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Dossier
#28
Quand les vieux grimoires s’offrent une jeunesse numérique
RÉSUMÉ > Ces derniers mois, plusieurs initiatives ont été lancées à Rennes et en Bretagne pour développer la numérisation des anciens documents imprimés. Des tablettes rennaises au nouveau portail des cultures de Bretagne, en passant les almanachs Oberthur, petit tour d’horizon de cette résurrection numérique, qui rend accessible au plus grand nombre des documents jusqu’ici réservés aux chercheurs et aux bibliophiles.

     C’est l’un des conséquences heureuses et un peu inattendues de l’irruption du numérique dans nos vies quotidiennes : cette technologie redonne vie à de vieux papiers jusqu’ici conservés dans des archives réservées aux initiés et aux érudits. En permettant l’accès au plus grand nombre de ces documents fragiles et difficilement consultables, la numérisation ouvre la voie à une redécouverte du patrimoine imprimé. Sarah Toulouse peut en témoigner : la directrice adjointe de la bibliothèque des Champs libres en charge du patrimoine (fonds anciens et fonds régional) pilote depuis quelques mois l’application « Les tablettes rennaises », un site internet qui permet d’accéder gratuitement à des milliers d’images, documents et livres anciens numérisés, du Moyen-Âge jusqu’au début du 20e siècle. « Ce portail d’accès est le fruit de près de vingt ans de travail », résume Sarah Toulouse. Pour constituer cette base de données, il a fallu numériser chaque document, page après page. Moyennant un euro la page, le budget de l’opération s’élève pour l’instant à 50 000 euros environ, et a bénéficié d’un financement de Rennes Métropole, de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) et de la région Bretagne, dans le cadre du programme des bibliothèques numériques de référence.
    Le site « Les tablettes rennaises » a été lancé en septembre 2013. Son nom est tout à la fois un clin d’oeil aux supports d’écriture, de Sumer à l’iPad, mais aussi au titre d’un almanach local du 18e siècle. Moins de six mois après sa mise en ligne, il recense déjà 4 795 images, 157 livres et manuscrits intégraux et 529 fascicules de journaux. Trois titres d’hebdomadaires locaux sont pour l’instant accessibles : il s’agit des Affiches de Rennes (1784-1792), de L’illustré de Rennes (1881-1882) et de L’Événement rennais satirique (1903-1904).

     Fin janvier 2014, près de 300 documents avaient été téléchargés et le site a enregistré près de 7 000 sessions distinctes. Qui sont les utilisateurs ? Difficile à ce stade d’établir un portrait-robot du visiteur. « Nous nous adressons à la fois au grand public et aux chercheurs. Nous proposons une porte d’entrée aux archives de la bibliothèque de Rennes Métropole. Nous avons développé une frise chronologique en bas de la page d’accueil du site, c’est une première approche qui donne de l’épaisseur au site », explique Sarah Toulouse. D’autres initiatives devraient suivre, notamment le développement de dossiers thématiques, autour des bestiaires de livres d’heures ou des almanachs, par exemple.
    L’une des originalités des Tablettes réside dans le fait que la réutilisation des documents téléchargés est entièrement gratuite. Conformément au code de la propriété intellectuelle, toutes les oeuvres dont l’auteur est mort depuis au moins 70 ans (soit avant 1943) entrent dans le domaine public et peuvent donc être librement réutilisées. « L’objectif est clairement la diffusion du patrimoine », souligne la responsable. Cette démarche s’inscrit dans une tendance de fond. En témoigne la mise en ligne mi-février 2014 de Bretania, portail régional des cultures de Bretagne, avec le soutien du Conseil régional. Ce nouveau site permet d’accéder en un seul clic à une mine de documents (dont le site des Tablettes rennaises), relatifs à la Bretagne et son histoire. « Il s’agit de donner accès, depuis une même porte d’entrée, à toute la matière culturelle et patrimoniale numérisée en Bretagne, soit déjà plus de 350 000 documents imprimés, visuels et sonores », expliquent les initiateurs de Bretania, qui évoquent à ce propos la création d’une « véritable médiathèque du 21e siècle, vivante et évolutive ».

     Dans une optique plus commerciale, cette diffusion facilitée a donné des idées à Christophe Rault, le dirigeant des Éditions Oberthur, qui éditent toujours le fameux almanach du facteur, à l’origine de la saga industrielle rennaise (voir article de Jérôme Cucarrul, page 19). Avec ses équipes, il lance en ce mois de mars 2014 le site internet marchand www.happyoberthur. com. Objectif : permettre d’acheter en ligne une reproduction de la couverture du calendrier de l’année de son choix, parmi une collection plus que centenaire. « C’est un article nostalgique, qui véhicule de l’émotion, idéal pour un cadeau d’anniversaire, par exemple », assure-t-il, persuadé du succès de l’opération. À travers ces images, naïves, belliqueuses ou modernistes selon les époques, c’est toute une partie de l’histoire de France qui défile. Et grâce au numérique, l’internaute recevra à domicile une image plastifiée en tout point conforme à l’original. Plus la peine de courir les brocantes ou les vide-greniers à la recherche du millésime perdu !