« Au départ, nous ne savions pas trop à quoi nous attendre et finalement, c’est très réussi. De la couleur dans un quartier d’habitation où les tours sont grises, c’est bien vu ! C’est ludique, idéal pour signaler la présence de la crèche », commente Marie Carnot, présidente de l’association Merlinpinpin, gestionnaire de la crèche multi-accueil Les petits Merlins, ouverte depuis janvier au cœur du Samara.
« Lorsque la Ville de Rennes nous a contactés, l’étude avait déjà débuté avec les cinq autres preneurs. L’architecte, Claire Gallais a repris tous les plans pour intégrer cette activité petite enfance qui intéressait les décideurs », note la présidente. Le projet social réalisé par l’association, en plus de l’accueil d’enfants en situation de handicap, se fait l’écho d’une demande du Centre Hospitalier Universitaire de Rennes-Sud situé à proximité : offrir à son personnel un mode de garde à horaires atypiques. Objectifs tenus : « Notre priorité est de recevoir les enfants en situation de handicap ou atteints de maladies chroniques, dans la limite d’un tiers des trente-six places disponibles, avec trois places pour des jeunes déficients auditifs suivis par le Centre d’action médicosocial précoce de Kerveiza. Quinze places sont réservées au CHU, et dix-huit sont gérées par la Ville de Rennes. » Pour accompagner ce petit monde, une équipe de seize salariés dont certains spécialisés dans le handicap, a été recrutée. À souligner : l’association s’est rapprochée de Pôle Emploi afin de privilégier les candidatures émanant du quartier.
Aujourd’hui, personnel et enfants évoluent sur deux niveaux indépendants, situés sur l’aile sud, dotés d’une cour intérieure et d’une terrasse abritée à l’étage. Dans un volume agréable où toutes les fonctions sont savamment orchestrées, la coloriste Hélène Méar a joué sur la couleur avec sobriété. Le projet final est le fruit d’une collaboration de tous les instants, précise Marie Carnot : « Nous n’avons pas de compétences en architecture et c’était aussi la première fois que l’architecte créait une structure petite enfance. Avec des normes spécifiques d’accueil, nous avons mené un vrai travail partenarial pour tenir le cahier des charges ! ».
L’architecte Claire Gallais a relevé bien des défis. « Lorsque j’ai commencé les études, le programme ne comprenait que le pôle vie à domicile et le centre deformation. Nombreux ont été les rebondissements tout le long du chantier. C’est comme si j’avais eu à traiter six projets spécifiques, avec des changements d’affectation et des évolutions demandées par les différents preneurs. Cette complexité a fait la richesse du projet qui n’aurait pas été celui-là si le programme final avait été connu dès le départ », souligne-t-elle.
Le Plan Local d’Urbanisme n’ayant pas encore intégré les nouvelles orientations du projet urbain du Blosne, le bâtiment initial ne devait pas dépasser sept mètres de hauteur : « Un seul étage et une galette en pied de tour ! », note l’architecte. Le PLU est revu permettant de densifier le programme et satisfaire ainsi les demandes associatives en attente.
Reste à opérer la greffe sur la tour existante. Première contrainte : « la présence d’une crèche, en demande d’un espace ouvert intérieur ». Pour des raisons de sécurité liées aux chutes d’objets depuis la tour, pas question d’installer l’espace jardin au pied des logements. Autres obligations : conserver le centre social de la police nationale en rez-de-chaussée de la tour, et intégrer dans la greffe la salle de quartier, démolie pour la nécessité du projet.
« L’extension vient s’inscrire en L sur la parcelle, avec un plein de façade qui s’avance sur le boulevard », explique l’architecte. Elle affirme la vocation tertiaire de ce bâtiment de cinq étages par le percement rythmé des volets. La terrasse ouverte, en retrait du 3e étage et réservée au centre de formation, ainsi que les percements et leurs claustras sur l’angle opposé, renforcent le caractère singulier du bâtiment depuis le carrefour.
Le rythme vertical des poutrelles d’acier coloré donne caractère et mouvement à la façade, principalement en soubassement et à échelle du piéton. « Je souhaitais que le rapport au public soit joyeux. De biais, cela crée une vibration colorée », sourit Claire Gallais. C’est de ce côté du boulevard que se font l’entrée de la crèche, de façon indépendante, et celle des cinq associations, depuis un hall commun qui distribue les circulations. À chaque association son aile ou son niveau et au premier étage : une cafétéria et une salle de réunion partagées. Dernier élément : la salle de quartier, sur l’aile nord, est autonome et ouverte sur l’extérieur. Côté boulevard, le parvis signale clairement l’usage public. Il contourne le bâtiment cheminant vers l’espace semi-public. Celui-ci s’organise au dos de l’extension autour d’une cour qui dessert l’entrée des logements de la tour initiale. « Le traitement du sol est de couleur claire avec à terme un dessin de Yann Le Strat, afin de rendre cette entrée ludique », commente l’architecte. Seul étonnement : certains locataires se retrouvent désormais en vis-à-vis avec l’extension, sans autre perspective. L’architecte explique : « Une ville évolue et ici, l’espace de la cour est plus large qu’une rue du centre de Rennes. Je voulais que l’extension ne soit pas séparée de la tour, mais glisse à l’intérieur de celle-ci. Il nous fallait apporter une autre activité avec changement d’usage au sein de cette tour ».
Sept logements de la tour ont été restructurés en bureaux. Pour des raisons de normes d’habitabilité incompatibles, la tour héberge uniquement les activités privatives des associations ; l’accueil du public est réservé à l’extension du bâtiment. Un joint de dilatation marque le passage entre la tour et l’extension. « C’est un travail de coupe que j’ai mené pour opérer cette greffe, avec une difficulté : la hauteur sous plafond dans la tour de logements était inférieure à celle requise pour les bureaux et la crèche. » Résultat : plus on monte aux étages, plus le décalage de niveau est important entre les deux bâtiments : « Il est quasiment d’un niveau au dernier étage ». C’est un chantier complexe aux contraintes multiples auxquelles l’architecte a dû faire face. Exigences acoustiques et de sécurité, énergétiques avec la RT 2012, antisismiques pour la crèche, d’accessibilité handicapés plus astreignantes que les normes en vigueur en raison de la présence d’un public à mobilité réduite, ciblé par les activités du pôle vie à domicile…
Pour le bailleur social Archipel Habitat, maître d’ouvrage de l’opération, il s’agissait d’être à l’écoute des six preneurs et les accompagner dans leurs réflexions. « En 2009, le choix de l’architecte s’est fait par consultation avec sélection, puis audition des candidats, pour un projet initialement plus modeste », explique Cécile Bélard du Plantys, sa directrice générale. Sur les vingt-cinq équipes consultées, celle de l’architecte rennaise Claire Gallais est retenue par la maîtrise d’ouvrage. « Elle avait réalisé pour notre compte, un premier programme de sept logements, rue Jean Ogée, à Rennes. Lors de l’audition, elle s’est montrée très motivée par le projet, manifestant une réelle volonté d’instaurer un dialogue de qualité avec les preneurs et les habitants, indispensable dans ce type d’opération complexe de restructuration et d’extension d’un bâtiment existant ».
C’est en 2006, à l’occasion de la présentation du premier programme de rénovation urbaine de Rennes au comité d’engagement de l’Agence Nationale de la rénovation urbaine, l’ANRU, qu’avait été abordée cette question de la diversification et de la mixité sur le secteur du Blosne. « Le parti pris était de ne pas avoir recours à la démolition, mais de procéder à la diversification par d’autres biais, notamment par l’apport de constructions nouvelles aux statuts diversifiés. C’est là tout le sens du projet urbain du Blosne, mené par l’urbaniste Antoine Grumbach et son équipe », commente la directrice générale d’Archipel Habitat.
Deuxième orientation préconisée par l’ANRU : diversifier les attributions de logements, mais aussi intégrer un changement d’usage dans les opérations de rénovation urbaine du quartier, par l’accueil d’activités. La Ville de Rennes et les bailleurs sociaux étudient plusieurs hypothèses. « En raison de la proximité de l’Hôpital Sud, nous avons choisi de mener une opération de diversification des fonctions, dans un secteur à dominante d’habitat, et ainsi développer une dynamique économique sur le quartier », affirme Cécile Bélard du Plantys. Et de conclure : « Le Samara est un projet qui répond à l’objectif de revalorisation du quartier sans démolition, par construction neuve et extension, et à l’objectif de mixité fonctionnelle et de changement d’usage sur le quartier. Un succès rendu possible par l’engagement de tous et par le coût des loyers modestes, rendu possible par les engagements institutionnels »