<
>
Dossier
#13
« Le financement arrive
à bout de souffle »
RÉSUMÉ > Les conseils généraux sont en première ligne sur la question de la dépendance, via notamment le versement de l’allocation APA. François André, vice-président du conseil général d’Ille-et-Vilaine, en charge de la solidarité, et Robert Denieul est directeur du pôle solidarité dans le même conseil général, répondent à nos questions.

Place Publique > Comment intervient le conseil général dans la mise en œuvre de l’Allocation personnalisée autonomie (APA) ?

François André > L’APA est une prestation dont le financement repose surtout sur un impôt local. Cet impôt est collecté par une collectivité, le conseil général, dont l’autonomie fiscale a fortement diminué. Je pense que ce financement arrive à bout de souffle.

PLACE PUBLIQUE > Comment le conseil général gère-t-il l’APA?

FRANÇOIS ANDRÉ >
Le Département verse l’APA selon un montant qui tient compte des ressources de la personne et est calculé, s’agissant de l’aide humaine qui est la plus importante, sur la base d’un coût horaire fixé aujourd’hui à 18,86 €. Le conseil général d’Ille-et-Vilaine s’est fixé pour règle la proximité tant dans l’approche de la question que dans son traitement. Ainsi avons-nous choisi de nous doter d’équipes médico-sociales composées de médecins et de travailleurs sociaux répartis sur l’ensemble du territoire départemental. Autre choix: le souci de prendre en compte l’aspiration des personnes âgées à vieillir chez elles. Pour autant, notre taux d’équipement en nombre de place en établissement est légèrement supérieur à la moyenne nationale. Alors qu’au plan national, 60 % des bénéficiaires de l’APA vivent à domicile, en Ille-et-Vilaine, ils sont 6 500, soit 42 % (pour 9100 en établissement, soit 58 %).

ROBERT DENIEUL > Cette action nous conduit d’une part à faire des métiers du maintien à domicile de vrais métiers en nous appuyant sur les associations prestataires, et d’autre part à travailler à l’amélioration de l’habitat des personnes âgées. Pour cela, nous nous appuyons sur le Pact- 35, notamment pour mener des missions de conseil aux personnes. Cette démarche est importante car, dans les années à venir, le nombre de personnes de plus de 80 ans va augmenter de plus de 20 %. Et contrairement à ce que l’on croit, le vieillissement n’est pas seulement la question des territoires ruraux. Dans notre département, c’est dans la couronne rennaise que l’évolution sera la plus importante.

PLACE PUBLIQUE > Y a-t-il une différence dans l’attribution de l’APA selon que l’on est à domicile ou en établissement ?

ROBERT DENIEUL >
Oui, il y a d’ailleurs deux types d’Allocation personnalisée autonomie: l’APA à domicile, versée à la personne et l’APA en établissement, versée directement à l’établissement sous forme de dotation globale.

PLACE PUBLIQUE > Comment se passe l’attribution de l’APA à domicile?

ROBERT DENIEUL >
À la demande de la personne ou de la famille, le médecin de l’équipe médico-sociale évalue le taux de dépendance de la personne selon la grille AGGIR. Si la personne est identifiée comme dépendante (de 1 à 4 selon cette grille), les travailleurs sociaux élaborent un plan d’aide. C’est à partir de ce plan que le montant de la prestation est déterminé. Celle-ci finance les interventions de professionnels auprès de la personne et sert à l’achat de biens et de services pour certains actes de la vie quotidienne.

PLACE PUBLIQUE > Une fois que le plan d’aide est arrêté, qui intervient auprès de la personne?

FRANÇOIS ANDRÉ >
Il y a en fait 3 possibilités d’intervention: La personne dépendante ou la famille peuvent faire le choix d’une relation de gré à gré. Dans ce cas-là, la personne dépendante est employeur de la personne qui intervient. Une autre solution consiste à faire de la personne dépendante, l’employeur, mais de passer par une association qui se substitue à la personne âgée pour gérer le contrat. C’est ce que l’on appelle les services mandataires. Enfin, il y a une troisième solution, que privilégie le conseil général: le service prestataire. Cette solution permet à la personne de ne pas être employeur des personnes intervenantes chez elles. Les intervenants ou intervenantes sont salarié(e)s d’une association ou organisme qui facturent la prestation. C’est plus sécurisant pour la personne.

PLACE PUBLIQUE > Vous dites privilégier ce mode prestataire, mais de quelle façon?

ROBERT DENIEUL >
En nous appuyant sur des services de maintien à domicile autorisés. Ici, il y a trois grands acteurs: l’ADMR, l’Una et les CCAS. Chaque année, une négociation budgétaire s’ouvre entre le conseil général et les associations. Les coûts peuvent varier en fonction de la pyramide des âges et des qualifications du personnel, de la structuration de l’emploi, des secteurs géographiques. C’est sur la base d’une analyse précise de la réalité qu’est calculé le coût réel des prestations rendues par les associations ou organismes.

FRANÇOIS ANDRÉ > Depuis 2004, le conseil général a créé une enveloppe pour couvrir la différence entre le coût horaire fixé pour l’APA et le coût réel du service. C’est en quelque sorte une « APA complémentaire » qui vient couvrir la différence entre le coût horaire défini nationalement et le coût réel. Un léger ticket modérateur est laissé à la charge de la personne. Tous les bénéficiaires de l’APA, sous réserve qu’ils aient recours à un service prestataire autorisé, bénéficient de cette allocation complémentaire, qui je le rappelle est un choix du Conseil général d’Ille-et-Vilaine. Tous les Départements n’ont pas cette démarche.

PLACE PUBLIQUE > Et pour l’APA en établissement, comment les choses se passent-elles ?

ROBERT DENIEUL >
Pour accueillir des personnes âgées dépendantes, les établissements doivent avoir reçu une autorisation délivrée par le conseil général et l’Agence régionale de santé (ARS). Cette autorisation est accordée par le Département au regard du plan gérontologique départemental. Et, bien sûr, l’autorisation est donnée dès lors que nous avons les moyens de financer leur fonctionnement. Chaque année, le conseil général arrête pour chaque établissement un « tarif dépendance » qui servira à calculer le montant de l’APA versée à l’établissement.

PLACE PUBLIQUE > Les établissements, les EHPAD, sont-ils financés en totalité par le conseil général ?

FRANÇOIS ANDRÉ >
Non, il y a toute la partie soin qui est financée par la sécurité sociale. Le tarif des établissements se divise en trois: Une partie concerne le soin et est prise en charge par la Sécurité sociale. Une deuxième a trait à la dépendance et est financée par l’APA sous la forme d’une dotation globale du Conseil général. Une troisième a trait à l’hébergement et reste à la charge de la personne. Sauf que le Conseil général vient en aide aux personnes qui n’ont pas assez de ressources via l’aide sociale à l’hébergement. Pour en bénéficier, il ne faut pas être dans des établissements à but lucratif.

PLACE PUBLIQUE > Pour les familles, à quelle porte faut-il frapper pour demander l’APA?

ROBERT DENIEUL >
Il y a les CLIC (Centres Locaux d’Information et de Coordination). Il y en a 14 sur le département. Il s’agit soit d’associations, soit de structures adossées aux CCAS des communes. Ces structures sont composées de professionnels qui ont pour mission d’informer les personnes et les familles sur leurs droits, de les accompagner dans leurs démarches et d’en assurer, le cas échéant, le suivi. On peut aussi s’informer dans les CCAS Centres communaux d’action sociale et les CDAS (Centres départementaux d’action sociale).

PLACE PUBLIQUE > Quelles relations y a-t-il entre le Conseil général et l’Agence régionale de santé?

FRANÇOIS ANDRÉ >
La loi HPST (hôpital, patients, santé et territoire) fait obligation aux Agences de santé de construire un schéma régional de santé en s’appuyant sur les schémas départementaux. Nous travaillons avec elle pour définir les tarifs dans les établissements, car c’est elle qui intervient dans le financement du soin. Mais c’est bien le conseil général qui est reste compétent en matière de dépendance.