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Histoire & Patrimoine
#27
Les processions mariales du 25 mars 1908
RÉSUMÉ > Découvrir la vie des Rennais à travers une photographie d’archive. C’est l’objectif de cette rubrique proposée par l’historien David Bensoussan. Au printemps 1908, trois ans après les lois de séparation des Églises et de l’État, l’église catholique rennaise organise un rassemblement populaire impressionnant dans les rues de Rennes à l’occasion des fêtes du double couronnement de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle et de Notre-Dame des Miracles.

     Le 25 mars 1908, alors que s’achève un important congrès marial, se déroulent dans la capitale bretonne les fêtes du double couronnement de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle et de Notre-Dame des Miracles. C’est un moment spécifique de ces fêtes religieuses que donne à voir cette carte postale publiée par une importante maison d’édition rennaise : Mary-Rousselière.
    En cette journée printanière, une foule considérable, « venue de tous les coins du pays », si l’on en croit L’Ouest-Éclair, est venue assister à ce double couronnement auquel participe un aréopage de hautes personnalités ecclésiastiques parmi lesquels figurent les cinq évêques de la région dont l’archevêque de Rennes, Mgr Dubourg. Leur présence si nombreuse rehausse l’importance de ces fêtes qui témoignent de la popularité du culte marial dans le catholicisme de cette époque. Si la matinée a été entièrement consacrée au couronnement de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle en l’église Saint-Aubin, l’après-midi est marquée par celui de Notre-Dame des Miracles en l’église Saint-Sauveur. C’est en effet dans cette église que se trouve la statue miraculeuse représentant une Vierge à l’enfant, installée en 1876 en remplacement d’une statue originelle vénérée depuis le 14e siècle mais qui avait été détruite sous la Révolution.
    La photographie saisit ici un moment particulièrement impressionnant de la grande procession qui marque son couronnement. Revêtue d’un manteau bleu fleurdelisé, portée par plusieurs prêtres, la statue de Notre-Dame des Miracles fend la foule extrêmement dense qui emplit toute la place de la Mairie. De nombreuses femmes portent une coiffe indiquant l’importance du monde rural dans les rues de la ville tandis que casquettes et chapeaux soulignent le brassage social qui s’opère alors.

     Dans cette masse sombre des fidèles et curieux que la statue de la Vierge surplombe, un long sillon se distingue, celui des prêtres qui l’accompagnent. Cette distinction est accentuée par la couleur blanche des surplis des prêtres qui la portent et la précèdent tandis qu’on aperçoit aussi, juste derrière elle, un fanion blanc portant des hermines, symboles de la Bretagne. Elle est suivie par un double rang de prêtres portant barrette, bonnet rigide et noir, et rabats noirs bordés de blanc. La procession avance dans un espace pavoisé pour l’occasion. Des guirlandes bicolores décorent les façades des magasins de la rue d’Estrées et les fenêtres des immeubles environnants, où se pressent également de multiples spectateurs, sont ornées de fanions bleus et blancs, couleurs de la Vierge.
    Ponctuant le congrès marial, ces fêtes du double couronnement inscrivent la force du catholicisme breton dans un espace public que les autorités civiles républicaines ne cessent de vouloir laïciser. Elles répondent à la volonté de l’épiscopat, après la loi de séparation des Églises et de l’État (1905) et les Inventaires qui l’ont suivie, de montrer la capacité de l’Église à mobiliser les foules et son refus de cette politique de laïcisation. L’organisation d’une telle manifestation indique néanmoins l’esprit de conciliation qui préside aux relations entre les autorités municipales et l’Église à Rennes, notamment sous la municipalité d’Eugène Pinault dont le mandat prend fin quelques mois plus tard.