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Histoire & Patrimoine
#06
Louis Arretche, l’architecte qui a modelé Rennes
RÉSUMÉ > Un livre fait revivre Louis Arretche (1905-1991), l’architecte qui a modelé Rennes entre 1955 et 1980. Signé par Dominique Amouroux, collaborateur de Place Publique Nantes, cet ouvrage abondamment illustré retrace les cinquante-cinq ans de carrière de cet architecte à la production foisonnante, depuis la reconstruction de Coutances et de Saint-Malo jusqu’au pont Charles de Gaulle entre les gares parisiennes de Lyon et d’Austerlitz, en passant par Rennes, Orléans, Rouen et la côte basque. « Le plus oublié des architectes de la seconde moitié du 20e siècle », professionnel modeste, « ami de tous », « extrêmement disponible », méritait bien l’hommage confraternel qu’ont voulu lui rendre les architectes réunis au sein de la Maison de l’architecture de Bretagne.

     Le Corbusier et Perret: le 20e siècle n’a mémorisé que ces deux architectes. Cependant, Louis Arretche a construit plus que ces deux géants réunis au cours d’une longue carrière qui l’a conduit jusqu’à Rennes. Pendant près d’un quart de siècle, du milieu des années 1950 jusqu’aux années 1980, il a pensé le développement urbain de notre ville, édifié ses grands équipements publics et façonné son « second cœur ».
     En 1955, Henri Fréville lui demande de réfléchir à l’évolution de la ville, tache immense puisqu’il s’agit « de loger, d’instruire, de soigner, de nourrir, de faire circuler, de donner du travail et de distraire » une population passée de 98 000 habitants en 1936 à 157 000 en 1962 puis à 175 000 en 1969, et qui devait atteindre 230 000 en 1975 puis 460 000 en 2000. Louis Arretche arrive à Rennes auréolé du succès de la reconstruction de Saint-Malo qu’il a coordonnée et où il a personnellement signé des immeubles d’habitation, le tribunal, la sous-préfecture et deux réalisations remarquables, l’École nationale de la Marine marchande et le Casino.  
 

L’architecte du baby boom: les campus universitaires

     Lorsque Louis Arretche aborde l’extension urbaine de Rennes, les principales zones d’urbanisation prioritaire (Zup) sont déjà déterminées. Toutefois, il associe son nom à la réalisation de lotissements et de cités-jardins et surtout à la construction du quartier de Villejean- Malifeu qu’a défini son confrère Henri Madelin.
     L’explosion démographique s’accompagne de celle du nombre d’étudiants. Arretche conçoit la faculté de Droit qui, bien qu’abandonnant l’ancien archevêché de la Place Saint-Melaine, reste en centre-ville, signe la faculté de Lettres bâtie sur des terrains disponibles près de la Zup de Villejean, édifie celle de Médecine qui s’adosse à l’hôpital de Pontchaillou, réalise celle des Sciences qui s’installe dans le secteur de Beaulieu comme les grandes écoles et les instituts universitaires qui la rejoignent ainsi que les divers équipements (bibliothèques, logements étudiants, restaurant universitaire…) qui les complètent.
     Le campus de Rennes-Beaulieu est exemplaire de la démarche de l’architecte. Il va droit au but : sur un vaste territoire vallonné, il met en place un schéma rigoureux de bâtiments orientés est-ouest. Il devance les difficultés: il veille à ce que l’on puisse modifier la destination de chaque entité et la disposition intérieure de chaque bâtiment, stratégie habile lorsque les programmes pédagogiques changent, les équipes d’enseignants se forment, les règlements et les financements évoluent. Il construit vite et bien: le système constructif (poteaux-poutres) et les panneaux de façade préfabriqués (de grande qualité plastique) sont réalisés par la Rennaise de Préfabrication.

L’architecte de la déconcentration: les équipements publics et privés

     En prélude à la rénovation du Colombier, Arretche organise le quadrilatère du Champ de Mars en proposant d’y implanter à l’est des bâtiments administratifs, au sud une gare routière, une Maison des Jeunes et un immeuble de bureaux et au nord un restaurant universitaire et une salle omnisports. Arretche, édifie cette dernière qui, avec sa double voûte en béton de 78 mètres de portée sans appui intermédiaire, illustre les prouesses techniques des ingénieurs de l’après-guerre. Initialement destinée aux manifestations sportives, cette salle, rebaptisée Liberté, est désormais dédiée aux spectacles.
     Outre cet édifice emblématique du centre-ville, Louis Arretche esquisse la rénovation de la gare sous forme d’un bâtiment-pont flanqué de deux tours, étudie un vaste ensemble associant un nouvel abattoir et le marché d’intérêt régional. Si l’éducation le mobilise pour la création des lycées de Bréquigny et des Gayeulles, c’est la santé qui l’accapare des années durant pour structurer le domaine hospitalier, édifier le nouvel hôpital, réaménager ses accès et son accueil, étudier ses équipements connexes tels le centre anticancéreux.
     Enfin, de 1970 à 1975 il réalise le Centre des télécommunications à l’extrémité ouest des quais de la Vilaine canalisée. L’ampleur de la construction et l’élan de sa tour hertzienne symbolisent la dynamique résultant de la déconcentration des activités « électroniques » de la région parisienne vers la Bretagne que traduisent également le Centre électronique de l’armement de Bruz et l’école nationale des transmissions de Cesson (tous deux édifiés par Arretche) ou le célèbre Radôme de Pleumeur-Bodou.

L’architecte du second coeur de ville: le Colombier

     Mais, la présence la plus manifeste de Louis Arretche à Rennes reste le rénovation du quartier du Colombier5, où sur 30 hectares la ville prévoyait de réaliser 2 500 à 3 000 logements, 35 000 m2 de bureaux, entre 30 000 et 50 000 m2 de commerces, des équipements scolaires et 5 000 places de stationnement.
     Arretche retient le principe d’une dalle (sous laquelle sont établis deux niveaux de parkings) formant un sol artificiel sur lequel sont implantées trois tours d’habitations de 26 et de 30 étages, des immeubles de 14 et de 16 étages, des immeubles de bureaux de trois étages, un hôtel, un centre de loisirs, des commerces et des jardins. Au nord, vers le centre-ville, cet ensemble s’ouvre par de très larges emmarchements et des rampes. Au sud, vers les voies de chemin de fer, il est complété par des immeubles d’habitations de 10 à 12 étages et intègre le centre de tripostal.
     Ce projet cohérent a subi dans la seconde partie des années 1970 de profondes mutations. Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la République, ayant interdit la construction d’immeubles de grande hauteur, une nouvelle organisation urbaine a été envisagée: une seule tour est édifiée et la modernité architecturale est abandonnée au profit d’un esprit « villageois ». Il en résulte une désorganisation des espaces et, par voie de conséquence, une illisibilité de la structure urbaine du quartier.

Faire vivre le patrimoine du 20e siècle: l’actualité retrouvée de Louis Arretche

     La récente évolution de la salle omnisports, le besoin constant de nouveaux locaux universitaires sur les campus de Villejean et de Beaulieu, le désenclavement du quartier du Colombier notamment en relation avec la réalisation du centre tertiaire Eurorennes et les études en cours pour la réhabilitation de l’ex-siège de la direction régionale des télécommunications constituent autant de coup de projecteurs sur les réalisations rennaises de Louis Arretche et d’occasions de mieux évaluer son apport au patrimoine du 20e siècle à Rennes.