Ils sont quatre, quatre architectes associés au sein de l’agence rennaise a/LTA: Alain Tassot, Gwénaël Le Chapelain, et un père et son fils, Jean-Luc et Maxime Le Trionnaire. Le premier est né en 1949, le second en 1979. Trente années les séparent, une génération. L’agence est née vraiment en 1995. Comptant près d’une vingtaine de collaborateurs, elle s’est transformée en 2010 avec l’arrivée des deux plus jeunes: Le Chapelain, l’inventeur de l’arbre à basket que l’on vient de planter à Nantes sur l’esplanade de l’éléphant, et le fils Le Trionnaire, de retour tous deux d’une expérience parisienne de presque 5 années. Rencontre avec le père et le fils prodigue, où il est question en ce début du mois de mai 2012 de transition et de transmission.
PLACE PUBLIQUE > Comment se nouent et se dénouent les histoires entre père et fils dans l’univers des architectes? On a connu quelques exemples malheureux, je pense au célèbre duo formé un temps par Henri et Bruno Gaudin aujourd’hui fâchés…
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > Ah, père et fils… c’est important, surtout pour le sortant ! Je crois en effet beaucoup à la transmission dans l’univers des professions libérales où nous portons longtemps après la livraison de nos projets la responsabilité légale de nos actes. Je rappelle que nous sommes les seuls à offrir une garantie trentenaire sur nos ouvrages… Sans descendance professionnelle, la fin de carrière en est réduite à la gestion personnelle sur le temps long de cet héritage de responsabilités légales.
MAXIME LE TRIONNAIRE > Au fond, mon père est un homme très intéressé!
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > Lorsque vous souhaitez mettre un terme à votre activité, vous avez deux solutions : la décroissance par renoncement à la commande avec à la clé le licenciement progressif du personnel de l’agence, ou la transmission raisonnée à un successeur que l’on accompagne après lui avoir laissé les clés. Nous avons choisi la seconde solution. Il se trouve que j’ai un fils architecte, c’est donc plus simple, notamment sur le plan financier. Et puis nous nous entendons bien.
PLACE PUBLIQUE > Alors, vous Maxime, tout petit déjà vous étiez appelé à devenir architecte?
MAXIME LE TRIONNAIRE > C’est ça, tout petit déjà, j’ai construit des cabanes dans l’agence de mon père! Vrai et faux: je venais souvent à l’agence pour y souiller les plans de ses collègues! Mais j’ai commencé mes études supérieures en fac de sciences éco, tout en évitant la section arts appliqués pourtant accessible dans mon lycée. Je n’ai pas voulu… Je crois que j’avais un peu laissé tomber cette histoire d’architecte. Plus tard, j’ai retrouvé le bénéfice de ces premiers pas en sciences éco: les écoles d’archi ne sont pas toutes monocentrées sur le projet. En particulier à Nantes, où j’ai fait mes études, j’ai pu réinvestir auprès d’Elisabeth Pasquier, sociologue, tout le bénéfice de ce savoir initialement acquis. Mon mémoire de 5e année a porté, à l’orée des années 2000, sur la préfiguration de la nouvelle école d’architecture sur l’Île de Nantes. J’avais imaginé une structure qui aurait permis d’observer l’avancement du chantier. Finalement, c’est un peu ce qui a été mis en oeuvre avec le bistrot du chantier, encouragé à ses débuts par Patrick Bouchain et Philippe Bataille. Bon, j’avais proposé pour ma part un restaurant ouvrier… Je suis très attaché à ces années passées à l’école de Nantes. Marc Boixel m’y a fait découvrir l’archi en première année, le groupe Oxymore a animé ma deuxième année, moment redoutable! Sont ensuite venus les stages, chez Architecture Studio à Paris, une grosse machine, et puis surtout chez Duncan Lewis à Angers: le grand écart entre l’usine et l’atelier, la hiérarchie militaire et le travail artisanal!
PLACE PUBLIQUE > Duncan Lewis chez qui plusieurs jeunes architectes nantais sont passés…
MAXIME LE TRIONNAIRE > Oui, et notre associé Gwenaël Le Chapelain y est lui aussi passé, c’est d’ailleurs lui qui m’y a fait entrer et nous étions à Prague ensemble… Le diplôme acquis, j’ai également eu une expérience marquante au sein de l’agence X’Tu, des architectes qui à l’époque participaient à une quinzaine de concours par an sans en gagner un seul, typique finalement de nombre d’agences parisiennes. Distingués très tôt par des récompenses « institutionnelles », lauréats des Albums de la Jeune Architecture dès 1992, appartenant à la même génération que Manuelle Gautrand ou Périphériques, ils ont longtemps refusé les compromis1.
PLACE PUBLIQUE > Ici, à Rennes, vous avez abandonné ce type de candidatures, des candidatures juste pour voir…
MAXIME LE TRIONNAIRE > Pas le temps, ici ! On travaille sérieusement !
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > Plus sérieusement, nous n’avons pas à Rennes le même tissu professionnel qu’à Paris. Les agences ne disposent pas de ce vivier de jeunes architectes talentueux prêts à passer leurs soirées sur ce genre de projets. Les jeunes qui sortent de l’école font plutôt le choix, justement, de partir d’abord à Paris. Enfin, les garçons partent à Paris et les filles restent plutôt dans les agences rennaises…
PLACE PUBLIQUE > En Bretagne, des villes : Rennes, mais aussi Brest, Saint-Brieuc, Quimper, Lorient, Vannes… captent ce vivier de jeunes diplômés souhaitant retourner « au pays »
MAXIME LE TRIONNAIRE > Oui, les Nantais ont plutôt tendance à rester dans les vraies grosses agences nationales que l’on trouve à Nantes et pas à Rennes. Et puis règne à Nantes une sociabilité entre architectes qui n’existe pas avec la même intensité à Rennes où chacun reste plus sur son quant-à-soi. À Nantes, lorsque Forma 6 inaugure ses nouveaux locaux, tout le monde s’y retrouve, que l’on travaille chez Gaëlle Péneau, Tetrarc ou Barré-Lambot. Des fêtes où l’on croise aussi les enseignants, et même le directeur de l’école, Philippe Bataille. À quoi cela tient-il ? Une école plus ouverte? Un marché plus détendu parce que plus dynamique?
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > Nantes se rapproche plus du fonctionnement parisien, tandis qu’à Rennes, de nombreuses agences se sont plutôt orientées vers l’offre de services complets, de la conception à la construction puis la livraison. En revanche, les agences parisiennes sont constituées autour de petits noyaux qui gonflent et se dégonflent au gré des concours et des enjeux ponctuels.
MAXIME LE TRIONNAIRE > Et dans les agences parisiennes, les salariés sont presque tous architectes diplômés et se consacrent à la conception. En retour, les projets sont plus couvés, chapeautés par les bureaux d’études – qui prennent aussi au passage une part plus importante des honoraires.
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > Alors que notre agence, par exemple, est pluridisciplinaire et accueille des architectes, mais aussi un économiste, des spécialistes du chantier…
MAXIME LE TRIONNAIRE > Autre spécificité parisienne, peu répandue encore dans les grandes villes de province, les plateaux comme celui sur lequel nous nous étions installés, avec Gwenaël le Chapelain. C’était à l’époque où nous avons vu arriver une première reconnaissance publique de notre travail pour deux maisons jumelées construites à Rennes et nommées en 2008 au Prix de la première oeuvre organisé par le groupe de presse duMoniteur. Ce plateau, c’était un grand local ouvert, rue des Petites-Écuries dans le 10e à Paris, pas cher et pas chauffé avec une myriade de jeunes structures qui cherchent à se faire les dents sur des concours et produisent des images pour les grosses agences. C’est aussi l’époque où nous avons candidaté en association avec des amis restés à Nantes, par exemple avec les collègues de l’agence Aldo. Mais très vite, nous avons commencé à travailler également avec l’agence de mon père. Cette collaboration s’est donc d’abord développée à distance. Au bout de six ans, nous avons pensé qu’il serait plus raisonnable de rentrer à Rennes et de se regrouper.
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > Et je les y ai encouragés en pensant à la transmission. Même si je n’ai pas envie de partir demain, il leur fallait aussi prendre d’abord leurs marques ici avec les gens de l’agence.
PLACE PUBLIQUE > Vous-même, par où êtes-vous passé?
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > J’ai d’abord travaillé en agence en tant que collaborateur d’architecte pendant de nombreuses années. J’ai été diplômé en 1985. Auparavant j’avais accompagné les débuts d’une grosse agence rennaise qui a aujourd’hui disparu, Boclet et associés, également dénommée l’AUA. Elle travaillait sur toutes les Zup des années 70. Le premier programme de ces jeunes architectes au sortir de l’école? 1089 logements! Leur formation était « beauxarts », mais ils avaient intégré en interne des compétences sur le chantier, la résistance des matériaux et la construction, un ingénieur-structure, et même un commercial. J’ai repris l’école en 1969 tout en continuant à travailler. Boclet y était aussi directeur pédagogique, mais tout l’enseignement était alors remis en cause. J’ai aussi, au cours de cette période, travaillé cinq ans en Algérie, une semaine par mois avec l’idée, pour cette grosse structure de 30 salariés, de capter des marchés à l’export. Nous souhaitions déjà offrir un service complet, de la conception à la livraison. Mais sur la durée, nous ne nous sommes pas bien entendus: 5 architectes ensemble, c’est compliqué! Ajoutez-y un commercial avec des objectifs spécifiques et une vision différente! La structure s’est délitée et les architectes sont progressivement partis chacun de leur côté.
PLACE PUBLIQUE > Entre-temps, vous aviez gagné le concours pour la gare de Rennes…
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > Un très gros projet en effet pour lequel trois grandes agences rennaises s’étaient associées: Archipole, BNR2 et Aria où j’exerçais à l’époque – l’agence est par la suite devenue un bureau d’études après que tous les architectes l’ont progressivement quittée. Le concours remporté, j’ai alors été désigné comme le patron de l’atelier commun à ces trois agences, formé pour conduire la construction de la gare que nous avons achevée en 1990, une expérience très riche avec des consultants de luxe: l’ingénieur structure Thémis Constantinidis, qui venait de travailler sur la Cité des sciences à la Villette, Robert Armagnac, un acousticien qui avait notamment accompagné la construction de la Maison de la Radio ou de l’Opéra Bastille… À la fin de ce passionnant projet, j’ai dû réintégrer ma structure d’origine, et… je n’ai pas pu ! J’ai démissionné, préférant bricoler quelques petits projets. C’est à ce moment-là, en 1990, que j’ai demandé à Alain Tassot s’il était partant pour une association, et nous avons donc fondé ensemble cette agence en répondant à des concours.
PLACE PUBLIQUE > Cette nouvelle gare de Rennes de 1990 a fait couler beaucoup d’encre…
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > Cette gare a d’abord été très décriée par tous les grands architectes parisiens qui avaient perdu ce concours, Christian de Portzamparc le premier. Les autres sont restés plus discrets, mais ce fut un concours animé il est vrai, avec des personnalités telles que Jean Nouvel, Jean-Pierre Buffi, Gérard Thurnauer… Aujourd’hui s’annonce donc un nouveau projet, celui de FGP, Ferrier-Gazeau-Paillard, autour d’une problématique qui, au fond, n’a guère bougé depuis : comment relier le nord et le sud de la ville en tenant compte de la présence de ce grand équipement. Faut-il traverser la gare? À travers un centre commercial ? Que l’on évite un peu aujourd’hui parce que notre projet était aussi passé sous les fourches caudines des politiques et de la SNCF, très puissante à l’époque… D’où les incohérences de l’aménagement de certaines portions de cette dalle. Mais depuis le programme préalable au concours, il était convenu que la liaison se ferait à travers le bâtiment luimême. Nous avions eu des discussions, à l’époque, avec Jean-Marie Duthilleul qui reconfigurait la gare Montparnasse à Paris, mais nous avions du mal à transposer à Rennes l’idée de jardin praticable: à Paris, la dalle Montparnasse est plate et le jardin qui la surplombe est peu emprunté par les voyageurs. À Rennes, nous avions affaire en revanche à de forts dénivelés, 16 mètres au nord à partir d’une esplanade peu profonde avant de redescendre de 6 mètres de l’autre côté, et nous pensions que jamais les usagers ne seraient ainsi montés et redescendus. Drôle de promenade, plutôt escarpée… Une autre solution aurait consisté à passer à côté de la gare, au niveau de la dalle ferroviaire proprement dite où l’on ne monte que de 8 mètres. Nous y avions pensé à l’époque puisque le choix du métro n’avait pas encore été fait, et il était encore question d’un tramway qui aurait lui aussi emprunté cette dalle au-dessus des voies tout en s’arrêtant à une station ad hoc permettant de combiner tous les types de déplacements.
PLACE PUBLIQUE > Finalement, vous voyez aujourd’hui le projet actuel de FGP comme une confirmation de certaines de vos intuitions de l’époque…
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > Absolument, et puis le projet a aussi subi quelques aléas financiers. Non prévue à l’origine, l’arrivée des bureaux sur la façade nord a certes permis d’équilibrer le budget mais elle a nui au caractère solennel de la façade principale de ce bâtiment public.
PLACE PUBLIQUE > Aujourd’hui, c’est le logement qui domine l’activité de votre agence, en bonne intelligence avec les promoteurs du cru…
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > Oui, les fameux promoteurs rennais, c’est une vieille association en effet, avec tous ou presque, en tout cas les plus professionnels, Giboire, Lamotte, la Sacib à Saint-Malo, Aiguillon pour les logements sociaux… À un moment donné, la mairie a tenté de redistribuer autoritairement les cartes, arguant que nous fonctionnions avec trop d’habitudes ancrées et que cela freinait l’innovation. Il ne faut pas oublier qu’à Rennes, peu d’opérations peuvent se monter sans l’aval de la mairie. Je peux évaluer sans trop me tromper à 80% la part des terrains à bâtir qui sont déjà « zacés » et entrent donc dans des procédures où la puissance publique a son mot à dire. Pour notre part, nous n’avons pas trop pâti de cette redistribution autoritaire, et nous avons beaucoup travaillé sur le Mail avec Alexandre Chemetoff, une véritable rencontre. Je pense que personne de son calibre sur l’aménagement n’avait avant lui travaillé à Rennes – après lui non plus, d’ailleurs. Mais pour nombre d’architectes locaux, ce fut la fin d’une entente qui avait jusqu’ici fonctionné. Trop bien huilée? À l’époque, en tant que président du Club Qualité 35, j’étais monté au créneau pour défendre les professions libérales locales, architectes mais aussi géomètres, notaires…, et critiquer le principe des « listes » établies par la municipalité.
PLACE PUBLIQUE > Vous avez aujourd’hui à Nantes cet étonnant projet de tours résidentielles, 142 logements dont 69 sociaux, qui doivent bientôt boucler le quartier du Pré-Gauchet…
MAXIME LE TRIONNAIRE > C’est une nouvelle étape, le premier véritable grand projet de l’agence depuis que nous y avons été officiellement incorporés, remporté face à de prestigieux confrères. Nous avons pensé à un empilement de maisons en jouant sur les décalages et les variations – même si mon père préfère les alignements clairs! Écoutant les promoteurs, nous avons multiplié les terrasses et les loggias pour soigner l’habitabilité et mettre le vide à bonne distance, et puis placé volontairement des duplex pour élancer encore un peu plus ce grand volume empilé. Cette tour sera le premier point haut que l’on découvrira en arrivant de Paris par le train! Les ensembles plus modestes, R+10 tout de même, qui accueilleront les logements sociaux. Entre ces émergences, nous aurons un véritable jardin traversant. Le projet devrait sortir de terre fin 2013.
PLACE PUBLIQUE > Autre registre, à Saint-Malo, vous avez cherché une nouvelle écriture régionaliste avec ces sheds élégants et rigoureux qui rappellent les docks et viennent coiffer les logements sur le quai du Val…
MAXIME LE TRIONNAIRE > Sans oublier la brique, prévue noire dans le projet initial, comme le soleil après la pluie sur les murs de Saint-Malo. Même si pour finir, concession au promoteur Lamotte qui craignait que cette couleur noire nuise à la commercialisation en période de crise, les briques sont devenues ocres comme le veut la tradition… Saint-Malo est une ville mixte, bigarrée même, socialement et typologiquement, et oui, le site se prêtait à ce jeu des références. Ce projet a donc été conçu sur le principe du collage en mêlant les références de plusieurs architectes qui nous ont marqués, chacun à leur manière: Duncan Lewis, Francis Soler, Patrick Berger, Lacaton & Vassal inévitablement, comme tous les gens de ma génération…
PLACE PUBLIQUE > Et vous, Jean-Luc Le Trionnaire, vos références de jeunesse?
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > La rigueur constructive de l’AUA, la combinatoire de Jacques Kalisz dont on allait voir les réalisations… Sa piscine à Aubervilliers ! Un peu plus tard, les premiers projets de Claude Vasconi. Et puis tout le travail de l’agence de Nouvel pour lequel nous travaillons aujourd’hui sur la tête du Mail – même si je m’étais juré de ne jamais porter les valises d’un parisien! Je me souviens aussi, quand j’étais jeune, du culot de Jean Renaudie. Par la suite, on se calme. Forcément… Sauf lorsqu’il vous est donné de rencontrer des maîtres d’ouvrage exceptionnels.
PLACE PUBLIQUE > Comment voyez-vous l’avenir de ces deux villes, Rennes et Nantes ?
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > Le Rennes « intra-muros » est au fond un petit territoire. La Courrouze marque la fin du potentiel d’évolution sur des territoires encore vierges – ou semi-vierges. Peut-être encore la plaine de Baud-Chardonnet une fois que l’on y aura réglé la conformité au PPRI3… Et puis ViaSilva, très intéressant, mais qui se situe déjà au-delà du Rennes « intra-muros ». Pour moi, la ville archipel est une idée aujourd’hui dépassée, derrière nous, pas très « durable » en tout cas, aussi nous faut-il sérieusement songer à renouveler désormais la ville sur la ville. Je pense en particulier à tous ces quartiers situés en lisière immédiate du centre-ville et qui offrent un bâti qui n’est plus adapté, ni aux exigences contemporaines de confort, ni à la densité qui va de pair avec l’idée que l’on se fait d’une métropole régionale. Je vois d’importantes ruptures d’échelles du bâti que l’on pourrait exploiter en faveur d’une densification, par exemple sur les quais du canal d’Ille-et-Rance, face à l’école d’architecture en particulier, et en général tout le long du boulevard de Lattrede- Tassigny où l’on retrouve un tissu de pavillons de l’entre- deux-guerres en rupture totale avec les densités de Bourg l’Évêque. Un magnifique terrain d’expression pour les architectes, dans du tissu diffus et donc diablement stimulant… Bien plus, à mon sens, que dans une Zac au cahier des charges pré-défini et finalement très contraint – je pense en particulier à Beauregard.
MAXIME LE TRIONNAIRE > Beauregard, c’est la tradition de l’architecte-qui-ne se-mouille-pas-trop, modernité sage, enduit blanc et attique en zinc… Et puis quelques équipements tout noirs où l’on se lâche un peu. Bref, planplan. La Courrouze est plus ouverte, mais l’on y est encore à l’expression d’architectes par objets. Il est probable que ce quartier fonctionne bien dans 15-20 ans, lorsque le tapis végétal aura totalement repris ses droits jusqu’aux deuxièmes ou troisièmes niveaux de ces plots. Mais la Courrouze est une Zac elle aussi très dessinée. Gabarits et orientations sont définis dès le cahier des charges. Et puis, reste l’exercice de style de la Morinais, à Saint- Jacques, véritable morceau de ville, certes, mais encore plus strict dans sa définition préalable, béton et bois obligatoire, rez-de-chaussée aveugles…
JEAN-LUC LE TRIONNAIRE > Là, je ne suis pas d’accord avec mon fils. La Zac de la Morinais, je la trouve très bien dessinée et Jean-Pierre Pranlas-Descours est un grand urbaniste. Il a su dessiner de vraies rues, des îlots végétalisés… Il manque juste des activités et des commerces en pied d’immeuble, mais c’est le lot de tous les nouveaux quartiers. Les architectes aiment s’y balader, les autres… C’est d’ailleurs pour cette raison que l’enchaînement Mail-Vilaine de Chemetoff est remarquable: il réunit toutes ces caractéristiques en combinant intelligemment le neuf et l’ancien, les cheminements, les coeurs d’îlots apaisés. Sa lutte face à Christian Hauvette pour la sauvegarde du café Chez Brigitte n’en prend que plus de valeur.