<
>
Dossier
#23
L’accueil par Rennes
des chercheurs internationaux
RÉSUMÉ > Depuis plus de dix ans, les laboratoires de recherches rennais (Inserm, Cnrs…) bénéficient d’une aide de Rennes Métropole qui tourne désormais autour de 500 000 euros par an. Cette allocation d’installation scientifique (AIS) a bénéficié depuis le début à 104 chercheurs plutôt jeunes, extérieurs à Rennes et ayant suivi un cursus international.

     De manière générale, Rennes Métropole associe son action de soutien à la recherche avec celle de la Région, notamment au travers du Contrat de projet État-Région. Ainsi, parmi les huit axes retenus, celui consistant à « conforter la performance de notre système d’enseignement supérieur de recherche et d’innovation au service de l’économie régionale » est doté de 400 millions d’euros pour la période 2007-2013. De cette enveloppe régionale, un peu plus de moitié, 206 millions d’euros, sont destinés aux établissements rennais : soit pour la recherche à hauteur de 106 millions d’euros (dont 10,8 provenant de Rennes Métropole), soit pour l’enseignement supérieur à hauteur de 100 millions d’euros. Rennes Métropole Y contribue pour 15 % de cette somme, notamment en vue d’édifier la Cité internationale.

     En dehors de cela, Rennes Métropole conduit elle-même ses propres initiatives, en autonomie par rapport aux autres collectivités. Dans ce cas, sa politique ne repose pas sur des thématiques prédéfinies mais vise a priori l’ensemble des champs disciplinaires. Ainsi en est-il des allocations d’installation scientifique (AIS) mises en place depuis 2001.

     Loin de représenter la majeure partie du budget alloué au soutien à la recherche publique (545 000 euros en 2011 sur un total d’environ 8 millions d’euros annuels destinés à la recherche et à l’enseignement supérieur), ce dispositif n’engendre pas nécessairement des retombées directes sur le développement économique de l’agglomération. Il n’en est pas moins significatif en termes de développement de l’attractivité du territoire métropolitain.
     Basé sur des critères d’excellence et de mobilité, intégrant généralement une dimension internationale, cette aide a évolué depuis son lancement. Au départ, elle devait répondre notamment – combler des lacunes d’effectifs prévisibles dans certaines disciplines telles que la chimie à cause du départ en retraite programmé d’un nombre important de chercheurs, tandis que d’autres domaines bénéficiaient au contraire des avantages de leur jeunesse, telle l’informatique par exemple. D’où l’idée au départ d’une aide ciblée même si, dès l’origine, elle ne devait pas se cantonner à un secteur spécifique.

Une aide personnelle à l’équipement

     S’appuyant largement sur les effets positifs de la proximité, sur le lien entre des services de Rennes Métropole et les laboratoires de recherche rennais, le dispositif attribue une subvention à des chercheurs de haut niveau récemment arrivés à Rennes. La somme allouée leur est directement attribuée à titre personnel. L’argent doit les aider dans la conduite de leurs travaux. Cependant, l’équipement acquis grâce à cet argent restera la propriété de l’établissement et, de ce fait, ne quittera pas le territoire métropolitain, même en cas de départ ultérieur du chercheur (seulement 9 sur 104). Les critères de base sont assez simples: être âgé de moins de quarante ans et travailler à Rennes depuis moins de trois ans, sans y avoir exercé une activité professionnelle ni y avoir été formé auparavant.
     Les meilleurs dossiers de candidature sont retenus en fonction d’éléments classiques de l’évaluation scientifique: nombre et niveau des publications, établissements fréquentés, expérience internationale, recommandations, intérêt du projet… Autrement dit, l’accent est clairement porté sur l’attractivité et l’excellence.

     Aujourd’hui, tous les établissements de recherche rennais connaissent le dispositif et candidatent lorsqu’ils peuvent le faire. D’ailleurs, chacun d’entre eux en a bénéficié à un moment ou un autre. Dans les proportions les plus importantes se retrouvent le CNRS (partenaire dans près de 80 % des cas) et l’université de Rennes 1 (78,8 %). Ainsi le dispositif bénéficie-t-il d’un bon écho dans l’ensemble du paysage scientifique rennais, avec le maintien d’un nombre relativement élevé de candidatures, compte tenu du critère contraignant de nouvelle arrivée sur le territoire métropolitain.
     Depuis 2004, le nombre moyen de candidatures s’élève à 42 par an avec une nette augmentation jusqu’à 2007 (de 30 à 48) et une diminution depuis 2009 (de 48 à 39) alors que, dans le même temps, le nombre d’AIS octroyées a continué à croître (de 8 à 14 entre 2004 et 2011).

     D’abord constitué par un ensemble de six allocations, chacune de 40 000 €, le programme s’est élargi à partir de 2004 en s’augmentant de nouvelles allocations de 10 000 € essentiellement destinées aux sciences humaines et sociales, dont les unités ont le plus souvent des besoins moindres en équipement que celles des sciences expérimentales. Puis, à partir de 2009, une nouvelle forme complète le dispositif en dotant des chercheurs expérimentés d’une somme de 75 000 €. Dans ce dernier cas, les trois bénéficiaires annuels, dont le critère d’âge limite n’est plus requis, sont alors aidés pour la mise en place d’une nouvelle équipe sous leur direction, la somme pouvant servir non seulement à de l’équipement (40 000 € minimum), mais également au fonctionnement (recrutement de jeunes chercheurs doctorants ou post-doctorants…). Ainsi, le budget total a-t-il lui aussi connu des évolutions, toujours dans le sens d’une augmentation (graphique 1). En effet, de 2001 à 2011, les 104 AIS octroyées totalisent un budget de 3 695 000 €, passant de 240 000 € les premières années à 545 000 € pour les plus récentes.

     La comparaison entre les montants et le nombre d’AIS alloués (graphique 2) confirme des besoins en équipements plus importants pour certaines thématiques de recherche, en particulier pour les sciences expérimentales. Les répartitions indiquent également le soutien important accordé à la recherche médicale, ainsi qu’aux sciences humaines et sociales, mais pour des budgets moins élevés.
     D’autre part, conformément aux objectifs de départs, un effort significatif se dessine notamment pour la chimie et la physique. D’ailleurs, ces deux domaines ont connu un regain de dynamisme notable au cours de la dernière décennie à Rennes. S’il apparaît certain que les AIS ne peuvent en constituer la seule cause, un effet de levier a pu contribuer à cette évolution. En effet, les dispositifs de soutien à la recherche adoptent le plus souvent un impact cumulatif, non seulement par un phénomène de financements croisés entre différentes institutions contributrices, mais également par entraînement, l’aide octroyée permettant de développer l’excellence de la recherche, qui gagne ainsi en reconnaissance et peut attirer davantage d’investissements.

     À l’exclusion des AIS senior, pour lesquels l’âge moyen des bénéficiaires est de 43,8 ans, les chercheurs dotés d’une allocation depuis 2009 sont âgés en moyenne de 34,2 ans. Cela veut dire que ces scientifiques disposent d’une expérience professionnelle déjà significative. Cela démontre que la qualité des études et en particulier du doctorat ne suffisent pas à elles seules à justifier d’un niveau suffisant pour prétendre à la sélection.
     Quel est l’impact de ces aides? Difficile de quantifier l’apport des nouveaux arrivants sur le territoire rennais et sur son milieu scientifique. Ce que l’on sait c’est que le partage de cultures et de pratiques différentes ne peut que bénéficier à une recherche par essence collaborative. À titre d’exemple sur la période 2009-2011, soit pour 42 bénéficiaires, on recense un total cumulé de 69 expériences professionnelles supérieures à six mois en France hors de Rennes, dont 22 à Paris.

     Quatre chercheurs sont de nationalité étrangère (deux Italiens, un Allemand et un Suisse) et seuls huit n’ont pas travaillé dans au moins un établissement étranger au moment de leur sélection. La plupart cumule plusieurs expériences de mobilité qui, au plan international se traduisent par une quarantaine de séjours pour l’ensemble, dont 13 aux États-Unis, 7 en Italie et en Allemagne, 6 au Canada, les autres pays étant la Norvège, la Chine, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Australie. Et, puisqu’il s’agit d’un critère nécessaire, tous proviennent de structures extérieures à Rennes. L’objectif initial de favoriser l’attractivité de scientifiques de haut niveau s’en trouve ainsi renforcé.
     Cependant, il convient de nuancer cette affirmation dans la mesure où l’on sait que les critères de choix d’un nouveau poste dépassent largement la seule possibilité d’obtenir une bourse d’installation. En effet, ce choix dépend avant tout d’un marché de l’emploi particulièrement resserré, des réseaux personnels et professionnels qu’a pu tisser le chercheur ou encore de l’environnement (général et scientifique, réel et réputé) du laboratoire d’affectation.

     Néanmoins, le véritable impact du dispositif AIS repose sur un effet levier confirmé par les bénéficiaires eux-mêmes. D’une part, son attribution simple et rapide est appréciée en comparaison avec les autres mécanismes classiques de financement souvent plus lourds. D’autre part, ce soutien permet une meilleure intégration du chercheur au sein de sa nouvelle équipe, à qui peuvent également profiter les équipements acquis. Enfin, les travaux permis par ce soutien entraînent généralement un processus plus pérenne d’une recherche qui se définit notamment par son aspect cumulatif.