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Dossier
#39
La SNCF table sur
un doublement de la fréquentation de la gare
RÉSUMÉ > La mise en service de la nouvelle ligne à grande vitesse rapproche Rennes et la Bretagne de Paris et de ses connexions internationales. Elle permet aussi de libérer la voie existante entre Rennes et Le Mans, qui sera dédiée aux liaisons régionales et au fret. De quoi renforcer la dimension de hub ferroviaire de la capitale bretonne, dont la gare devrait voir sa fréquentation doubler. Explications avec la directrice régionale de la SNCF, Nathalie Juston.

     Par les baies vitrées de son bureau qui domine la place de la gare de Rennes, Nathalie Juston jouit d’une vue imprenable sur le chantier d’EuroRennes. La directrice régionale de la SNCF est arrivée dans la capitale bretonne en novembre 2014 avec une mission claire : piloter la transformation du site ferroviaire en un véritable pôle multimodal et assurer son passage à l’heure de la grande vitesse. « La nouvelle gare devient la porte d’entrée de la Bretagne. Il s’agit d’un projet global de mobilité », explique cette femme dynamique, qui connaît parfaitement les arcanes de la SNCF pour y avoir occupé de nombreux postes à responsabilité, notamment la gestion des 15 000 conducteurs de train avant d’arriver à Rennes. Elle aime replacer les enjeux dans une perspective large : « En mai 2017, Rennes sera à 1 h 27 de Paris et Saint-Malo à 2 h 05. Les plages de la cité corsaire seront ainsi les plus proches de la capitale, avec une desserte directe et toute l’année, contrairement à Deauville », rappelle-t-elle. Et le Finistère ? « Lorsqu’on est à 3 h 15 - 3 h 30 de Paris, on se trouve dans la situation des Bouches du Rhône et de Toulon. La LGV rapproche toute la Bretagne », martèle la directrice régionale.

     À quel prix ? Impossible, pour l’instant, de connaître les grilles tarifaires qui seront proposées sur les trajets les plus rapides, concurrence oblige. « Il s’agit de mener une réflexion approfondie par rapport au prix et au temps, ce que les économistes appellent l’élasticité-prix. Nous connaissons les seuils acceptables, l’élasticité-prix vis-à-vis du temps du consommateur. C’est à partir de ces élé- ments que les tarifs seront proposés », indique Nathalie Juston, volontairement discrète sur cet aspect commercial très stratégique, à l’heure du covoiturage et de l’apparition des lignes d’autocars low cost.  

     Actuellement, l’heure est plutôt à la définition des grilles horaires. Un véritable travail d’horlogerie, où chaque minute compte : il s’agit en effet de faire passer des trains toutes les 4 minutes en moyenne sur un tracé de 350 kilomètres. La mise en service de la nouvelle ligne entre Connéré et Rennes s’accompagnera d’un accroissement des fréquences entre la pointe bretonne et Paris-Montparnasse, avec deux allers-retours quotidiens supplémentaires avec Brest et Quimper, et une liaison supplémentaire avec Rennes. Au total, il est prévu 21 allers-retours quotidiens entre Rennes et Paris, dont 13 fréquences directes et sans arrêt en 1 heure et 27 minutes, le meilleur temps de parcours. Soit environ un TGV direct par heure. Il faudra en moyenne rajouter 15 minutes supplémentaire par gare desservie le long du parcours. Un parcours sans aléas ? Le fait d’emprunter une ligne entièrement à grande vitesse mettra a priori les trains à l’abri des mauvaises rencontres animalières, notamment : le tracé sera en effet protégé sur toute sa longueur par un grillage censé tenir les sangliers à l’écart ! Et le fait de rouler sur une infrastructure neuve devrait réduire les risques de dysfonctionnements techniques liés à l’usure des matériels.  

     Comme un chantier peut en cacher un autre, celui de la LGV présente un autre intérêt, pour les dessertes régionales, celles-là. La voie actuelle va en effet pouvoir être dédiée aux trains express régionaux et dans une moindre mesure, au transport de marchandises, ce fameux fret qui ne cesse de perdre du terrain face à la concurrence du transport routier. Il s’agit d’un atout important pour la gare de Rennes, qui pourrait ainsi voir se renforcer les liaisons avec les communes périurbaines de l’est de l’agglomération, et au-delà, vers Vitré et Laval. En lien avec le conseil régional de Bretagne, qui gère les liaisons ferroviaires bretonnes, les équipes de la SNCF travaillent actuellement à la refonte de la desserte des TER, dans un souci de cohérence accrue avec les lignes à grande vitesse. « Il s’agit de réussir à articuler la très longue distance avec un besoin croissant de proximité », résume Nathalie Juston. La patronne du rail breton se félicite des très bons résultats enregistrés par le TER en termes de régularité. Il arrive en tête des classements nationaux (au coude à coude avec le réseau alsacien) avec un taux de régularité de 96 %.  

     Quant à la gare elle-même, elle devrait se transformer en « lieu d’escale » agréable et commerçante. L’analogie avec le vocabulaire du transport aérien ou maritime n’a rien d’anodin, bien sûr. Alors que la SNCF table sur un flux quotidien de 128 000 personnes qui fréquenteront la gare en 2018, contre 63 000 en 2013, cet accroissement du nombre de voyageurs – qui sont autant de consommateurs potentiels – devra s’accompagner d’un confort accru et de services améliorés. C’est le sens de l’investissement de 20 millions d’euros annoncés en novembre dernier par le groupe privé Démeter, qui gère l’exploitation de la galerie commerçante de la gare rennaise depuis 1991. Il prévoit la création de 2 300 m2 de surface commerciale répartis entre 12 « coques » dont deux de plus de 500 m2 , pour abriter des enseignes parfois inédites à Rennes. Elles devront être installées pour l’arrivée de la grande vitesse, en mai 2017.