Les cheveux longs attachés en queue de cheval, lunettes fines et sourire facile, Benoît Evellin s’est présenté en 2012 aux élections législatives dans la 8e circonscription d’Ille-et-Vilaine. C’est peu dire que le jeune homme n’a pas le profil du politicien aguerri : jusqu’à ce jour, il ne s’était jamais engagé en politique. Son organisation, le parti Pirate, était presque aussi novice que lui. Le parti n’existe que depuis 2006 en France, et sa section bretonne n’a vu le jour à Rennes que quelques mois à peine avant sa candidature. « Lorsqu’on s’est lancé avec Florent Strzelecki, mon suppléant, c’était pour défendre des idées. On ne voyait pas forcément l’adhésion au parti Pirate comme une obligation. On l’a fait avec eux car ces militants se structuraient avec des idées proches des nôtres », explique l’ancien candidat. Il cite, pêle-mêle, l’indépendance de la justice, le non-cumul des mandats mais aussi les thématiques liées au développement d’Internet. « Les partis plus classiques ne m’intéressaient pas car ils considèrent comme des gadgets des idées essentielles pour moi, tel le bien commun ou le numérique », souligne-t-il. « L’écologie et le numérique sont des problématiques fondamentales pour l’avenir. Si le futur est numérique, il faut s’en soucier, au même titre qu’il faut protéger la planète. D’une certaine façon, le parti Pirate et les Verts ne devraient pas exister. Des gens se sont battus, par le passé, pour empêcher des abus de pouvoir et défendre la liberté de chacun. Or les législations qui se mettent en place sur le numérique aujourd’hui à travers le monde jettent ça aux orties », s’emporte-t-il.
Un point de vue partagé par Mistral Oz. Après avoir co-fondé la section bretonne du parti Pirate l’an dernier, il est aujourd’hui membre du bureau national. Une première expérience que ce développeur informatique considère comme une suite logique à ses engagements associatifs dans la sphère des nouvelles technologies. « C’est complémentaire. La politique nous offre une tribune. Lors des élections, on bénéficie d’une médiatisation à laquelle on n’a pas accès lorsqu’on est une association », explique le jeune homme.
Si les deux militants citent en priorité les idées pour expliquer leur engagement au parti Pirate, les pratiques politiques de cette organisation atypique (voir encadré ci-dessus) sont aussi un argument de poids. Un fonctionnement horizontal, participatif, animé par des militants âgés en moyenne d’une trentaine d’années. Lorsque l’on s’étonne d’un tel engagement de la part de jeunes qu’on décrit souvent comme blasés par la politique, Benoît Evellin renvoie à l’attitude de partis traditionnels comme le PS ou l’UMP. « Pourquoi ces partis ont-ils tous des sections jeunes ? Les militants y ont 25-35 ans. C’est quoi ? Un bac à sable ? Une garderie ? Est-ce qu’on veut vraiment les impliquer ? Non. Il y a un refus de l’implication des jeunes », estime-t-il. Eux assurent pouvoir faire de la politique autrement. Leur credo ? La participation citoyenne. Un concept à la mode mais dévoyé, selon eux. Ils sont ainsi critiques sur plusieurs initiatives menées à Rennes. Les concertations du public lors des travaux ? « On apprend souvent après le chantier qu’il y a eu des consultations. Un budget communication a pourtant été dépensé. Comment ? » interroge Mistral Oz. Le site internet participatif Causes Communes, animé par Rennes Métropole ?
« On dirait qu’ils choisissent les sujets les plus plats pour ne pas créer le débat », tâcle Benoît Evellin. Ils ne sont pas non plus convaincus par le questionnaire « Redonnons la parole aux Rennais » lancé par le candidat UDI Bruno Chavanat pour alimenter son programme électoral. « C’est un gadget esthétique : on ne sait pas quelles réponses il a reçu. Si elles ne correspondent pas à ses idées, est-ce qu’il les intègrera quand même dans son programme ? Ce n’est pas transparent », estime Benoît Evellin.
Face à ce constat sévère, quelles sont leurs suggestions ? « On veut construire notre programme avec les citoyens. Nous organisons des cafés-débats où ils peuvent donner leurs propositions. Nous proposons que 10% du budget municipal soit voté par les conseils de quartier pour que les habitants puissent impacter sur les décisions » explique Mistral Oz.
Mais pour cela, encore faut-il être élu. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le parti n’a pas encore constitué sa liste pour le scrutin municipal. Avec une vingtaine d’adhérents, difficile en effet de réunir une soixantaine de candidats… « On va aller chercher des gens extérieurs au parti. Des électrons libres qui n’ont pas forcément envie de défendre tout notre programme, mais qui souhaitent s’engager sur une idée précise » assure Mistral Oz. N’est-ce pas utopiste ?
« Je n’ai pas la prétention de savoir si ça va marcher. Il faut tester et se donner, éventuellement, la liberté d’échouer. Il ne faut pas demander au parti Pirate de faire en cinq ans ce que les Verts ont mis près de trente ans à développer », réplique le jeune homme. « On sait bien que, même si on obtient des élus au conseil municipal, on n’aura pas une majorité. Donc l’essentiel pour nous, c’est d’ouvrir le débat », ajoute-t-il. « On veut montrer que le parti Pirate et ses idées existent, et que l’on peut agir sur la politique locale. On a des propositions sur les transports, la production d’énergie urbaine... » énumère Benoît Evellin. « Et après les élections municipales, il y a les Européennes » glisse Mistral Oz. A bon entendeur...