<
>
Contributions
#13
Les Amitiés sociales
ont inventé les Foyers
de jeunes travailleurs
RÉSUMÉ > Les foyers de jeunes travailleurs (FJT) sont nés à Rennes, il y a soixante ans sous l’impulsion d’une association, « Les Amitiés sociales ». Toujours active, elle vient d’inaugurer au printemps, son quatrième foyer rennais, rue du Gros-Malhon. Dédiées au dé- part à l’accueil des jeunes ruraux ouvriers, « Les Amitiés sociales » ne fournissent pas seulement un toit, elle participe désormais à la socialisation de 1300 jeunes, souvent en situation précaire.

     Les résidants actuels des FJT vivent dans un environnement économique et social très différent de celui d’hier notamment parce que, comme beaucoup de jeunes, ils subissent plus que d’autres catégories de la population la dureté de la situation économique.
     Neuf pour cent seulement des jeunes accueillis bénéficient d’un contrat de travail en CDI à temps plein. Alors que naguère, les Foyers de jeunes travailleurs accueillaient parfois des jeunes de 14-16 ans, aujourd’hui, ce sont des personnes de 28-30 ans demandent à y résider, tant la stabilisation dans l’emploi se fait de plus en plus tard. Beaucoup vivent la précarité, les successions fréquentes de statuts, les allers-retours permanents qui transforment les périodes d’expérimentation en périodes de galères. Les situations de rupture - familiale, conjugale, institutionnelle - sont en forte augmentation et la visibilité sur leur avenir s’affaiblit. Le phénomène touche d’ailleurs tous les pays européens. Les Italiens appellent « retour à l’hôtel Mama » le fait de re-cohabiter. À Rennes, 30 % des résidants des FJT retournent à « l’hôtel Mama » à l’issue de leur séjour.

     Ces jeunes ont pour la plupart des difficultés financières. Seul un tout petit nombre d’entre eux peut bénéficier du RSA. On ne trouve qu’un résidant de FJT sur quatre à atteindre le Smic. Les allocations de formation procurent environ 300 euros de revenu mensuel. Au final, les jeunes annoncent un reste à vivre, après paiement de la redevance au FJT, situé entre 200 et 400 euros par mois. Cette fragilité économique entraîne la dépendance institutionnelle et familiale. Trois résidants sur quatre touchent l’APL (aide personnalisée au logement) partiellement ou en totalité en fonction de leurs ressources antérieures.
     Michel Bouvier, président de l’association, précise les objectifs: « Nous pensons qu’il ne suffit pas de donner la clef d’un logement pour que tout aille bien… Nous ne souhaitons pas laisser à Bouygues le monopole des propositions, des réalisations et des gestions… Les résidants doivent trouver dans nos habitats jeunes un espace stabilisateur dans un parcours parfois chaotique, un espace agréable, facilitateur de contacts et d’épanouissement, d’autonomie, d’intimité et de convivialité. »
     La fondation Abbé Pierre a rappelé récemment que 45 000 Bretons sont en attente d’un logement. Les Amitiés sociales participent au combat du droit à un logement de qualité pour tous en proposant une gamme de logements en parfait état. Les initiatives de rénovation, comme celle qui vient d’avoir lieu au foyer Robert Rème et qui vont concerner également le foyer de la Motte Baril, veillent à la qualité et à la beauté architecturales des résidences, à la diversité des surfaces de logements pour répondre aux souhaits des jeunes, à l’équilibre des espaces privatifs et des lieux de services collectifs, à proximité des zones d’emploi.
     Les directeurs des 4 foyers de jeunes travailleurs rennais mettent l’accent sur leur travail d’accompagnement social des résidants vers l’autonomie. À un moment où pour beaucoup de jeunes l’emploi se dérobe, où l’adéquation des formations avec les offres de travail est souvent difficile, cet habitat jeunes est un outil pour « faire un bout de chemin avec les résidents sans faire à leur place. » Par des entretiens individuels formels ou informels aussi bien que par des actions collectives permettant le brassage et la mixité des personnes accueillies, les animateurs favorisent l’apprentissage du vivre ensemble et l’intégration citoyenne, bien au-delà de la seule fourniture du gîte et du couvert.

     L’inauguration du nouveau foyer du nom de Robert Rème, rue du Gros Malhon, le 11 avril 2011, a fourni l’occasion à l’association de faire référence à son histoire de plus de 60 ans puisque Robert Rème fut le présidentfondateur des « Amitiés sociales » à la fin de la guerre. L’association s’est créée à Rennes autour de la question de l’accueil des jeunes ruraux ouvriers ou apprentis. Ces dernier, contrairement aux étudiants, arrivaient en ville sans qu’il existe de structures d’hébergement. Partie de Rennes, l’idée des foyers de jeunes travailleurs a ensuite essaimé dans toute la France. Aujourd’hui encore, à l’heure où les crédits de l’État en matière de logement vont se restreignent, les dynamiques locales apparaissent décisives.
     Michel Bouvier ne manque pas de rappeler que « si la période a changé, les finalités restent d’actualité ». A cet égard, il cite deux autres grands acteurs des FJT et de l’histoire sociale rennaise: Michel Leroux, élu de la municipalité Fréville qui, dès 1956, précisait: « Un FJT, il ne s’agit pas d’un hôtel pour jeunes célibataires comportant des chambres et quelques gardiens chargés de la propreté et du bon ordre. » Tandis que Guy Houist, autre rennais qui sera conseiller technique du ministre de l’Urbanisme et du Logement, déclarait en 1959, avec le style de l’époque: « Le FJT incarne la protection des droits de la jeunesse laborieuse à un toit, une éducation et une promotion technique. »
     Tout au long de deux rencontres-débats organisées ces derniers temps par l’association, l’accent a été mis sur l’importance d’un système local de l’habitat organisé et cohérent. Rennes Métropole, en doublant sa production de logements, en réservant 50 % des logements neufs au marché locatif social et au logement intermédiaire et en produisant, massivement du « logement petit », contribue à détendre le marché immobilier pour les jeunes. Quant au conseil général et à la caisse d’allocations familiales, ils apportent également une substantielle aide structurelle, fonctionnelle et d’investissement.

     Ces actions en partenariat prolongent le rôle expérimental qui fut celui des responsables des « Amitiés sociales ». Il faut en effet rappeler que dans les années 50, les Amitiés furent les instigateurs de la loi sur les mètres carrés sociaux qui font obligation aux constructeurs de HLM de réserver 1m2 par logement aux besoins collectifs des habitants. En 1963, à l’initiative d’une adjointe au maire, Renée Prévert, se crée la commission unique d’attribution des logements sociaux, favorisant la transparence et l’efficacité des attributions. Dans la même dynamique, se mit en place en 1967 la commission des dettes de loyers réunissant la Caf, la Ddass, le CCAS de la ville, la CPAM et les Assedic. Une alliance qui permit d’apporter une réponse commune et appropriée aux résidants en difficulté.