(1886-1965) : un maire bâtisseur et pragmatique
Chateau est un homme rond et massif, doté d’un caractère affirmé. Personne affable qui affiche une certaine bonhomie, il est également ambitieux et doit sa réussite à sa force de travail. Comme pour le maire Jean Janvier (voir Place Publique n° 3), son ascension sociale ne l’empêche pas de rester proche du peuple. François Chateau est aussi un pragmatique, ayant l’esprit d’initiative. Il a très souvent été contraint de mener des projets à court terme, pour faire face aux difficultés ou aux besoins du moment.
On ne peut s’empêcher de comparer François Chateau et Jean Janvier, tant les deux hommes ont des traits communs. François Chateau est né dans le village de Lavau-sur- Loire (Loire-Atlantique), le 25 septembre 1886, d’un père paveur. Certificat d’études primaires en poche, il entame un tour de France sous le nom de « La Belle de Lavau ». Le compagnonnage contribue à forger sa personnalité.
Fort de cette expérience, il s’installe à son compte à Granville à partir de 1909 et travaille pour les Ponts et Chaussées de la Manche. Il arrive à Rennes le 29 juillet 1911, le jour de l’incendie de l’aile Ouest du Palais du Commerce. Son entreprise, qui compte une cinquantaine d’ouvriers, est alors essentiellement tournée vers la voirie et la construction de trottoirs pour la Ville. En parallèle, il exploite des carrières dans la région. C’est à cette époque qu’il noue une forte et durable amitié avec Jean Janvier.
Blessé durant la Première Guerre mondiale, il est soigné à Saint-Vincent, transformé en hôpital le temps du conflit. Son entreprise reprend sa pleine activité en 1919 et se consacre principalement à la construction de logements. Dans les années 1920, François Chateau tisse des liens avec des personnalités locales et régionales, grâce à sa société et à son intense activité syndicale.
Fort de cette réussite, il construit sa maison, au 128 avenue du Sergent Maginot, en 1925 dans un style régionaliste. Il fait appel à Isidore Odorico pour les mosaïques et à Louis Garin pour les peintures. Bien installé dans la ville, il peut désormais se consacrer à la politique.
Il débute cette nouvelle carrière en 1929 comme conseiller municipal avec l’étiquette de radical indépendant1. Adjoint aux Travaux publics, sous la municipalité de Jean Lemaistre, il joue alors un rôle de premier plan dans l’élaboration des projets municipaux. Réélu 2e adjoint en mai 1935, il devient maire le 23 octobre 1935 à l’unanimité, après la démission de Jean Lemaistre pour raison de santé. Son premier geste est d’aller déposer une gerbe au Panthéon, ainsi que sur les tombes de Jean Janvier et de Charles Laurent son premier adjoint, affichant clairement sa filiation.
Dès son arrivée à la tête de la municipalité, il engage un vaste programme de travaux. Ses plus grands chantiers sont l’école de la rue Pierre-Legrand, les agrandissements du lycée de Jeunes filles et de la Maison du Peuple (rue Saint-Louis), la modernisation du Palais des musées et l’aménagement de la place du Palais.
Quelques mois avant la guerre, il entame la construction du parc de Maurepas et d’une station d’épuration des eaux usées à Cleunay (au niveau du centre commercial actuel), en lien avec la poursuite du réseau d’égouts. Tous ces projets ont trouvé une issue favorable en dépit d’un contexte difficile et d’un chômage important.
D’un autre côté, il existe toute une série d’autres projets qui, mis à l’étude entre 1936 et 1939, ne pourront aboutir. C’est le cas de l’agrandissement du Théâtre et de l’École Primaire Supérieure de Jeunes Filles, mais aussi de la construction d’une salle et d’une verrière au Musée, de groupes scolaires, d’une école de plein air boulevard Painlevé, d’un grand amphithéâtre et de laboratoires à l’École de médecine et d’un théâtre de plein air au jardin des Plantes. D’autres études toutefois furent mises en oeuvre plus tard, comme l’agrandissement du parc des Sports, route de Lorient, une école primaire supérieure de garçons, rue de Mauconseil, la poursuite de la couverture de la Vilaine, un rectorat… Quelques-uns d’entre eux seront exécutés bien des années après la Libération.
En parallèle, François Chateau mène une intense activité au sein de la Chambre de commerce pour laquelle il est conseiller technique. Il joue alors un rôle non négligeable dans la construction de l’hôtel consulaire en 1932, place Honoré-Commeurec, et de l’aéroport de Rennes-Saint-Jacques. À cette date, il possède l’une des entreprises de bâtiment les plus importantes de Rennes avec 160 employés. Entre les deux guerres, son entreprise dépose près de 200 permis de construire pour la construction d’immeubles et de maisons.
Sous l’Occupation, le 18 mars 1941, François Chateau est maintenu dans son fauteuil de maire par l’amiral Darlan autour d’une équipe réduite. Cette lourde décision, le maire de Rennes la traînera comme un poids après le conflit. En effet, il reste en poste jusqu’en juin 1944. Durant toute cette période, il doit faire face à la grande pénurie. Soucieux de résoudre les difficultés du quotidien, il organise la défense passive, stocke des denrées alimentaires non périssables, et crée un comité municipal de secours de guerre permettant de fournir des repas dans les cantines scolaires pour les familles démunies.
Au début, comme beaucoup, il n’a pas désavoué le Maréchal Pétain. Mais rapidement, il se montre hostile aux actions du gouvernement et cherche à se soustraire aux exigences de l’occupant et celles de Vichy. En raison de sa constante opposition, la Gestapo le suspend même de ses fonctions durant un mois en 1943.
On sait aussi que François Chateau fournit des renseignements à la Résistance et emploie dans son entreprise des hommes réfractaires au Service du travail obligatoire (STO). Le lendemain du Débarquement, il doit fuir Rennes pour échapper à un attentat de la Milice, qui pille sa maison.
Après la guerre, François Chateau se présente aux élections de 1945, puis se retire au second tour. En 1953, il se retrouve en tête de liste des élections municipales. Tout est alors prêt pour son installation au fauteuil de maire, mais un jeu d’alliance lui enlève le poste au profit d’un jeune représentant du Mouvement Républicain Populaire (MRP), Henri Fréville. François Chateau conserve son siège de conseiller jusqu’en 1959 et est élu au conseil général en 1955, assemblée dont il devient vice-président.
Pendant la Reconstruction, François Chateau poursuit l’activité de son entreprise et s’investit dans de nombreux groupements professionnels, comme le syndicat général des carrières et matériaux de Bretagne, dont il est le président. C’est pour son action dans cette institution qu’il est promu par le ministre des Travaux publics, Officier de la Légion d’honneur, le 6 août 1955.
En parallèle, il s’investit beaucoup dans les établissements de bienfaisance et pour l’enfance malheureuse, comme « la Maison de l’Enfant » de Combourg. Il s’éteint à Rennes le 5 février 1965.