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Initiatives urbaines
#36
À la Courrouze, Case Alte surplombe la ville
RÉSUMÉ >  D’ici à 2020, quelque 10 000 habitants « vivront la ville, en habitant dans un parc » selon la formule publicitaire de l’écoquartier de La Courrouze, entre Rennes et Saint-Jacques de la Lande. Un concept d’aménagement paysager et d’habitat vertical imaginé par les architectes-urbanistes italiens Bernardo Secchi et Paola Viganò. Au cœur de cette opération pilotée par Territoires, société d’économie mixte, le secteur du Bois Habité a vu surgir de terre « trois totems d’habitat contemporain », le Case Alte. Une conception de l’agence nantaise Tetrarc architectes pour le compte du promoteur rennais Secib. Les maîtres d’œuvre et d’ouvrage proposent 126 logements aux volumes gé- néreux qui s’ouvrent par de vastes loggias sur des vues panoramiques imprenables.

     « La ligne d’horizon pour se reposer, c’est agréable. À cette hauteur, on a la chance de voir les vols de diffé- rentes espèces d’oiseaux : les hérons revenus de migration, les martinets, les canards qui rejoignent la mare toute proche. » Alan et Élodie emménageaient en fé- vrier 2014, au 8e étage du Case Alte, après quatre années passées dans un 50 m2 , lui aussi situé dans le nouveau quartier de La Courrouze. Le jeune couple dit apprécier le calme et la verdure, à vingt minutes à pied du centreville, et la proximité de la rocade pour Élodie qui travaille à Saint-Malo.

     Côté logement, Alan salue le parti architectural : « Ce type 5 offre des volumes bien pensés. Il est circulant et lumineux ! ». Aux beaux jours, la terrasse devient une véritable pièce de vie supplémentaire, protégée pour moitié par la casquette de la terrasse supérieure et ménageant une belle hauteur sur l’autre moitié. « Avec les enfants du quartier qui jouent dans l’espace-jeux, j’ai l’impression d’être à la mer », confie Élodie. Petit détail : Alan a installé une protection contre les vents, côté ouest. « À cette hauteur, c’était indispensable ! ». Bricoleur, il a aussi dérivé le système d’arrosage du bac acier prévu par le maître d’œuvre : « Un olivier a peu besoin d’arrosage. J’utilise cette arrivée d’eau pour brancher un jet qui permet d’arroser les autres plantes ».

     Outre les vues sur le paysage, le couple apprécie l’exposition de l’appartement : « Le matin, nous bénéficions du soleil dans la pièce de vie et la cuisine. Il est présent toute la journée dans les chambres grâce à la réverbération de la lumière sur le bardage aluminium de l’immeuble voisin. » Pour autant, le jeune couple qui attend son premier enfant, s’interroge sur les fenêtres des chambres et du palier, pourtant réglementaires, mais qui s’ouvrent sans garde-corps. Élodie qui apprécie son environnement, n’envisage pas à long terme d’y vivre avec ses enfants : « Gambader ici ne me semble pas idéal, mais à cette étape de notre vie, cet appartement répond vraiment à nos attentes. Il est très agréable ».  

     Le postulat imaginé par l’aménageur de la ZAC de La Courrouze serait-il mis à mal ? Comme le rappelle Patrick Couapel, directeur de Secib immobilier, le promoteur rennais qui a commercialisé l’ensemble : « À Rennes, et c’est une particularité, nous devons répondre à un programme et un prix de charges foncières. Le périmètre d’attribution est porté sur un plan avec la surface habitable, les typologies et les tailles de logement ». Pour ce programme, le promoteur devait cibler prioritairement les familles susceptibles de s’installer à la campagne, dans les secteurs périurbains : « Pour cette raison, les élus rennais nous ont demandé de commercialiser des logements spacieux : des types 4, 5 et 6. Nous sommes au-delà des surfaces moyennes usuelles, avec 10 m2 supplémentaires en moyenne. Ce qui faisait, avec des prix de sortie ramenés à la surface du logement, un coût de logement relativement élevé. ». Résultat : deux tiers des appartements commercialisés offrent aux familles des surfaces confortables. De plus, le programme conjugue la mixité sociale. « Nous avons été retenus par l’aménageur car nous sommes en capacité de proposer à la fois de la promotion privée et de l’accession aidée, accession sociale ». Sur les 128 logements réalisés, 26 sont en accession aidée, vendus à un prix attractif de 1900 euros le m2  ! « Initialement, ces logements étaient répartis dans les trois bâtiments de l’opération, mais nous les avons finalement regroupés dans le premier, ce qui nous a permis de débuter l’opération. Il nous a fallu accélérer la commercialisation des deux autres immeubles afin d’assurer la continuité du chantier pour l’entreprise du gros œuvre. Nous n’avions pas tout à fait atteint le niveau de précommercialisation et nous avons décidé de porter le projet sur nos fonds propres pour démarrer. Un portage complexe ! », souligne le directeur de la Secib.

    Au-delà de la période dite de « crise de 2008 », le promoteur évoque les difficultés communes au démarrage d’une ZAC : l’absence de commodités, de commerces, de services… La Secib a été l’un des premiers promoteurs à travailler sur la première tranche de l’opération de La Courrouze. « À terme, ce sera un écoquartier sympathique, mais il y a dix ans d’attente à chaque fois ». Cette opération emblématique pour la société, s’est finalement bien déroulée avec « des relations humaines de travail en pleine confiance », souligne Alain Boëffard, l’architecte de l’opération secondé d’Olivier Pérocheau (agence Tetrac, à Nantes).

     La sollicitation de cette agence nantaise par la Secib, sur proposition de Territoires, faisait suite à une opé- ration repérée sur l’Île de Nantes : Arborea, commercialisée par le groupe Lamotte. « Sur La Courrouze, la démarche était pour nous intéressante. Il fallait redensifier l’espace d’une ancienne friche militaire et reconquérir les familles », commente Alain Boëffard. « Au départ, selon les intentions urbaines des architectes-urbanistes et de l’aménageur, la parcelle était orientée côté nord, ouvrant sur le sud. Nous l’avons inversée pour avoir un jardin central ouvert sur le parc du Bois Habité, est-ouest ». À l’arrivée, l’implantation de l’opération Case Alte répond aux préconisations des architectes-urbanistes de la ZAC, avec en particulier un socle de stationnement à demi-niveau. Un geste écoresponsable imposé par l’aménageur pour limiter les déblais de terre. Les parkings semi-enterrés bénéficient ainsi d’une ventilation et d’une lumière naturelles. Un atout salué par tous.

     La plate-forme sous laquelle sont situés l’ensemble des parkings, le vaste garage à vélos et les locaux communs est traitée en jardin privatif pour la copropriété, ménageant un accès incendie réglementaire. Autour de ce socle commun s’ancrent les trois unités d’habitation accessibles depuis des passerelles pour les quelque quatre cents habitants qui y vivent. L’implantation a été étudiée en fonction de l’ensoleillement pour limiter l’impact des ombres portées.

     Pour ces trois unités d’habitation, l’architecte joue la fracture de chaque monolithe en deux volumes égaux reliés par une structure centrale largement vitrée, hébergeant les paliers. Ceux-ci sont voulus comme des espaces communs spacieux ouverts sur le paysage urbain. Ils préfigurent la qualité intérieure des logements : « C’est l’espace qui est important, avec de généreuses surfaces usuelles. Nous avons géré un minimum de circulation pour le redonner aux espaces de vie. Les cuisines sont séparées, un souhait partagé ! », note Alain Boëffard. Autre caractéristique : chaque bâtiment possède sa propre chaudière collective, située au dernier étage, et des panneaux solaires qui assurent 40 % des besoins en eau chaude. Une performance énergétique poussée et une isolation thermique soignée, avec des normes aussi performantes que celles de la réglementation de 2012, souligne le maître d’œuvre.  

     « Au départ, la programmation prévoyait des duplex. Finalement, avec majoritairement des simplex, nous avons souhaité garder visuellement le principe de la double hauteur des duplex sur la façade, tout en gérant les vues entre appartements et en privilégiant la façade sud pour les grands appartements », explique Alain Boëffard. Les façades nord restent cependant plus austères, avec des exigences de la part des architectes urbanistes en matière de vêture extérieure, à savoir un bardage aluminium laqué.

     Marque de fabrique de la ZAC, l’aménageur a misé sur la mise en valeur de l’espace naturel existant, « un parc habité ». Le programme bénéficie de cet environnement privilégié. « Nous avons imaginé le prolongement des séjours par de très grandes terrasses de 20 m2 à 38 m2 . » Des loggias destinées à être végétalisées. Les grands appartements sont dotés d’un bac acier, fourni pour les grands appartements, avec un système d’arrosage intégré pris sur la gestion de la copropriété. Sur les résilles métalliques des garde-corps des loggias, l’architecte imagine des plantes grimpantes. « Pour construire ces grands tabourets extérieurs et limiter les structures en béton tout en assurant la continuité thermique, des croisillons auto-stables permettent de limiter les points d’appui ». Les terrasses ne sont pas solidarisées avec le bâti, mais reliées par des attaches métalliques. Ces grandes croix donnent à ces « périscopes » sortant de terre, une rythmique qui ne laisse pas indifférent. C’est devenu une signature emblématique à l’échelle du quartier.

     Et l’architecte de conclure : « Nous sommes restés dans les prix du marché sans déraper économiquement, dans une conjoncture économique difficile. C’est un chantier qui s’est bien déroulé, sans problème majeur, malgré la complexité des différentes tranches de l’opé- ration. Et il faut le souligner, avec un réel échange entre les aménageurs, les maîtres d’ouvrage et d’œuvre ».