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Dossier
#27
« La mise à l’abri ne suffit pas ! »
RÉSUMÉ > Le SIAO (Service intégré d’accueil et d’orientation) est le service mis en place par l’État pour organiser et réguler l’accueil des personnes en mal de logement, le fameux 115. Il réunit en Illeet- Vilaine les huit associations qui proposent un hébergement d’urgence. Son président Jean-Georges Kergosien explique ici les difficultés à gérer la demande, à donner à chaque demandeur une chance d’en sortir. Mais les réformes annoncées, celle de l’organisation du droit d’asile et la réforme territoriale, sont pour lui porteuses d’espoirs.

PLACE PUBLIQUE : Quel bilan tirez-vous des trois années de coordination de l’accueil des sans-abris et des mal logés en Illeet- Vilaine avec le SIAO ?
JEAN -GEOR GES KER GOSIEN :
Confronté à la croissance vertigineuse du nombre de personnes sans-abri et ou mal logées, à la recherche d’un hébergement en urgence et à la diversité des réponses institutionnelles, associatives, caritatives, l’État a mis en place cette coordination départementale, le SIAO, en décembre 2009. Il n’est pas facile de faire travailler ensemble l’État, les collectivités locales et les associations. L’État revendique le pilotage de la coordination mais peine à l’organiser. Le dialogue entre l’État et les associations s’est fait dans un premier temps, sans que les bailleurs sociaux et les collectivités aient été totalement associés. Autre difficulté: faire travailler ensemble des associations et faire en sorte qu’elles acceptent de se soumettre à l’autorité tierce du groupement de coopération, bref abandonner une partie de leur souveraineté.

D’autant que les champs d’intervention, eux aussi, ont évolué.
C’est vrai, de nouveaux publics apparaissent: des jeunes aux parcours chaotiques, sujets à des addictions fortes, à des pathologies mentales, des familles, essentiellement des familles de demandeurs d’asiles ou déboutées de ce droit d’asile, des femmes seules, de plus en plus jeunes, avec enfants. Dans ces conditions, les structures d’accueil font difficilement face à la croissance des demandes sans augmentation proportionnelle des moyens. Les cellules d’accueil et d’orientation, les services du 115 sont débordés, en particulier en raison de la multiplication des appels venant des demandeurs d’asile. Des réponses se précisent, cependant : abandon de la gestion saisonnière de l’urgence en pérennisant des places dites hivernales (soit 63 places supplémentaires), séparation des publics, rattachement de chaque public à un budget spécifique selon qu’il relève du droit commun ou du droit des demandeurs d’asile. Ces mesures permettront de mieux mesurer l’adéquation des moyens aux besoins.

Pour les demandeurs d’asile, le cadre juridique est-il un frein ?
La législation sur l’immigration et l’organisation du droit d’asile complexifient la tâche : les déboutés du droit d’asile ne relèvent plus de ce droit au sens strict mais du 115, qui est un accueil inconditionnel, quelque soit la nature du titre de séjour. Les annonces récentes marquant une volonté politique de clarification de l’immigration – rapidité de traitement des demandes d’asile, toilettage des textes… – peuvent d’abord favoriser le sort des personnes demandeuses mais aussi faciliter le travail des intervenants.

Revenons-en au SIAO, que vous présidez. Comment fonctionne-til, dans ce contexte ?
Son premier objectif est de coordonner les acteurs, pour qu’ils travaillent ensemble, partagent les meilleures pratiques d’accueil, développent leurs complémentarités. Il vise aussi à réguler les places, faire en sorte que l’hébergement d’urgence permette le repérage des personnes, leur identification, l’évaluation sociale et une meilleure orientation. Enfin, nous observons le phénomène de demande d’hébergement. Qui sont les demandeurs ? D’où viennent-ils ? Comment sortent-ils de ces périodes de mise à l’abri ? Ces observations qualitatives et quantitatives sont transmises au pilote de ce dispositif, l’État. À charge pour celui-ci d’augmenter les moyens, de mieux les répartir, de diversifier les actions.

Y a-t-il un code de bonnes pratiques de cet accueil d’urgence?
Notre objectif est de réduire, par la coordination des acteurs, les obstacles à l’accès à l’hébergement d’urgence ou à une démarche d’insertion. Par exemple, la question des chiens : les propriétaires de ces chiens sont-ils maîtres de leurs animaux, accepteront-ils de les museler ? Autant de questions que l’on doit se poser au moment de décider d’un accueil. Nous nous sommes rendus compte que le dispositif d’accueil d’urgence était insuffisamment articulé avec le parcours de chaque personne, qu’il fallait éviter les cassures et les ruptures. On pouvait être hébergé une, deux, trois nuits puis repartir dans la nature et revenir quinze jours plus tard sans qu’il y ait eu une quelconque tentative d’engager un processus de réinsertion. Les nouvelles dispositions réglementaires du 115 privilégient l’accueil, la mise à l’abri, l’évaluation sociale et l’articulation de cet accueil d’urgence avec un projet visant à l’insertion. Cet accueil doit être dynamique, prospectif. Ceci suppose le suivi, l’accompagnement et non la seule mise à l’abri qui serait passive et « assistantielle ».

Il est reproché à cette organisation de « promener » trop souvent les personnes accueillies de centre d’accueil en centre d’accueil.
La nature même de l’hébergement et sa gestion, une mise à l’abri de 3 / 4 jours, si elle n’est pas dynamique, court ce risque. Il faut évaluer, identifier, suivre et accompagner mais ceci suppose de changer les pratiques et de coordonner tous les intervenants. Si la personne dit « vous m'avez accueilli, je souhaite rester là », elle en a le droit d'un point de vue réglementaire. Mais peu demandent la prolongation du séjour, soit par méconnaissance de l'existence de ce droit, soit parce qu'elles se sentent redevables vis-à-vis de la société de les avoir accueillies quelques jours.

Cette structure de concertation a été très critiquée à ses débuts...
Effectivement, au départ les associations ont pensé que c’était un gadget qui ne résisterait pas aux aléas électoraux. D’autant que les moyens mis à disposition des huit associations réunies au sein du SIAO étaient réduits : un mi-temps ! Ces associations ont donc décidé de ne prendre en charge que l'hébergement d'urgence, renvoyant à plus tard et à des moyens supplémentaires la question de l'insertion. Autre critique, la faible place laissée au départ aux collectivités locales et aux bailleurs sociaux, qui comme les associations émettaient des réserves sur cette politique.

Quels sont vos projets pour améliorer les choses?
Les pouvoirs publics ont accru les moyens du SIAO et nous avons pris l’engagement de développer le volet « insertion » de notre mission. Plus tard, nous nous intéresserons aux conditions de sortie des dispositifs d’insertion et notamment aux divers types de logement qui pourraient être proposés : maisons relais, résidences sociales... Ces développements impliquent d’associer étroitement bailleurs sociaux et collectivités territoriales à l’action des SIAO. Ce sont les acteurs-clés de toute politique de logement et d’hébergement sur un territoire.