Créé par les lois de décentralisation de 1983, le Programme local de l’habitat est un dispositif déjà ancien. Mais, renforcé par la loi Solidarité et renforcement urbains (SRU, 13 décembre 2000), il est devenu l’élément fédérateur de l’ensemble des actions concernant l’habitat dans les territoires intercommunaux.
Pour élaborer le programme d’actions d’un PLH, la démarche se déroule en trois temps :
Le diagnostic vise à dresser un tableau complet des évolutions de l’offre et de la demande de logements en les comparant aux territoires voisins. Du côté de la demande, le nombre de personnes par ménage ne cesse de diminuer (2,3 en 2006 en France) ; les familles sont plus souvent monoparentales, recomposées ; les personnes isolées sont plus nombreuses ; le vieillissement de la population s’accentue ; tous ces phénomènes font croître et modifient les besoins en logement. Le chômage et le développement du travail précaire fragilisent une partie des ménages et les éloignent de la possibilité d’accéder à la propriété.
D’autre part, le tableau comprend un regard sur les évolutions de l’offre : le volume de la construction neuve et sa répartition entre les communes du territoire ; les types de logements livrés (location ou accession, collectif ou individuel, la taille de logements…), mais aussi le rôle joué par le parc existant, souvent prééminent dans le fonctionnement du marché, car l’offre dans l’ancien, par le jeu des mises en vente, des changements de locataires, est largement supérieure aux volumes proposés par le neuf. La mise en relation entre la demande et l’offre permet ensuite de préciser si des besoins en logement ne sont pas satisfaits : quels sont les segments de l’offre où la pression de la demande paraît la plus forte, où l’inadéquation entre les capacités financières des familles et les prix des logements offerts est la plus manifeste ?
Les orientations : les enjeux révélés par le diagnostic permettent de formuler des objectifs pour la politique locale de l’habitat. Des scénarios sont débattus. Fondés par exemple sur des évolutions démographiques plus ou moins fortes, sur des mutations plus ou moins rapides de la structure des ménages, ils peuvent amener à faire varier les objectifs de construction neuve.
Le programme d’actions proprement dit : une fois le diagnostic validé et les orientations arrêtées, un programme d’actions est formulé pour la durée du PLH. Il se décline généralement sous forme de fiches décrivant les objectifs et le contenu de l’action, les partenaires associés à sa mise en œuvre, son coût prévisionnel, et les financements que l’intercommunalité ou les communes s’engagent à apporter pour abonder certaines actions.
À l’issue de cette étape, le PLH est approuvé par le conseil communautaire, après avis des communes, de l’État, des partenaires associés (par exemple le département). Ensuite, la mise en œuvre du PLH, fixé pour 6 ans, s’accompagne d’un suivi qui peut prendre la forme d’un observatoire de l’habitat (récolte et diffusion régulières des principales données permettant de mesurer les principales évolutions de l’offre et de la demande de logements), d’évaluations périodiques pour estimer l’atteinte des objectifs, le cas échéant pour modifier le contenu de certaines actions.
Ayant eu l’occasion d’animer et d’accompagner divers PLH dans l’ouest de la France, j’ai pu constater l’importance de proposer des méthodes permettant en particulier aux élus de s’approprier la démarche. L’adhésion des élus est d’autant plus cruciale que les objectifs de production de logements sont à décliner depuis 2009 à l’échelle de chaque commune.
Le PLH est l’occasion pour les élus communaux d’affiner leur regard sur l’habitat de leur propre commune, mais aussi de découvrir les situations des autres communes, pas toujours bien appréhendées, de débattre des orientations possibles, de partager une ambition commune. Il constitue également une bonne occasion pour échanger avec les partenaires de l’habitat intervenant sur le territoire : organismes d’HLM, agents immobiliers, notaires, promoteurs privés, associations, représentants des structures d’hébergement, etc. L’une des méthodes couramment employée consiste à mettre en place des ateliers, des tables rondes pour partager le constat ou définir les orientations. Cette dynamique, suscitée par l’élaboration du PLH, peut trouver des prolongements pendant la durée de sa mise en œuvre, par exemple avec l’organisation de journées-rencontres, de forums de l’habitat, etc.
Le PLH ne s’intéresse pas qu’au nombre de logements à produire ou à améliorer, il intègre de plus en plus, depuis la loi SRU de décembre 2000, une dimension qualitative, c’est-à-dire le souci d’économiser l’espace, de favoriser une meilleure compacité des opérations d’habitat, de refaire la ville sur la ville en évitant de construire dans les espaces non urbanisés, naturels ou agricoles. La réflexion sur les politiques foncières, une meilleure connaissance par les élus des outils permettant de mieux maîtriser le foncier, voire la mise en œuvre d’une action foncière à l’échelle communautaire, peuvent découler du PLH.
De même, il questionne souvent la forme des opérations, la production banale des lotissements, pour donner à voir d’autres types de formes urbaines possibles et faire évoluer la culture urbaine des élus. La montée en puissance des préoccupations environnementales, des exigences énergétiques à la suite du Grenelle de l’environnement, suscite également dans les PLH l’inscription d’objectifs liés au développement durable : niveaux de performances énergétiques à atteindre, plans d’action pour réduire les consommations d’énergie dans les logements anciens.
La programmation des logements inscrite dans le PLH doit aussi tenir compte de la qualité de la desserte en transports en commun, de la proximité des services quotidiens (école, commerces, services de santé…), de la localisation des emplois.
Les PLH s’engagent sur des territoires très disparates : grandes agglomérations, villes moyennes, espaces périurbains ou plus ruraux. Les communautés de communes dont la population n’excède pas 50 000 habitants ne sont pas obligées de se doter d’un PLH. Mais elles sont assez nombreuses à le faire. En Ille-et-Vilaine, c’est le cas des intercommunalités composant les Pays de Brocéliande et le Pays des Vallons de Vilaine.
Selon leur situation, leur taille, leur histoire, les intercommunalités ne sont pas dotées des mêmes capacités internes d’expertise et d’animation (ramenées au nombre de techniciens par habitant, ces inégalités sont flagrantes) ; elles n’ont pas les mêmes latitudes à mobiliser des moyens financiers pour abonder les actions du PLH. Un fossé profond sépare la grande agglomération, dotée de services étoffés, pourvue d’une agence d’urbanisme, disposant de longue date d’un observatoire de l’habitat, composée d’élus bien rodés aux démarches intercommunales, et une communauté de communes de l’espace périurbain, aux services réduits, formée d’élus moins habitués au débat intercommunal, notamment sur les questions d’habitat.
Ces inégalités se traduisent par des PLH de nature et d’ambition différentes. Évoquons quelques exemples dans le département d’Ille-et-Vilaine :
Rennes Métropole a déjà engagé trois PLH. Le plus récent, approuvé en 2006, actuellement en cours, a porté le niveau d’exigence à un degré supérieur, et a anticipé les obligations de la loi Mobilisation pour le logement (2009). Des contrats ont été passés avec chacune des 36 communes sur le nombre global de logements à réaliser, sur la part de logements locatifs sociaux (25 %), d’accession aidée ou de logements locatifs intermédiaires (25 %), et de logements non aidés (50 %), avec des prix à respecter et des surfaces de terrain à ne pas dépasser. La tenue de ces objectifs, commune par commune, conditionne les aides de Rennes Métropole, qui sont très importantes.
L’agglomération rennaise, qui s’appuie sur ses capacités d’ingénierie, sur une expérience éprouvée en politique foncière et politique de l’habitat, fait preuve d’une forte volonté politique en matière d’habitat, reconnue au niveau national. Le PLH fixe un objectif de livraison de 4 500 logements par an ; en 2008, plus de 4 600 logements ont été produits, mais cet objectif sera peut-être difficile à tenir dans un contexte de ralentissement de l’activité immobilière. Des résultats concrets sont observés : développement et meilleure répartition des logements locatifs sociaux entre ville-centre et communes périphériques, offre plus adaptée pour les jeunes ménages cherchant à accéder à la propriété avec des ressources limitées.
Saint-Malo Agglomération a approuvé son premier PLH, qui couvre la période 2008-2013. L’intercommunalité, récente, réunit 17 communes, aux enjeux différents. Dans les communes littorales ou des bords de Rance, les prix des logements sont plus élevés ; les communes de l’intérieur, elles, sont diversement soumises à la pression du développement.
Le programme vise la production de 800 logements par an, moitié à Saint-Malo, moitié dans les autres communes. Il fixe un objectif de 20 % de logements sociaux dans la construction neuve, pour relancer cette offre et surtout la rééquilibrer entre la ville-centre, déjà bien pourvue, et les communes périphériques. Des aides relativement conséquentes sont mobilisées par l’agglomération pour faciliter la livraison de ces logements. Des aides sont également prévues pour inciter les jeunes ménages primo-accédants à s’installer dans le territoire, plutôt que dans une commune plus éloignée. Un recensement des terrains disponibles, y compris en secteur déjà urbanisé, a été entrepris ; opération d’amélioration du parc ancien et observatoire de l’habitat sont aussi au menu. Ce PLH a été, pour les élus, l’occasion, pour la première fois, d’échanger entre eux et avec les acteurs de l’habitat sur le diagnostic, de trouver un accord sur des orientations communes. Ces orientations, moins ambitieuses que celles de Rennes Métropole, n’en constituent pas moins le début d’une politique de l’habitat communautaire. Reste bien sûr à suivre sa mise en œuvre.
Sans y être vraiment contraintes, des communautés de communes comprises dans l’aire urbaine rennaise, ont également engagé des PLH. Généralement, ces PLH ont été élaborés avec l’appui des Pays, qui regroupent plusieurs de ces intercommunalités périurbaines. C’est par exemple le cas des communautés qui composent le Pays des Vallons de Vilaine et le Pays de Brocéliande.
Le Pays des Vallons de Vilaine, au sud de Rennes, se compose de deux communautés de communes, celle de Guichen (8 communes) et celle de Moyenne Vilaine Semnon (18 communes, dont Bain-de-Bretagne). Dans les années 2000, ces communes ont connu une croissance démographique importante. Le PLH prévoit la production de 520 logements par an, pour l’ensemble des deux communautés de communes. Comme il est mis en œuvre par les instances communautaires, chaque intercommunalité a défini des moyens d’action qui diffèrent légèrement. Pour ces territoires, l’enjeu central consiste à développer une offre locative adaptée, et à continuer à accueillir, malgré la hausse des prix, les jeunes ménages souhaitant accéder à la propriété. Dans la mise en œuvre de ces actions, ces intercommunalités sont soutenues par le conseil général (aides pour l’accession sociale à la propriété).
Pour ces intercommunalités périurbaines, le PLH a pu aussi constituer une première occasion d’échanger sur la qualité des opérations d’habitat, les lotissements notamment, et ainsi de mieux intégrer les objectifs du développement durable dans l’urbanisme. Toutefois, elles ne disposent pas des mêmes moyens en ingénierie que Rennes Métropole, par exemple pour bien maîtriser les outils fonciers ou négocier les programmes de construction avec les promoteurs privés, ce qui limite davantage la portée de l’action. Le PLH, appuyé par ailleurs par un SCoT dans ces territoires, permet l’émergence de politiques de l’habitat à la mesure de ces intercommunalités périurbaines.
Les propos qui précèdent peuvent donner l’illusion que les politiques territoriales de l’habitat, via les PLH, permettent de contrecarrer en profondeur les tendances du marché foncier et immobilier. La capacité des PLH à infléchir les marchés est en réalité limitée par plusieurs facteurs.
Tout d’abord, les aides territorialisées au logement et contingentées (aides au logement locatif social, aides de l’Anah pour l’amélioration de l’habitat ancien…) ne constituent plus qu’une part très minoritaire (de l’ordre de 1 milliard € par an) face aux aides non localisées et non contingentées, telles que les aides à la personne (13 milliards € par an) et les aides fiscales (8 milliards € par an) qui échappent à la maîtrise des territoires.
De plus, les PLH n’effacent pas les inégalités entre territoires, leurs différences d’attractivité, leurs niveaux de prix immobiliers, ni leurs spécialisations plus ou moins marquées dans l’accueil de certaines catégories de population. Les enjeux sont de nature différente, par exemple, entre :
– les espaces littoraux touristiques où les prix flambent sous la pression de la demande des seniors et où la question est de retenir les jeunes ménages actifs qui éprouvent de grandes difficultés à trouver un logement
– les espaces périurbains sans vraie ville-centre, où la grande majorité des ménages vont travailler à l’extérieur et dont la vocation résidentielle est tournée vers la primo-accession pour les jeunes ménages
– une ville centre d’agglomération et pôle d’emploi, confrontée au défi de renouveler l’offre de logements, principalement dans des secteurs déjà urbanisés, ou d’enrayer la dévalorisation des grands quartiers d’habitat social.
Le développement de l’accession à la propriété, soutenu au plan national, a été alimenté par des taux d’intérêt faibles, des prêts à plus long terme, la création des prêts à taux zéro. Le pourcentage de propriétaires dépasse maintenant 50 % en France, et il est particulièrement élevé dans l’Ouest, région où la propriété d’une maison individuelle reste l’idéal d’une majorité de familles. Ce désir d’accession s’est traduit par un puissant mouvement de périurbanisation autour des villes, facilité par la desserte rapide d’autoroutes gratuites. Mais il fragilise aujourd’hui de nombreux ménages, qui doivent faire face à des coûts de logement et de transport qui s’alourdissent et aux contraintes de temps liées aux déplacements. Les PLH sont là aussi impuissants à contrecarrer ce mouvement des ménages vers les périphéries.
Malgré les politiques nationales et locales de l’habitat, la crise du logement perdure, et le nombre de ménages qui éprouvent de grandes difficultés à se loger ne se réduit pas. Le décalage entre les prix de l’immobilier et les capacités financières de la majorité des familles ne cesse de se creuser, aggravant les risques d’endettement à long terme et d’insolvabilité pour une part des ménages.
Cependant, même si elles sont limitées, les marges de manœuvre des politiques locales de l’habitat, qui se concrétisent dans les PLH, ne sont pas négligeables. Leur enjeu principal est de poursuivre le développement d’un parc locatif diversifié, suffisamment abondant, et réparti de manière équilibrée entre les territoires, pour atténuer les risques suscités par le développement de l’accession à la propriété et par une dévalorisation accentuée des quartiers d’habitat social les plus anciens. Leur intérêt réside également dans leur capacité à générer une prise de conscience des enjeux de l’habitat et un débat local.
Gérard Darris est directeur d’études dans le bureau d’études urbaines Cerur (Rennes), et professeur associé de l’université de Rennes 2, enseignant dans le Master Aménagement et collectivités territoriales.
La loi SRU contraint les communes de plus de 3 500 habitants incluses dans une agglomération (au sens Insee) de plus de 50 000 habitants, à atteindre 20 % de logements « sociaux » dans l’ensemble des résidences principales. Ce fameux « article 55 » a été souvent débattu au parlement depuis sa promulgation, des membres de la majorité souhaitant l’assouplir. Mais il n’a pas été modifié. Il est vrai que certaines communes préfèrent s’exonérer de l’obligation de construire des logements sociaux en s’acquittant des pénalités financières prévues par la loi.
La loi Libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 introduit une autre rupture importante : le PLH ne peut plus être conduit au niveau communal, mais nécessairement à l’échelle des intercommunalités. Elle instaure aussi la possibilité pour les intercommunalités disposant d’un PLH approuvé de se voir déléguer par l’État les aides à la pierre contingentées. L’Ille-et-Vilaine, Rennes Métropole, Vitré Agglomération, et plus récemment Saint-Malo Agglomération, ont opté pour la délégation, le conseil général étant délégataire pour le reste du département.
Pour achever ce panorama juridique complexe, tant les lois relatives à l’habitat se sont succédé à un rythme élevé ces dernières années, citons également la loi Engagement national pour le logement (13 juillet 2006), qui rend le PLH obligatoire pour tous les territoires intercommunaux de plus de 50 000 habitants (comprenant une commune d’au moins 15 000 habitants), la loi Droit au logement opposable (5 mars 2007) qui contient notamment l’obligation de réaliser un certain nombre de places d’hébergement d’urgence, ou encore la récente loi Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (25 mars 2009) qui renforce la portée opérationnelle du PLH, en rendant obligatoire la déclinaison de ses objectifs (nombre de logements aidés à réaliser) pour chaque commune.