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Histoire & Patrimoine
#06
Vergers conservatoires
et savoir-faire cidrier
RÉSUMÉ > L’Ille-et-Vilaine, et plus particulièrement le pays rennais, comptent parmi les terroirs réputés pour la qualité de leurs cidres. Au même titre que la Cornouaille, le Vannetais ou les bords de Rance, les terres y sont propices à la culture du pommier. Bien établie dès la fin du 17e siècle, celle-ci connaît son apogée au 19e et dans la première moitié du 20e siècle. L’Ille-et-Vilaine est alors le premier département producteur de pommes à cidre de France et les pommiers se comptent par centaines de milliers, plantés dans les champs ou en bordure des parcelles et des chemins

La production de cidre s’avère alors très rentable et la mise en verger est une garantie de prospérité pour les exploitations agricoles qui écoulent leur production en ville et dans les bourgs environnants. Cette économie florissante encourage les écoles d’agriculture locales, les sociétés d’agriculture et de pomologie et les paysans à créer de nouvelles variétés pour, sans cesse, améliorer la qualité des cidres.  

Cette émulation s’observe dans les enquêtes agricoles où plus de 250 variétés de pommes à cidre sont dénombrées dans le département en 1920. Tout un cortège de variétés accompagne la vie des campagnes allant des pommes « primes », mûres en septembre, à celles tardives, pressées en décembre. Le mélange de pommes choisi est appelé « pommage » et varie souvent selon le goût des paysans et les variétés en vogue à l’échelle de la commune ou du canton. La recette d’un bon cidre réside en effet dans l’assemblage subtil des variétés. Les plus douces apportent le sucre, et donc l’alcool, celles acidulées aromatisent le jus, alors que les tanins des fruits amers confèrent au cidre son âpreté et son caractère rafraîchissant.
Avec l’apparition de boissons concurrentes (bière, vin) et l’émergence d’une agriculture intensive, les vergers régressent sévèrement à partir des années 1950. Conséquence inéluctable, avec l’arrachage des arbres, les variétés locales disparaissent…

Devant le risque d’une perte irrémédiable de ce patrimoine génétique et culturel, l’Ecomusée du pays de Rennes s’est engagé dans un programme de recherche et de conservation des variétés locales dès la fin des années 1980. Après recensement, prospection et enquêtes, les vieux vergers du pays de Rennes livrent près d’une centaine de variétés qui, une fois greffées, vont constituer la collection patrimoniale des vergers conservatoires de l’Ecomusée.
Centre de ressource génétique pour les chercheurs, banque de greffons pour jardiniers amateurs et pépiniéristes, ces vergers assurent la survie des variétés cidricoles traditionnelles du pays de Rennes pour les décennies à venir. Il suffit de lire les noms évocateurs de ces variétés pour que ressurgisse la mémoire cidricole de notre territoire et la richesse des savoir-faire.
Doux-Crasseux, Monte-en-Haut, Robert-de- Rennes, Doux-à-Troche, Gérard, Gilet-rouge, Petit-Doux, Pied-Court, Orge-Pépin, Tontonla- Braie, Bédange, Jambe-de-Lièvre, Damelot, Chapelle, Gare-de-Maure, Doux-Amer, Douxà- Troche, Chérubine, Dourdaine, Diot-Roux, Fréquin, Jaune-de-Vitré, Locard-Vert, Pommede- Mi-Août, Rouget-de-Dol, Chailleux, Cul-de- Bouteille, Maltranche, Pomme-de-Groseille, Pomme-de-Monsieur, Rouge-de-Villeneuve, Jacob, Bel-Air, Beau-Bois, Bénédiction-de-sainte- Anne, Fer-Rouge,Pomme-de-Jouzel, Petit-Douxde- Montgermont, Marguerite, Queue-Torte…

Autant de noms évocateurs qui ont alimenté les discussions de générations de paysans et constituent un patrimoine pour la biodiversité de demain.