<
>
Initiatives urbaines
#22
Aménagement: le modèle rennais à la loupe
RÉSUMÉ > Plus de 600 professionnels de l’urbanisme venus de toute la France sont attendus à Rennes les 20 et 21 mars 2013 à l’occasion des 7e Entretiens de l’Aménagement, organisés par le Club Ville Aménagement. Une destination qui n’a pas été choisie par hasard. La capitale bretonne a été préférée à Strasbourg et à Marne-la-Vallée, également en lice. Souvent cité en exemple, « le modèle rennais » servira de toile de fond à un débat de portée nationale.

     Et si la ville était plus que la ville ? La lecture du programme foisonnant des 7e Entretiens de l’Aménagement pourrait le laisser croire. Durant deux jours, plus de 600 professionnels publics et privés de l’aménagement urbain vont se retrouver à Rennes pour débattre du « Printemps des villes ». Derrière cet intitulé de saison, c’est en réalité un véritable projet de société qui sera questionné. 
     « La ville est le lieu de convergences de toutes les évolutions de notre société, et de tous ses problèmes », souligne Alain Garès, le président du Club Ville Aménagement, organisateur de l’événement. Cette association regroupe une quarantaine de maîtres d’ouvrages d’opérations urbaines. Elle organise ce type de rencontres tous les deux ou trois ans depuis 2002. Mais l’édition 2013 dégage un parfum d’inédit. « Elle se déroule à un moment où chacun prend conscience que des champs nouveaux interviennent dans le domaine de l’urbanisme », explique Alain Garès. Et de citer les thématiques qui donneront lieu aux ateliers des Entretiens de Rennes : hormis la question foncière, traditionnelle dans ce type de rencontres mais de plus en plus d’actualité, les débats porteront sur la notion de « ville créative » en résonance avec l’art, la culture et l’économie. Ils aborderont également le sujet de la sobriété énergétique, à l’heure des réseaux intelligents, les fameux « smart grids », ainsi que le défi de la lutte contre la précarité, au nom d’une ville « incluante » qui sait aménager sans exclure les plus démunis.
     Ces ateliers seront alimentés par les réflexions produites depuis deux ans par des groupes de travail spécialement constitués par le Club. Dès lors, le choix de Rennes pour en débattre ne doit rien au hasard. La candidature de Rennes s’est imposée à une large majorité. « C’est une belle occasion de saluer l’avance rennaise en matière de planification urbaine, avec une approche globale », reconnaît Alain Garès. Et, pour la ville ce sera une réelle opportunité de présenter des réalisations ou des projets d’aménagement en résonance avec les enjeux du moment.
     C’est dans cet esprit qu’ont été imaginés douze « parcours urbains » proposés aux congressistes. « Ces propositions ne se limitent pas à la ville-centre, mais elles sont conçues comme une illustration concrète du concept rennais de la ville-archipel, autour des notions de mixité sociale et environnementale », souligne René Bondiguel, directeur général de la société d’aménagement rennaise Territoires, qui joue ici à domicile. Ce sera l’occasion, par exemple, de découvrir le projet de « Parc-nature » au sud-ouest de Rennes, le long de la Vilaine. Ou d’apprécier les nouvelles formes urbaines déployées dans les quartiers de la Morinais, à Saint-Jacques-de-la-Lande ou à la Courrouze.

     La dimension « numérique » de la cité sera également présente tout au long de ces deux journées. La réalité augmentée, développée par plusieurs entreprises du territoire rennais, dont Artefacto (lire l’entretien avec sa dirigeante Valérie Cottereau dans Place Publique n° 21), se déploiera dans les coursives du Liberté, avec des démonstrations en marge des conférences. « Nous touchons ici à la co-construction de l’espace urbain, à la concertation avec les habitants. Ces technologies innovantes permettent de travailler sur la ville de demain, en passant de la planche à dessin à l’image virtuelle en trois dimensions », souligne René Bondiguel. Le directeur de Territoires voit dans ces innovations l’une des grandes différences entre l’urbanisme de 2013 et la création des villes nouvelles des années 1960. Ces dernières étaient conçues en laboratoire par des experts, sans aucune concertation avec les habitants. Désormais, l’usager veut faire entendre sa voix et la réalité augmentée facilite cette appropriation des projets de villes par ceux qui y vivent.

     Ces parti-pris futuristes feraient presque oublier la dureté des temps. Mais la réalité sociale devrait rapidement s’inviter dans les travaux. Car, comme le souligne Marie- Claude Dalibard, secrétaire générale du Club Ville Aménagement : « la crise économique a un impact direct sur l’urbanisme. Avec le recul des emplois en CDI, on assiste au développement des auto-entrepreneurs, des créateurs d’entreprises qui recherchent des espaces de travail mutualisés, au plus près des infrastructures ». Cette évolution implique de repenser les immeubles de bureaux, et les usages de la ville vont s’en trouver profondément modifiés.
     Sur toutes ces questions, Rennes n’apporte évidemment pas de solution unique. Le « modèle rennais » ainsi exposé pour la première fois dans sa globalité à un public national de praticiens exigeants devrait sans doute essuyer au passage quelques critiques constructives. Mais les acteurs locaux attendent également beaucoup de ce partage d’expérience pour affiner leurs pratiques.
     À cette occasion, de nombreux urbanistes de renom devraient également évoquer leur aventure rennaise. Parmi eux, Alexandre Chémétov revisitera son programme du quartier Mail Mabilais, (lire son portrait dans Place Publique n°2), tandis que Bernard Reichen insistera sur la place de l’eau en ville, dans le cadre de l’aménagement de Baud-Chardonnet. Christian Devillers, l’urbaniste de l’écocité Via Silva (portrait dans Place Publique n°10) évoquera cet ambitieux projet imaginé jusqu’en 2040, et Philippe Gazeau présentera les derniers développements du futur quartier de la gare, EuroRennes.
     Autant d’échanges et de débats qui serviront à définir les orientations des travaux du Club Ville Aménagement pour les deux prochaines années. L’urbanisme « à la rennaise » devrait y imprimer sa marque.