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Contributions
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RÉSUMÉ > Marc Dumont est professeur en urbanisme et aménagement de l’espace à l’Université Lille 1 - Sciences et technologies. Il est membre du comité de rédaction de Place Publique Rennes. À travers ces projets urbains d’ici et d’ailleurs, il partage sa veille des innovations insolites, surprenantes et toujours instructives de la manière de faire la ville.

     Les villes en bord de mer, rivières ou fleuves, sont aux premières loges du changement climatique. L’architecture s’est très vite emparée du sujet, commençant à proposer des réponses fort intéressantes aux défis à venir. Ainsi, en Grande-Bretagne, chez certains cabinets comme Baca, plutôt qu’aménager de nouvelles digues, on préfère concevoir des « maisons flottantes ». Le principe est simple : la structure de la maison, reposant sur quatre puissants piliers d’acier, peut coulisser verticalement et s’élever en fonction du niveau de l’eau, restant connectée à l’électricité, à l’eau et à Internet par des câbles blindés. Les maisons prennent elles-mêmes place dans une zone de bassin à flot pour éviter les forts courants induits par le passage des eaux. L’autre solution est expérimentée dans la jolie région de l’Oxfordshire, où des maisons viennent d’être réalisées et livrées bâties sur des piliers d’aciers qui les surélèvent à un mètre du sol. Des idées pas si absurdes lorsqu’on souvient que toute la région autour de l’estuaire de la Tamise fut fortement sinistrée par des inondations en 2007 puis 2013.

     Moins liées au climat, les maisons-containers font aussi parler d’elles. À Calais, une entreprise bretonne, Logistic Solutions, vient de réaménager 125 containers en « unités de vie » pour loger des migrants dans des conditions un peu plus décentes. Les anciens containers sont nettoyés, repeints, équipés a minima. L’exportation d’un savoir-faire breton ? Oui, à Brest, plusieurs entreprises de la région se sont aussi lancées dans la réalisation de maisons-containers, sur le site du nouvel écoquartier de la Fontaine-Margot. 12 maisons de ce nouveau genre ont très récemment été commandées aux entreprises Sefabe, de Rosporden, et B3 Ecodesign, de Rennes, par la Métropole de Brest. Ces maisons, entièrement réalisées en atelier, recyclent des containers dont les coûts de réexpédition seraient trop élevés. La technique est rodée : en moins de 5 mois, les installations sont prêtes et peuvent être installées en quelques jours sur le site du quartier, une fois les fondations réalisées. Plusieurs lofts ont d’ailleurs déjà été aménagés par des architectes indépendants sur le littoral brestois, comme au Relecq-Kerhuon. Coût d’une maison ? Environ 150 000 euros pour un peu plus de 80 m².

L’électrique a de l’avenir en ville

     1 000 kilomètres de routes photovoltaïques d’ici 5 ans… rien que ça ! L’annonce récente de cet objectif par la Ministre Ségolène Royal n’est pourtant pas si utopique. Fin 2015, le groupe de BTP Colas avait en effet présenté son projet « Wattway », résultat de 5 années de recherche et développement compliquées mais basées sur une technologie éprouvée, incorporant de fragiles cellules photovoltaïques à la chaussée. Les perspectives d’aboutissement de la technologie sont saisissantes : un seul kilomètre de cette voirie très technologique permet d’alimenter l’éclairage urbain d’une petite commune de 5 000 habitants, sans aucune emprise foncière nécessaire ni dégradation du paysage. De là à imaginer des routes permettant de recharger les véhicules électriques y circulant, il y a un – grand – pas ! Les premières réalisations vont bientôt être lancées sur le millier de kilomètres de routes concernées. Une innovation technologique qui croise celle de Cristal, étonnant véhicule appelé à être utilisé autant par les transports en commun que les particuliers. Ce prototype, dont le test vient d’être décidé dans l’agglomération de Strasbourg (et, en 2017 sur tout le territoire de l’Eurométropole) et à Montélimar est conçu par le groupe alsacien Lohr. Il s’assemble à partir de modules complémentaires, permettant de transformer quatre véhicules individuels en un véritable transport en commun d’une capacité de 28 personnes. La réflexion ouverte est très intéressante puisqu’elle porte sur la flexibilité d’une offre permettant de desservir le dernier kilomètre du parcours des usagers, adaptant le véhicule aux usages. Un cas à ne pas prendre à la légère au moment où la Norvège, par exemple, fait figure de pionnier en matière de véhicule électrique propre, avec plus d’un cinquième des immatriculations.

     L’expérimentation permettrait-elle de renouveler les formes classiques d’urbanisme ? C’est en tout cas une belle initiative que celle de la SNCF qui va dédier de manière temporaire des dizaines de m² de hangars désaffectés à des projets d’ordre artistique. L’idée de la SNCF est d’utiliser certains de ces sites appelés à être inoccupés pendant des mois voire des années, le temps que les processus de leur aménagement s’enclenchent. Sa filiale d’immobilier a donc lancé un concours et sélectionné 14 dossiers sur plus de 80 ayant répondu à l’appel à projets. Cinq sites, jardins ou hangars, en région parisienne (comme la Halle Dubois, ou Les Mines dans le 17e arrondissement de Paris) et en Alsace, vont accueillir des projets techniquement réalisables et viables. L’opération a connu des débuts un peu difficiles, certains artistes s’imaginant que la SNCF les solliciterait pour réaliser les aménagements à sa place ; ces occupations de l’espace n’auront en réalité que peu de liens avec les aménagements futurs, ce qui en fait à la fois l’intérêt et la limite.

     Les expérimentations sont parfois surprenantes. Niort, par exemple, teste un nouveau genre de… cimetière, sans pierres tombales ni fleurs artificielles à l’heure où, mutations des modes de vie oblige, l’absence croissante de visites et d’entretien des cimetières a conduit nombre de collectivités à supprimer les concessions perpétuelles et les limiter dans le temps. La démarche de Niort vise à réduire l’empreinte écologique des décès et des lieux de mémoires associés. Rien de moins durable, en effet, que des tombes bourrées d’herbicides pour les entretenir et faisant appel à des monuments funéraires importés d’Asie ! Avec l’aide d’une paysagiste, la ville a donc décidé de supprimer purement et simplement tombes et nécropoles au profit d’un site paysager dit « Jardin de dispersion des cendres », en pleine terre, surmonté d’un « Arbre du printemps » ! Avec, en lieu et place des classiques pierres tombales, un « pupitre » unique et commun. De quoi faire réfléchir sur notre rapport à la mort…

     Un chiffre important, un peu désolant, ressort d’une grande enquête publiée récemment sur la manière dont on se déplacera en 2030 : 82 % des déplacements le seront encore en voiture. Pourtant le paysage ne cesse d’évoluer dans ce domaine. Dans la ville suisse de Sion, par exemple, on peut désormais croiser les minibus sans conducteur de la compagnie CarPostal dans les rues de la vieille cité du Valais. Programmés par des ingénieurs de l’École Polytechnique de Lausanne, deux de ces curieux bus (qui circulaient déjà auparavant sur leur campus) peuvent rouler à une vitesse de 20 km/h et desservir des sites peu accessibles aux transports en commun classiques. En cas de grosse frayeur, un bouton d’arrêt immédiat est accessible à tout voyageur. C’est aussi le paysage même des villes que les futures mobilités modifient : toujours en Suisse, Fribourg se lance dans les études pour réaliser un métrocable qui permettrait de désengorger la ville, reliant son hôpital à une nouvelle zone d’extension au sud de la ville. Le projet se déploierait sur près d’1,5 km et permettrait de transporter plus de 3 000 voyageurs par heure. Retour en France : Toulouse, après Brest, lance aussi son Aérotram : aucune opposition particulière n’étant à signaler après la phase de concertation, ce nouveau téléphérique long de 2,5 km devra franchir la Garonne, reliant le campus universitaire Paul Sabatier à l’Oncopole. L’avantage est sans comparaison : sa mise en œuvre coûterait 7 fois moins cher qu’une extension de l’actuelle ligne B du métro. Que des avantages, à une réserve près : l’impossibilité d’exploiter le service les jours de grand vent (au-delà de 80 km/h) !

Place aux insectes et à la nature en ville !

À Dijon, on fait bonne place aux insectes, dans l’écoquartier « Heudelet 26 » où vient d’être inauguré un hôtel à insectes du joli nom de « La Bourdonnerie ». L’hôtel accueille en façade une structure qui permettra à des dizaines d’animaux pollinisateurs de venir s’installer en toute quiétude. Ce projet est le résultat d’une heureuse coopération entre des associations de protection de la nature et la société d’économie mixte en charge du projet. Il va permettre de constituer un observatoire local de la biodiversité tout en permettant aux insectes de s’y poser, y vivre et se reproduire. Leur logis y est composé, sur 60 m² de façade, de casiers amovibles, remplis de morceaux de bois ou de tuiles permettant aux abeilles, bourdons, fourmis, scarabées, papillons… de venir s’y installer en pleine densité urbaine, le tout prenant place sur un immeuble lui-même réalisé avec une toiture végétale et une isolation passive.      Rien ne dit en revanche comment y seront mis en œuvre les moyens de lutte contre le frelon asiatique et le moustique tigre s’ils venaient à s’y aventurer. Toujours avec plus de nature, Bruxelles innove en offrant des primes au verdissement des toitures. Il faut dire que la métropole belge recèle quelques belles curiosités du genre, dont d’étonnants golfs sur toit – de 9 trous seulement, il est vrai. Des propriétés et domanialités d’un nouveau genre y sont apparues à grande vitesse, avec, par exemple, la possibilité de louer pour des particuliers des coins de jardins réalisés sur les toits d’entrepôts industriels. Ce verdissement fulgurant des toitures ne présente quasiment que des avantages avec, entre autres, de substantielles économies d’énergie à la clé – les jardins en toit contribuent fortement à diminuer les quantités d’énergie nécessaire au chauffage des immeubles. La ville offre donc à qui le veut des primes d’une dizaine d’euros le m² pour verdir les toitures et affiche une grande souplesse pour tous les permis qui seront délivrés en ce sens. De quoi faire disparaître la « tache urbaine » vue du ciel ?