France, c’est la première fois qu’on applique ce principe à l’échelle d’un quartier.
Sous les pavés, la plage! Les techniques de l’urbanisme se renouvellent comme le prouve d’abord cette ingénieuse invention de pavés à partir des coquillages. Depuis deux ans, le laboratoire de recherche de l’ESCITC de Caen a expérimenté la substitution dans des pavés d’une part des granulats d’origine minérale par des produits coquilliers marins. Ce projet a été mené en partenariat avec des sociétés locales. Deux sociétés commercialisant la chair des mollusques, ont ainsi trouvé des débouchés à leurs coquillages qu’elles jetaient. Une autre société va donc traiter ces coquilles pour éliminer les résidus de chair et en faire du compost. Et une autre produira à partir de là le futur pavé qui remplacera 40 % des granulats.
L’innovation n’est pas non plus en reste à Oslo où, cet hiver, la neige sera fondue et nettoyée avant de rejoindre le fjord. La ville d’Oslo a en effet signé un contrat avec la société NCC concernant une barge spécialement équipée pour faire fondre la neige et éliminer toute pollution. La neige est déchargée des camions depuis le quai. Avec de l’eau de mer sous pression, la masse de neige, de glace et d’eau est pressée afin de piler le mélange et de récupérer les plus petits objets. La neige passe ensuite à travers un broyeur pour réduire la taille des grumeaux. Les objets flottants tels que les morceaux de bois ou les bouteilles en plastique sont récupérés à la surface. La neige fondante est ensuite encore mélangée avec de l’eau de mer afin de la dissoudre entièrement. Une fois que toute la neige est fondue, l’eau est aspirée dans des microfiltres à tambour. Dernière étape: un séparateur à lamelles capture les particules restantes, avant que l’eau soit évacuée dans le fjord sous la barge. 500 m3 de neige pourront être traitée par heure. Cerise sur le gâteau, l’énergie nécessaire à la fonte de la neige provient de l’enthalpie de l’eau de mer, l’électricité est uniquement utilisée les différents processus de nettoyage!
Et c’est donc chose faite: la Matmut a désormais un stade à son nom. Le Matmut Stadium, premier stade de rugby en France visé par un accord de naming, a été inauguré à Vénissieux dans la banlieue de Lyon. La compagnie d’assurances s’est engagée à hauteur de 1 million d’euros par an pour cinq ans. Le financement des travaux du Matmut Stadium, d’un montant de 12,5 millions d’euros, a été entièrement privé. La particularité ? Ce stade modulable et provisoire a été construit en un temps record de 82 jours. Conçu par GL events, groupe international lyonnais spécialisé dans les métiers de l’événement, le Matmut Stadium offre 8000 places. C’est le second parrainage en France après le MMArena du Mans.
Dans le même ordre d’idée, Florence, ville-symbole de la Renaissance, va recourir à des sponsors pour l’entretien de certains de ses monuments et bâtiments publics. La commune a lancé un appel public à l’attention des entreprises, associations, ou organismes qui seraient intéressés par cette initiative. L’appel souligne que les organismes intéressés pourront ainsi restaurer et valoriser des biens culturels tout en promouvant leur image. Intitulé Florence I care (« Florence me tient à coeur »), ce projet veut mettre l’accent sur sa dimension sociale, dans la mesure où, selon ses promoteurs, il introduit un élément de responsabilité et de « citoyenneté active ». Les travaux de réfection portant sur des biens à vocation sociale, tels que les installations sportives ou scolaires, seront prioritaires. Mais au total, une soixantaine de bâtiments et monuments sont concernés. Parmi ces derniers, la Tour de la Monnaie ou encore l’Esplanade Michel- Ange, qui offre un panorama sur toute la ville. La ville entend miser sur son attractivité pour séduire des sponsors éventuels.
Même phénomène à Londres où va être construite une ville nouvelle made in Ikea, face au site des Jeux olympiques. Ikea aurait acquis l’an dernier, un site de 10 hectares situé dans l’est de la capitale, où devrait se dresser un nouveau quartier d’ici 2014. L’entreprise suédoise prévoit ainsi de construire 1200 habitations, 50000 m² de bureaux, un hôtel Marriott de 350 chambres, des commerces, une crèche et un centre médical. Le quartier essentiellement piéton sera bordé par des canaux sur lesquels circuleront des navettes fluviales. Une centrale hydroélectrique devrait fournir l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’ensemble.
Le rail a décidément le vent en poupe: la ville de Paris lance avec la RATP et le Syndicat des transports d’Ile-de-France une expérimentation inédite, le TramFret. L’idée? Insérer dans le trafic du tramway parisien des rames de transports de marchandises. Pour diminuer la circulation des camions en ville. Mise en place à Amsterdam en 2007 puis abandonnée pour des motifs de rentabilité et de rupture de charge, l’expérience est menée ces mois-ci: deux rames de tramway de simulation vont être insérées dans le trafic de voyageur du lundi au samedi, en heures creuses, sans prendre de voyageurs, sur 8 km entre les stations Pont du Garigliano et Porte d’Ivry. L’objectif de l’expérience est d’étudier la possibilité d’utiliser l’infrastructure du tramway pour acheminer des marchandises en milieu urbain en réduisant le trafic routier. Concrètement, le TramFret ne déchargera pas en ligne ou dans des stations voyageurs: des raccordement spéciaux seront créés vers des entrepôts et vers des centres commerciaux. L’agence d’urbanisme travaille notamment avec Carrefour et Casino qui ont des enseignes en bord de ligne du tramway, le but est de faire entrer le TramFret dans ces magasins pour éviter la dernière rupture de charge.
Et, du côté, des gares, la SNCF vient d’annoncer que d’ici à 2014, six grandes gares françaises ouvriront des espaces de travail, bureaux, salles de réunions avec wifi et possibilité de vidéoconférence pour la clientèle pro. Un partenariat entre la SNCF et Regus, spécialisé dans les espaces de travail flexibles. Objectif, gagner du temps et limiter les déplacements inutiles une fois à destination. On pourra les louer à l’acte ou en longue durée Les nouvelles surfaces disponibles dans les différentes gares oscilleront entre 300 m2 au Mans et 1500 m2 à Lille où d’importants travaux seront engagés. Les services proposés, à la location ou facturés à l’acte, iront de l’accès à des bureaux ou à des salons d’affaires, à la réservation de salles de réunion ou de vidéoconférence, en passant par la connexion à internet Wifi.