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Dossier
#15
L’artiste Yves Trémorin rayonne à partir
de Rennes
RÉSUMÉ > Artiste renommé et très actif dans le champ de l’art photographique, Yves Trémorin ne renie pas son ancrage rennais. Au contraire, il l’a toujours revendiqué. Dans cet entretien, il souligne aussi la « chance » de Rennes d’être dotée de multiples ressources dans le domaine de l’art. Mais il se fait aussi l’écho des inquiétudes du milieu quant à l’avenir.

     Rencontré en novembre, Yves Trémorin œuvrait à la dernière présentation en France, de l’exposition La dérivée mexicaine, fruit d’une résidence menée au Mexique dans le cadre du projet Breizh-Mex. Il préparait une exposition de photographies prises au microscope électronique et une commande pour le Pôle image de Haute-Normandie, autour des Vikings et des mythes et traditions des Normands. « Je travaille sur l’image. Je m’interroge sur la photographie et son sens, en développant une pensée pour représenter le monde. Je travaille sur la forme où je joue de la pensée préconçue de celui qui regarde. Je suis un artiste et un photographe, l’un n’exclut pas l’autre ».

PLACE PUBLIQUE > Vivre et travailler à Rennes, est-ce difficile en tant qu’artiste contemporain?

YVES TRÉMORIN >
Au cours des années 80 et encore aujourd’hui, ce n’était et ce n’est pas simple, vu l’État centralisé dans lequel nous vivons. En termes de recherches de financement, c’est plus complexe. D’autant plus que je travaille beaucoup à Paris. Au départ, j’ai tout de suite voulu montrer mon travail ailleurs, en France, en revendiquant le fait de vivre à Rennes. Je fréquente les vernissages et je rencontre de nombreux artistes. Gilles Mahé est un exemple. Il vivait à Saint-Briac, loin de la scène parisienne, tout en motivant la scène bretonne et en gardant des liens parisiens. À l’international, cela ne change rien d’être Rennais. La difficulté est d’être artiste français à l’étranger, avec une politique de représentation des artistes français peu efficace. C’est peut-être aussi lié à une certaine spécificité de l’art français.

PLACE PUBLIQUE > Quelle place a Rennes au niveau de l’art contemporain?

YVES TRÉMORIN >
Une impulsion supplémentaire et une pensée à long terme seraient nécessaires. Les lieux existent, mais faut-il encore qu’ils puissent fonctionner. Il y a cette réforme des écoles d’art, qui se met en place et, si elle est bien menée, elle semble prometteuse. On peine à comprendre certaines décisions, comme ce qui se passe autour de La Criée et du Frac: comment et pourquoi sont-elles prises ? Par exemple, les Champs-Libres, pour moi, c’est une fausse bonne idée. Le regroupement des entités en diminue la qualité. Quel rapport entre la bibliothèque et l’espace des sciences. L’abonné de la bibliothèque, va-t-il voir une exposition? C’est un centre commercial de la culture. Je préfère le rayonnement à la concentration.

PLACE PUBLIQUE > Comment Rennes pourrait rayonner ?

YVES TRÉMORIN >
Nous avons la chance d’avoir un centre d’art, un musée, un Frac, une biennale, une université, une école d’art, des structures comme Lendroit, des galeries privées, des jeunes qui montent des galeries,… il faut les soutenir et leur faire confiance. Nous avons la chance d’avoir des équipes de professionnels bien ancrées et qui font un travail très pointu sur le terrain. Mettons les ensemble à travailler, ce qui ne veut pas dire diviser leurs moyens, mais les augmenter pour leur permettre de dédévelopper des projets intéressants, en faisant le lien. Si on compresse, cela devient du MP3.

PLACE PUBLIQUE > Existe-t-il un marché de l’art à Rennes?

YVES TRÉMORIN >
Il y a quelques collectionneurs. Le marché de l’art est surtout lié à la commande publique. On pourrait citer l’astuce nantaise, d’avoir transformé les oeuvres d’art en patrimoine touristique, avec Estuaires, un public nombreux et des budgets pharamineux. Nous sommes dans un monde de communication. La mise en valeur de l’art contemporain demande une bonne communication.

PLACE PUBLIQUE > L’art contemporain ne souffre-t-il pas des querelles de chapelles ?

YVES TRÉMORIN >
Querelles de chapelles, individualisme… pour les artistes sans doute, mais aussi pour le public. Ce qui me frappe est le manque de passerelle entre les différents milieux Quand il y avait l’espace d’exposition du Frac au TNB, le public des spectacles n’avait pas la curiosité d’aller voir les oeuvres présentées. Plus que le discours ce qui prime ce sont les oeuvres. Écoutons, regardons, pensons les oeuvres !