C’est pour apprendre le métier de maçon que Joachim Novello (1842-1917) quitte Postua, son village natal du Piémont, et arrive à Grenoble vers 1860. Cette petite bourgade italienne a vu en quelques décennies plusieurs dizaines de ses ressortissants prendre le chemin de la France. Embauché par la maison Pont-Ollion-Nicollet qui diffusait le ciment Vicat mis au point quelques années auparavant, Joachim s’installe à Tours en 1871 à l’occasion de la construction du Grand théâtre1. Cette ville devient le point de ralliement de nombreux immigrés Postuais qui sont envoyés ensuite dans tout l’Hexagone afin d’y promouvoir l’utilisation du ciment sous toutes ses formes. C’est ainsi que Joachim installe des membres de sa famille dans le Grand Ouest et le Nord de la France : Pierre à Brest, Ernest à Guingamp, Joachim à Lille, Albin au Mans et Antoine à Rennes. D’autres Postuais2 font souvent étape chez les Novello de Tours qui reçoivent aussi Vincent et Isidore Odorico et leurs familles respectives, alors qu’ils ont quitté le chantier de l’opéra Garnier et qu’ils tentent de créer leur entreprise de mosaïque en province3. Joachim reste représentant pour Pont-Ollion-Nicollet jusque vers la fin du siècle, mais en parallèle, il crée, dès 1872, sa propre entreprise en s’associant avec un dénommé Griveau. Les deux hommes ne sont pas seulement spécialisés dans les ciments, leurs savoir-faire incluent également la mosaïque-ciment et le carrelage céramique.
En 1885, Antoine est le premier Novello à s’implanter dans la capitale bretonne. Fils d’Isidore4, un agriculteur du Piémont, il était arrivé à Tours, trois ans auparavant, pour être formé au métier de cimentier. à Rennes il travaille comme sous-traitant pour l’entreprise de maçon- nerie Badault et comme représentant pour Joachim. En 1888, Antoine épouse à Postua Margueritte Prette, qui donne naissance deux ans plus tard à Rodolphe (1890-1957), le premier Novello à naître à Rennes. Antoine envoie régulièrement de l’argent à son père en Italie et aide aussi parfois ses frères et soeurs, dont il a formé certains de leurs enfants. En 1914, il est à Postua depuis trois mois lorsqu’il décède accidentellement. Il est inhumé dans son village, comme son père qui décèdera deux ans plus tard. Margueritte, sa veuve, ainsi que Rodolphe et sa femme, reposent quant à eux au cimetière du Nord à Rennes5.
À cette époque l’activité principale des Novello de Rennes est le ciment et le béton armé, notamment l’étanchéité des caves, la réalisation de dallages, de bassins, de lavoirs et des marches d’escaliers.... Ils font également de la mosaïque, comme le sol de l’église de Retiers en 1895, et participent à des concours régionaux, en 1887 et en 18976 où ils remportent de nombreux prix.
Dès les années 1910, Rodolphe s’investit de plus en plus dans l’entreprise paternelle, avec sa mère dans un premier temps, puis seul après la Première Guerre mondiale. à cette époque, les Novello ont une situation bien établie à Rennes et ont acquis depuis longtemps une solide maîtrise du béton armé, notamment dans le domaine industriel.
La maison que Rodolphe Novello érige en 1925 au 54, mail François-Mitterrand7 dévoile la bonne santé de l’entreprise qui emploie alors une centaine de personnes. C’est aussi une carte de visite, une véritable vitrine qui affiche savoir-faire et modernité. Elle revêt un style Art déco, avec son volume cubique, son toit-terrasse, sa mosaïque et ses corniches anguleuses, qui contraste dans le paysage de garages et d’entrepôts du Mail de l’époque. Comme son enveloppe, le programme décoratif intérieur (mosaïques et ferronneries) est tout aussi réjouissant.
Peu de temps après, en 1927, les Novello sont appelés par L’Ouest-Eclair qui souhaite construire une usine pour faire le papier nécessaire à la publication de ses journaux. C’est la naissance du projet des Papeteries de Bretagne le long de la Vilaine, à l’Ouest de la ville. Démolies dans les années 2000 pour la création de la ZAC des Papeteries, ces dernières constituaient un immense complexe en béton armé réalisé en un temps record. Dans les années 1930, l’entreprise poursuit ses travaux pour les industriels (tanneurs) à Rennes et dans sa région par la construction de locaux, de cuves, de pylônes et de réservoirs en béton armé8. En parallèle, elle se lance dans l’édification de plus d’une vingtaine d’immeubles de rapport dans le style Art déco, comme le bel immeuble Anquetil (81 rue Jean Guéhenno), l’imposante construction de la place Saint-Jean-Eudes (Jean Maréchal, ingénieur) ou encore les immeubles de la rive Ouest de l’avenue Louis Barthou (Armand Frigault, architecte).
Dans l’immédiat après-guerre, l’activité de la société se porte sur trois branches : les travaux publics, le bâtiment et le carrelage-revêtement. En 1952, Rodolphe Novello confie la gestion de son entreprise à ses deux fils, René et Robert. Le premier accomplit sa formation dans l’entreprise familiale, tandis que le second fait ses études d’ingénieurs à l’Ecole des Travaux publics et travaille un temps dans l’atelier Perret, le reconstructeur du Havre. Puis, avant de revenir à Rennes, Robert part six mois aux Etats-Unis effectue une mission de productivité9. Ces dernières permettaient aux ingénieurs et aux industriels d’observer les techniques développées par les Américains afin d’améliorer leur industrie.
Ces méthodes rationnelles ont permis à de nombreux ingénieurs d’appliquer de nouvelles formules en France. C’est le cas de l’entreprise rennaise qui acquiert sa première grue en 1953. Au début des années 1960, la construction de masse est de mise. Il faut répondre à la demande. Comme de nombreux établissements, l’entreprise Novello s’agrandit et se modernise. Ainsi, le terrain du Mail et de la rue Coulabin n’étant plus suffisant, elle s’installe alors dans la zone industrielle de la route de Lorient en 1962.
L’année suivante, les Novello construisent l’usine Eternit à Saint-Grégoire, quatrième site du groupe inauguré le 18 mai 1963, qui fournit des produits de base de la construction, plaques, ardoises et tuyaux. Elle poursuit la construction de châteaux d’eau à Mordelles, Noyalsur- Vilaine ou Montauban-de-Bretagne. L’entreprise emploie alors jusqu’à 300 personnes. L’année 1968 est un cap difficile où la société doit se séparer de plusieurs employés et rationnaliser son activité. Elle a toujours conservé son savoir-faire pour le béton armé et s’engage dans l’aventure des grands ensembles rennais avec la réalisation de l’émeraude à Bourg l’Evêque ou encore les immeubles du Colombier rue Tronjolly (Louis Arretche et Jean-Gérard Carré, architectes).
Dans les années 1970, le choc pétrolier entraîne des difficultés pour l’entreprise familiale qui doit aussi faire face à une concurrence nationale de plus en plus grande. Les Novello sont contraints de cesser leur activité en 1982, après un siècle de présence à Rennes.