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Dossier
#39
RÉSUMÉ > EuroRennes, c’est à la fois une gare, un quartier d’affaires et une extension du centre-ville. Trois enjeux majeurs qui font de ce chantier d’envergure l’un des principaux paris urbains rennais de ces dernières années. Lieu de passage et morceau de ville en mutation, EuroRennes sera demain la première image qui s’imposera au voyageur arrivant par le train dans la capitale bretonne. Un projet ambitieux, entre prise de risque assumée et prudence calculée.

     EuroRennes, c’est bien plus que la gare ! Il suffit de regarder la double page précédente pour s’en convaincre. Même si l’établissement ferroviaire, désormais présenté comme un véritable « pôle d’échange multimodal », se situe bien au cœur du projet, ce dernier couvre un périmètre bien plus vaste. La Zone d’aménagement concertée (ZAC) EuroRennes, créée formellement en 2010, s’étend sur 58 hectares, le long des voies ferrées, selon un axe est-ouest de 2 kilomètres. « Après la deuxième ligne de métro, la LGV, le Centre des congrès, la Cité internationale, EuroRennes donne une autre échelle à l’agglomération rennaise en contribuant à l’extension du tissu urbain du centre-ville », souligne Éric Beaugé, directeur opérationnel de l’amé- nageur Territoires, à qui Rennes Métropole a confié la conduite des opérations. Les chiffres parlent d’euxmêmes et traduisent l’ambition du projet : EuroRennes, c’est l’équivalent de 272 000 m2 de bâtiments construits, dont 130 000 m2 de bureaux, 40 000 m2 de commerces et de services, 1 450 logements (qui respecteront les principes de mixité sociale du Plan local de l’Habitat). « Ce n’est donc pas seulement un quartier d’affaires, mais un vrai morceau de ville », précise Éric Beaugé. Dans le dossier de ce numéro 39, Place Publique aborde les différentes facettes de ce vaste chantier qui est entré dans une phase très active depuis quelques mois, après plusieurs années de préparation. Avec, au premier chef, la métamorphose de la gare, dont les entrées et les parkings font d’ores et déjà l’objet de spectaculaires aménagements, en attendant la refonte complète des cellules commerciales et, surtout, la nouvelle perspective du « paysage construit » enjambant les voies ferrées. En parallèle, l’émergence des nouveaux quartiers d’affaires modifie en profondeur la physionomie du quartier. Et puis, EuroRennes, c’est aussi la promesse de cet élargissement du centre-ville vers le sud, en lien avec l’axe Alma, également en pleine restructuration, et plusieurs projets d’aménagement tout proches. La transformation de la gare, l’émergence d’un nouveau quartier d’affaires, l’extension du centre urbain : voilà au moins trois enjeux à suivre de près lorsqu’on s’intéresse à EuroRennes.  

     La gare de Rennes s’apprête à connaître une mutation complète. L’arrivée de la Ligne à Grande Vitesse, en mai 2017 s’accompagnera, selon les prévisions, d’un quasi-doublement du trafic de voyageurs dans la capitale bretonne. Les experts de la SNCF tablent ainsi sur une fréquentation portée à 128 000 voyageurs par jour (lire page 33). Impossible, dans ces conditions, de conserver les infrastructures actuelles. Quais supplémentaires, nouveaux accès au nord et au sud, franchissement des voies à toute heure… La métamorphose s’annonce profonde et spectaculaire. À l’image du fameux « paysage construit » qui prendra place sur le parvis nord, à l’emplacement de l’entrée actuelle. Déjà, la façade édifiée il y a vingt-cinq ans disparaît sous les pelleteuses, pour laisser place à une sorte de « colline » qui permettra de franchir les voies et de pénétrer dans le « pôle d’échanges multimodal » à différents niveaux. « Ce n’est ni une rue, ni une place : c’est un passage » souligne l’architecte urbaniste Philippe Gazeau (FGP), en charge d’EuroRennes (lire page 11).

     Les attentes sont grandes à l’égard de cette proposition audacieuse. Pour l’instant, il est très difficile de se faire une idée précise du rendu exact de cet aménagement, même si le dénivelé d’une dizaine de mètres laisse entrevoir un résultat assez spectaculaire, notamment depuis l’avenue Janvier. D’autant que les accès ainsi aménagés permettront non seulement de prendre le TGV, mais aussi d’accéder à d’autres moyens de transport : TER pour la desserte régionale bretonne, cars interurbains et longue distance, sans oublier le métro dont la deuxième ligne sera connectée à la première à la station Gares, et les vélos, qui bénéficieront de nouveaux parcs pour inciter à la pratique. Les étages de la gare seront également totalement repensés, avec un parti pris très lumineux et de nouvelles cellules commerciales. Au sous-sol, la nouvelle salle d’échanges, cinq fois plus vaste que l’actuelle, sera pensée comme un véritable carrefour de connexion entre le train, le car, le métro, permettant au voyageur d’accéder facilement aux différents modes de transports. Le tout, évidemment, dans un environnement numérique omniprésent.  

     EuroRennes, c’est aussi un nouveau quartier d’affaires, doté de tous les attributs modernes de cette catégorie urbaine. Immeubles de bureaux aux façades rutilantes, hyperconnectés et respectant les dernières normes environnementales en vigueur : les plaquettes des promoteurs multiplient les superlatifs pour qualifier ces réalisations en cours de construction. Quatre sites sont déjà en travaux depuis quelques mois : l’îlot Féval, qui accueillera les trois immeubles du programme Identity 3, porté par le groupe Giboire. Celui du Trigone, à l’emplacement d’un ancien bâtiment appartenant à une filiale de la Poste, et sur lequel s’élèveront les tours d’Urban Quartz. L’ensemble mixte associant bureaux et logements boulevard Solférino, à l’emplacement de l’ancienne Trocante, EuroSquare. Sans oublier la future résidence hôtelière du rail destiné à accueillir les employés de la SNCF en déplacement, à l’angle des rues Quineleu et de Chatillon, conçue par l’architecte rennais Laurent Lagadec, et qui devrait être livrée dans les prochains mois.

     En ce qui concerne les programmes tertiaires, les professionnels se veulent confiants dans la capacité du marché rennais à absorber cette offre nouvelle (lire page 37). Selon eux, en raison de la qualité de la localisation et des prestations offertes, il s’agit d’une catégorie qui n’était pas jusqu’à présent disponible dans la capitale bretonne. Une certaine prudence se fait néanmoins sentir, comme en témoigne le report sine die de la construction de la tour signal, ce marqueur urbain de grande hauteur censé parachever EuroRennes.  

EuroRennes, enfin, c’est la promesse d’un centre-ville élargi vers le sud. Le projet doit être appréhendé à travers une large focale. Son insertion dans la trame urbaine existante fait apparaître des connexions évidentes au nord, vers le quartier du Colombier, et au sud, vers l’axe Alma, en cours de requalification et qui sera demain un axe majeur d’accès au centre-ville.      Vers l’ouest, on arrive vite dans le quartier de la Madeleine, qui va lui aussi faire l’objet d’une transformation d’envergure à l’emplacement de l’ancien site industriel désaffecté le long du boulevard Georges Pompidou, dans le prolongement de la rue de Nantes. Les esquisses du projet, présentées en décembre dernier, révèlent l’édification de deux tours rondes, comme un clin d’œil aux iconiques Horizons. Et vers l’est, les voies de chemin de fer conduisent tout droit au futur quartier BaudChardonnet, où là aussi, les constructions d’immeubles d’habitation commencent à s’élever le long de la Vilaine. Le pari majeur d’EuroRennes, outre ses fonctions premières et évidentes de permettre à Rennes d’être au rendez-vous de la grande vitesse ferroviaire en mai 2017, réside sans doute dans cette capacité à arrimer définitivement la gare au centre, y compris dans l’esprit des habitants eux-mêmes. Demain peut-être, la traversée du paysage construit au-dessus des voies fera partie des visites incontournables de la ville. Et surtout, ce nouvel environnement urbain devrait permettre d’offrir de nouvelles liaisons entre les quartiers autrefois séparés par les voies. Demeurera, bien sûr, la question de la prison des femmes, qui, bien qu’inscrite dans le périmètre d’EuroRennes, reste pour l’instant par nature en dehors du programme. D’où l’envie, dans ce numéro, de publier le travail très intéressant des lauréates du prix Jeunes talents en Architecture de la ville de Rennes, qui avait justement pour thème l’articulation de la prison avec son quartier, à travers le projet d’un centre de semi-liberté. Une réflexion théorique, mais très aboutie (lire page 45). Et parce que la revue concerne aussi Saint-Malo, nous avons voulu voir, à une autre échelle, comment le quartier de la gare de la cité corsaire s’était transformé en 10 ans grâce à l’arrivée du TGV. La mutation est spectaculaire, et loin d’être achevée (lire page 49). À Rennes aussi, il faudra être patient pour apprécier pleinement tous les effets d’EuroRennes. Rendez-vous dans dix ans !