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Histoire & Patrimoine
#25
Jean Gallacier (1879-1950), architecte des premières cités U
RÉSUMÉ > Jean Gallacier fait partie de ces maîtres d’oeuvre locaux très actifs dans le premier tiers du 20e siècle. Formé chez l’architecte départemental Jean-Marie Laloy, il érige au début du siècle des maisons pour la petite et moyenne bourgeoisie, puis de nombreuses habitations à bon marché (HBM) à l’époque de la loi Loucheur (1928). Ses oeuvres les plus importantes sont les deux cités destinées aux étudiants, érigées en 1932 à Rennes.

     Jean-Baptiste Joseph Gallacier est né à Paris (17e) le 8 août 1879 dans un milieu modeste et grandit à Saint-Brice-en-Coglès. Décidé à embrasser la profession d’architecte, il arrive à Rennes à 17 ans afin de trouver un emploi chez un homme de l’art. Après plusieurs démarches infructueuses, Jean-Marie Laloy, architecte départemental, l’accueille dans son atelier comme dessinateur. Sur ses conseils, il suit en parallèle des cours d’architecture à l’école des Beaux-arts de Rennes. Jean Gallacier reçoit ainsi une formation solide qui lui permet d’ouvrir son propre cabinet au début des années 1910. Comme une marque de confiance et une reconnaissance de sa valeur de praticien, Jean-Marie Laloy, avec qui il est resté proche, lui met le pied à l’étrier en lui proposant le poste d’inspecteur des Bâtiments départementaux en 1912.

     Cette fonction l’amène à construire de nombreuses maisons d’écoles dans le département dans le premier tiers du siècle, comme l’école communale de garçons de Liffré, érigée dans un style voisin de celui de J-M. Laloy et marquée par une double souche de cheminée terminant un haut pignon, caractéristique dans l’oeuvre de Gallacier.
    Pour ses premiers chantiers particuliers, Jean Gallacier pioche ainsi dans le répertoire des architectes rennais formés à l’école des Beaux-arts de Paris. La maison du 61 rue de la Palestine construite en 1912 traduit à la fois des influences de Hyacinthe Perrin (qui construit l’hôtel Dalibot au 63 la même année) et de Jean-Marie Laloy dans le dessin des lucarnes sur le versant, jacobines, rampantes ou outeaux, par exemple. Ces formes se retrouvent dans la maison du 20 rue Waldeck- Rousseau (1913). Ces deux premiers logis, conçus pour la petite et moyenne bourgeoisie, ont en commun le toit à l’impériale, très en vogue à Rennes à la Belle Epoque et que Jean Gallacier reproduira après-guerre.

Les années 1920, régionalisme et Art déco

     Comme pour de nombreux autres architectes, la Première Guerre mondiale interrompt son exercice jusqu’en 1920. à cette date, il construit des ateliers en sheds et des bureaux pour la conserverie Ravilly rue Jean Guy. Son activité se poursuit également pour la petite bourgeoisie et la classe moyenne. Ainsi, les maisons jumelles des 36 et 38 boulevard Voltaire et la maison à faux pan-de-bois du 80 rue de l’Alma, bâties en 1923, illustrent cette évolution de la clientèle. Ce changement se confirme dans les maisons doubles des 19 et 21 rue Claude Bernard édifiées en 1926 pour un retraité et l’entrepreneur Sylvain Brunet. Toutes ces bâtisses en moellons de grès reprennent les formes de lucarnes d’avant-guerre.
    Jean Gallacier ne néglige pas pour autant des maîtres d’ouvrage plus fortunés. C’est le cas du bel hôtel Le Mesle élevé en 1923, 16 rue Anatole Le Braz, restauré il y a quelques années, ou encore de l’intéressante maison construite pour le bijoutier Charles Jeusset en 1928 au 2 rue de la Borderie. Ces deux oeuvres reprennent les outeaux et le stéréotype d’avant-guerre du toit à l’impériale, en mariant régionalisme et Art déco.

Des maisons en série avec la loi Loucheur

     Au milieu des années 1920, Jean Gallacier, dont le cabinet est alors situé 6 rue Duguesclin, porte son attention sur le logement social et devient l’architecte de l’office départemental des HBM (ODHBM créé en 1921) jusqu’en juillet 1934. A cette époque, grâce à la loi Loucheur votée en 1928, il érige des maisons selon des plans-types dans plusieurs points de la ville et du département. à Rennes, ces logements, principalement à destination des ouvriers, des employés et des petits fonctionnaires, sont bâtis par dizaines dans des lotissements principalement au Sud et à l’Ouest de la ville.
    La maison la plus courante a un plan simple et soigné sous un toit asymétrique dans une enveloppe en moellon de Saint-Germain. L’orientation par rapport à la rue varie selon l’ensoleillement : le versant le plus bas est placé au nord. Les maisons ont le confort exigé par la loi : une salle commune traversant, un cellier, une chambre et des WC au rez-de-chaussée et deux chambres et un grenier à l’étage. C’est aussi dans le cadre de la Loi Loucheur qu’il élève deux cités destinées aux 1 750 étudiants qui viennent à l’Université de Rennes en 1933.

     En 1929, comme d’autres villes de France, l’Université, l’ODHBM et la Ville profitent des crédits offerts par la loi et unissent leurs efforts pour élever deux cités étudiantes, une pour les filles, une autre pour les garçons. La municipalité procure gratuitement les terrains, l’Office se charge de la construction et l’Université de l’exploitation et de l’entretien des bâtiments. Jean Gallacier, en tant qu’architecte de l’Office, est désigné pour dresser les plans au printemps 1929. Quelques mois plus tard, il doit revoir ses projets à la hâte car la commune fournit deux autres terrains, mieux situés, boulevard de Sévigné et rue de Fougères (actuelle avenue du doyen Roger-Houin).

Deux cités : une pour les filles, une autre pour les garçons

     Pour la cité des filles, le bâtiment d’angle prévu au départ se mue alors en T. La façade principale, qui concentre tout le décor au niveau de la travée centrale, est orientée au nord. Cette oeuvre, de facture régionaliste et Art déco, est simple et sobre. Un correspondant de L’Illustration la juge cependant trop proche d’une cité ouvrière et lui préfère celle destinée aux étudiants. Si l’extérieur est en effet laissé un peu de côté, Jean Gallacier a particulièrement soigné le décor intérieur de la cité : elle renferme ainsi des ferronneries de Théodore Brand et un beau programme de mosaïques de l’atelier Odorico, dont la signature est apposée près de celle de l’architecte, sur les marches de l’escalier du hall. De plus, un artiste (C. Guillon) a été appelé pour le décor des chambres tendues de toile de Jouy. Enfin, le mobilier en acajou, confortable et luxueux, parachève l’ensemble.
    Cette attention pour le décor se retrouve dans la cité destinée aux étudiants qui est l’oeuvre la plus monumentale de Jean Gallacier. Construite en granit et composée de 131 chambres, elle présente un style un peu sévère. Ce bâtiment est à rapprocher de la cité Canot de Besançon créée à la même date par l’architecte René Tournier. Ces deux édifices s’inspirent probablement de la maison des Provinces de France d’Armand Guéritte, inaugurée en juin 1933 à la cité internationale à Paris et largement diffusée dans les revues de l’époque.
    Peu après la réception de ces derniers travaux, en 1935, Jean Gallacier doit arrêter son exercice et céder son cabinet pour raison de santé. Il poursuit néanmoins une activité d’expertise dans le département. Admis à l’Ordre des architectes le 16 septembre 1942, il obtient l’honorariat en 1950, à la date de son décès à Cesson-Sévigné.