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Dossier
#15
Les arts plastiques
à Rennes 2 : une filière en vue
RÉSUMÉ > À l’université de Rennes 2, l’art est en vedette: on y trouve les arts du spectacle (cinéma, théâtre), l’histoire de l’art (où l’art contemporain est très présent avec un master réputé concernant les métiers de l’exposition) et enfin les arts plastiques. Cette dernière filière est forte de près de 1 000 étudiants. Christophe Viart, plasticien est professeur à Rennes 2 et à l’École des beaux-arts. Il nous présente cette filière de formation.

PLACE PUBLIQUE> Quel est l’esprit de la formation arts plastiques à l’université de Rennes? 

CHRISTOPHE VIART > Sa création date de 1971 et elle fut parmi les premières en France. Depuis, l’attractivité de l’offre de formation en arts plastiques n’a cessé de croître, voyant ses effectifs augmenter dans un contexte de baisse généralisée. Elle représente aujourd’hui près de 1 000 étudiants inscrits sur le campus de Villejean . Fondé sur l’esprit des humanités, l’enseignement des arts plastiques a pour objectif l’acquisition d’une double compétence, pratique et théorique. D’un côté, il s’agit de travailler en situation concrète, de concevoir autant que d’acquérir des compétences techniques, d’éprouver l’art comme expérience. Et d’un autre côté d’élaborer un discours interprétatif sur la base des connaissances enseignées en sciences de l’art, en esthétique, en histoire de l’art.

 

PLACE PUBLIQUE > Qu’apprend-on en « arts plastiques » à Rennes 2?

CHRISTOPHE VIART >
La filière des arts plastiques développe ses offres de formation du côté des pratiques innovantes et des technologies numériques autant que du côté des débouchés professionnels. Intégrée à une unité de formation et de recherche vouée aux arts, elle consolide cet aspect grâce à des mutualisations et à des échanges scientifiques, grâce à une équipe d’accueil reconnue et particulièrement productive: l’équipe « Arts: pratiques et poétiques ». Si la licence en trois années porte sur une formation généraliste, les spécialités développées en master permettent d’acquérir une formation de haut niveau.

PLACE PUBLIQUE > On y prépare surtout les étudiants à devenir professeurs d’arts plastiques ?

CHRISTOPHE VIART >
Pas seulement, il est aussi impossible aujourd’hui de réduire l’offre de formation des arts plastiques à la seule préparation aux concours du Capes et de l’agrégation qui ont beaucoup comptés dans l’entrée des arts plastiques à l’université. Outre la licence et le master arts plastiques dits « indifférenciés », cette offre comprend actuellement un master spécifique en arts et technologies numériques et deux formation professionnelles: une licence et un master spécialisés respectivement dans la conception graphique et multimédia et dans la création de produits multimédias, artistiques et culturels.

PLACE PUBLIQUE > Que viennent chercher les étudiants au départ ?

CHRISTOPHE VIART >
Ce que viennent chercher les étudiants qui s’inscrivent en arts plastiques est beaucoup moins indécis que ce qu’on veut leur prêter. S’ils n’affichent pas une foi sans faille quant à leur avenir – qui le ferait aujourd’hui? –, ils sont animés d’un sentiment qui n’est pas substituable dans notre discipline: leur profond attachement à l’art et un enthousiasme analogue à partager leur passion. L’amour de l’art n’a pas moins de sens pour celui qui le transmet que pour celui qui l’étudie, pour celui qui le pratique et celui qui se forme à son contact. Les capacités d’adaptation professionnelle dont font preuve les étudiants ne reposent pas moins sur leurs compétences que sur l’enthousiasme qu’il mobilise dans leur projet.

PLACE PUBLIQUE > Quels débouchés trouvent-ils à la sortie?

CHRISTOPHE VIART >
Les débouchés concernent les champs professionnels suivants: champ de la création: artiste plasticien, concepteur-créateur en design, graphiste, maquettiste…; champ de la diffusion artistique: critique, médiateur culturel, chargé des publics, régisseur…; champ de l’enseignement et de la transmission des savoirs artistiques: professeur, intervenant en milieu scolaire, culturel ou hospitalier… Entreprendre des études en arts plastiques peut également ouvrir la voie à d’autres parcours, vers les pratiques curatoriales dans le master « Métiers et arts de l’exposition » à Rennes 2 ou à l’école du Magasin à Grenoble par exemple, ou vers un diplôme en écoles d’art par exemple, à l’école nationale supérieure des arts décoratifs, à l’école nationale supérieure de la photographie à Arles… Des enquêtes témoignent de l’excellent taux d’intégration des étudiants dans le monde du travail: régisseur dans un centre d’art, animatrice dans une collectivité locale, vidéaste, monteuse vidéo, infographiste intégrateur, web designer, photographe, enseignant en collège, taille-doucière, assistante dans une galerie…

PLACE PUBLIQUE > Quel est le rôle de la galerie Art & Essai installée au sein du campus ?

CHRISTOPHE VIART >
À la fin des années 1960, l’entrée des arts plastiques à l’université est aussi emblématique de l’élargissement de la notion de l’art que la manière dont l’art contemporain s’est fait jour en dehors des musées pour investir l’espace public. C’est à partir d’un constat de manque sur les campus universitaires qu’un artiste enseignant- chercheur comme Gilbert Dupuis a conçu le projet exemplaire de créer la galerie Art & Essai installée d’abord à l’intérieur de la bibliothèque universitaire avant de disposer d’un espace autonome. En bientôt trente ans, cette structure a constitué un patrimoine culturel vivant d’une grande exigence. Son histoire est le reflet des interrogations artistiques contemporaines. Elle dispose aujourd’hui d’une notoriété fondée sur la valeur de son travail artistique et scientifique. Exemple d’un partage intelligent entre des missions artistiques, des fonctions universitaires et des objectifs professionnels, elle représente un modèle singulier dans le paysage culturel et universitaire.

PLACE PUBLIQUE > Rennes 2 est en pointe sur la notion d’exposition?

CHRISTOPHE VIART >
Il y a une réflexion autour de l’exposition au travers de la formation des étudiants aux « métiers de l’exposition » en histoire de l’art contemporain. Tout cela a inspiré une forme de dialogue exemplaire entre investigations théoriques et expérimentations artistiques. C’est parti en même temps que la création de la galerie Art & Essai à l’initiative de Jean-Marc Poinsot: ce fut d’abord le musée d’application aujourd’hui transformé en master professionnel. Toujours avec ce projet d’un enseignement tourné vers des finalités concrètes.

PLACE PUBLIQUE > Quelles sont les relations des « arts plastiques » avec les autres lieux rennais ?

CHRISTOPHE VIART >
En arts plastiques, nous avons toujours voulu rompre l’isolement de l’université dans la ville. Les exemples ne manquent pas: ce sont les expositions coordonnées dans le cadre de partenariats associant diverses institutions d’échelle différente, dans le respect des spécificités et des attributions de chacune. En 2003, l’invitation de l’artiste Ugo Rondinone réunissait lors du festival « Mettre en scène » la Criée centre d’art contemporain, la galerie Art & Essai, la galerie du TNB dont le bâtiment accueillait en outre, trônant sur le toit de l’Ubu, un arc-en-ciel lumineux. Il faut souligner le privilège d’une ville comme celle de Rennes de se prévaloir d’une pluralité de structures distinctes, en situation de travailler « en bonne intelligence », sans être ni superposables ni concurrentielles. Cet équilibre n’en demeure pas moins fragile et doit être l’objet de la plus grande attention. Les structures d’art contemporain sont paradoxalement précaires en dépit de la générosité et du dévouement dont font preuve les femmes et les hommes qui en ont la véritable responsabilité. L’énergie qu’a placé Leszek Brogowski dans l’implantation du Cabinet du livre d’artiste sur le site de l’université en est un dernier heureux exemple. On citera pareillement les nombreuses collaborations et conventions mises en place à la galerie Art & Essai en lien avec la pédagogie des arts plastiques et le Frac Bretagne, la Criée, l’école des beaux-arts, le musée ou encore avec le Triangle, le Colombier, 40mcube, la galerie Pictura à Cesson-Sévigné.

PLACE PUBLIQUE > Quelles relations ou collaborations avec les autres filières d’art, comme l’École des beaux-arts ?

CHRISTOPHE VIART >
Les relations entre les différentes formations fonctionnent au sein même de l’université mais également avec d’autres partenaires, comme le master « Métiers et arts de l’exposition » et l’école européenne supérieure d’art de Bretagne. Ce fut le cas à l’occasion de l’invitation faite de travailler avec Sarkis au printemps 2009 et, cette année, avec Delphine Coindet. Ou encore les projets de recherche et les événements organisés avec la filière d’études cinématographiques sur la question de « Filmer la création »: la programmation intitulée Écrans variables consacrée au « Cinéma d’artiste », au Tambour, qui permettra au public rennais de découvrir un film inédit en France de l’artiste américain Allan Sekula, en avril 2012 à la Criée; le festival Transversales cinématographiques associant plusieurs établissements, l’université, le TNB, les Champs libres, l’ESAB, sur la thématique « Filmer les oeuvres d’art dans le cinéma de fiction » en mars prochain.

PLACE PUBLIQUE > Y a-t-il des projets artistiques en commun?

CHRISTOPHE VIART >
Les relations les plus riches entre les arts plastiques et les autres structures existant à Rennes reposent sur le terrain de l’expérience de l’art que nous donnent à vivre les artistes. Pour des étudiants, pouvoir travailler lors d’un workshop avec Julie Fortier, Benoît-Marie Moriceau, Laurent Duthion, Briac Leprêtre, Benoît Laffiché – pour citer quelques artistes émergents récemment soutenus par la Criée, le Frac, 40mcube –, est une occasion sans précédent d’appréhender l’art dans un temps pratique, non détaché de la vie.

Beaux-arts – arts plastiques : quelle différence ?

Christophe Viart explique ici ce qui différencie la formation universitaire « arts plastique » et la formation dispensée à l’École des beaux-arts.
     « L’histoire des arts plastiques et des écoles d’art en France est différente. Leur fonctionnement n’est pas comparable, ni leurs objectifs, quand bien même ils peuvent se croiser. À la différence des programmes universitaires généralistes, la singularité de la recherche de l’étudiant est au coeur de la formation soutenue par les écoles. La spécificité des enseignements de l’école vise ce que l’on pourrait appeler avec Jacques Rancière une « logique d’émancipation » qui est essentielle dans la formation des jeunes artistes comme des futurs acteurs de la vie culturelle. Contrairement à une idée reçue, l’école ne privilégie pas la seule pratique aux dépens de la théorie; de son côté, l’université n’a pas le monopole de la pensée théorique.
     En revanche, de nombreux artistes passent d’une institution à l’autre, s’enrichissant au contact des enseignants artistes et chercheurs engagés à l’école ou à l’université dans le champ artistique national et international. Les exemples de Damien Marshal et de Benoît-Marie Moriceau sont à cet égard emblématique des formations complémentaires que présentent les écoles d’art et les départements d’arts plastiques. L’un et l’autre qui ont été exposés à Rennes récemment, à la criée lors des Ateliers de Rennes et à 40mcube, ont obtenus un master d’arts plastiques et un DNSEP. »