de la dépendance ?
Les Français continuent à vieillir sous le double effet de l’augmentation de l’espérance de vie et de l’avancée en âge des générations du « baby-boom ». Les tranches d’âges plus élevées pèsent désormais d’un poids significatif : nous comptons plus de 5,5 millions de personnes âgées de plus de 75 ans. Chaque année, ce sont 80 000 personnes qui viennent grossir la catégorie des plus 80 ans.
L’espérance de vie progresse avec une longévité française qui reste au-dessus de la moyenne européenne. En 2010, elle était de 84,8 ans pour les femmes et de 78,1 ans pour les hommes. Cette différence entraîne évidemment une sur-représentation féminine qui s’accentue avec l’âge.
L’agglomération rennaise n’échappe pas à cette tendance puisqu’elle comptait en 2008, près de 25 000 personnes âgées de plus de 75 ans. Mais comme sa population ne cesse de croître, Rennes Métropole reste encore bien plus « jeune » que la moyenne française. Les plus 65 ans n’y représentent (en 2008) que 12,8 % dla population contre 16,7 % pour l’ensemble de la population française.
Où habitent les personnes âgées ? Contrairement à une idée reçue, elles vivent très majoritairement à domicile. Bien vieillir, c’est rester chez soi le plus longtemps possible. Ce n’est qu’au-delà de 92 ans, que la vie en établissement est majoritaire. C’est une question d’âge, mais aussi de sexe. On constate en effet qu’à âge égal les femmes adoptent la vie en institution beaucoup plus que les hommes. Ainsi à 90 ans, 24 % des hommes y vivent contre 39 % des femmes. La situation matrimoniale joue aussi son rôle: 88 % des femmes et 69 % des hommes en établissement sont célibataires, veufs ou divorcés.
Adapter son logement pour pouvoir vieillir chez soi « en sécurité » répond à un voeu largement partagé. Mais cette adaptation varie selon que l’on est locataire ou propriétaire. Elle varie aussi en fonction du revenu car c’est lui qui détermine la possibilité de prise en charge du maintien à domicile.
Or la disparité des situations individuelle est forte, même si les seniors concentrent une part importante du patrimoine : si près de 58 % de Français sont propriétaires, ce taux atteint 74 % pour les retraités (plus de 65 ans). Il atteint même 77 % pour cette tranche d’âge à Rennes Métropole.
Quant au niveau de revenu des retraités, non seulement leurs pensions évoluent à la baisse, mais les générations de nouveaux retraités ont connu des discontinuités dans l’emploi avec des périodes de chômage ou de temps partiel. La représentation des personnes âgées solvabilisées par la retraite et l’épargne, propriétaires de leur logement et à l’abri du besoin est largement remise en cause. Certains experts parlent de la fin de « la parenthèse heureuse ».
Combien serons-nous de Rennais dans vingt ou trente ans ? Comment se répartirons-nous entre actifs et retraités, entre vieux et jeunes ? Les enjeux liés au vieillissement incitent à se doter de projections démographiques pour répondre à ces questions. Les projections de l’Insee sur les pays bretons4 montrent que le dynamisme démographique du pays de Rennes se confirme et s’amplifie même.
L’arrivée en âge élevé de la génération du baby-boom et l’allongement de l’espérance de vie vont conduire à une hausse sensible du nombre de personnes âgées. La population des 80 ans et plus, du pays de Rennes, serait ainsi multipliée par 3,8 entre 2000 et 2040, pour atteindre plus de 33 600 personnes. Quant à la population des 90 ans et plus elle serait multipliée par 7,6 sur la même période, pour atteindre plus de 10 000 personnes en 2040.
Le vieillissement de la population conduira dans les années à venir à une augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes. Mais, à ce stade, il est essentiel d’introduire la notion d’espérance de vie en bonne santé (EVSI), c’est-à-dire sans limitations d’activité ou incapacités majeures. Les progrès médicaux, l’amélioration des conditions de vie et surtout la prévention, conduiront sans doute à retarder l’apparition de la dépendance car toute la question est de savoir quelle sera la qualité de vie de ces années gagnées.
En effet, la durée de la période de dépendance peut avoir des incidences très lourdes. Lorsqu’elle survient, la dépendance a une durée moyenne de 4,4 années (3,7 ans pour les hommes et 4,7 ans pour les femmes). Ces différences s’expliquent notamment par la plus longue espérance de vie des femmes. Pour une faible part de personnes, les épisodes de dépendance peuvent être très longs, occasionnant une dépense totale à la charge de la famille pouvant excéder les 150 000 €, et obligeant les ménages à liquider entièrement leur patrimoine quand ils en possèdent un, ou à priver de longues années durant leurs proches de toute marge de manoeuvre financière.
Mais, si les prévisions de forte croissance des effectifs « du grand âge » sont avérées, l’évolution de la dépendance des personnes âgées est à relativiser car une immense partie d’entres elles vit en bonne santé. Cela n’empêche pas de tenter de cerner ce phénomène avec plus de précisions. Les inconnues restent fortes, mais des recherches ont été menées permettant de situer les ordres de grandeurs.
Même si l’on ne peut établir de corrélation stricte entre l’âge et la dépendance, sa prévalence est largement liée au vieillissement : entre 60 à 79 ans, la dépendance ne concerne que 2,7 % des personnes, dans la décennies des 80 et ans, elle est de 11,2 %, en revanche, elle est de 42 % chez les personnes âgées de plus de 90 ans. Ces seuils devraient encore évoluer: ainsi, l’âge moyen d’entrée dans la dépendance devrait fortement augmenter entre 2000 et 2040, passant de 78 à 82 ans pour les hommes, et de 83 à 88 ans pour les femmes.
Mais, d’autres facteurs que l’âge, peuvent également jouer dans le taux de la dépendance. Ainsi, les femmes sont tout particulièrement concernées. Plusieurs pathologies invalidantes sont aujourd’hui bien identifiées auxquelles elles sont particulièrement exposées, notamment la maladie d’Alzheimer.
Le niveau d’étude peut aussi être un critère discriminant, mais dans ce cas avec deux effets opposés sur la probabilité de connaître la dépendance avant de décéder. D’une part, les personnes ayant fait des études ont une espérance de vie plus longue, ce qui augmente la probabilité de connaître la dépendance. D’autre part, elles font face à des niveaux de dépendance plus faibles à âge donné (surtout chez les hommes).
Le statut d’activité constitue un autre marqueur d’inégalités aussi bien sur l’espérance de vie que sur le taux de dépendance. L’effet de la vie active est probablement l’un des moteurs de longévité en bonne santé le plus puissant, même s’il convient de nuancer en fonction du type d’activité. De 35 à 80 ans, le taux de mortalité est trois fois supérieur chez les personnes inactives, quelle que soit la cause de l’inactivité. Cette observation est à rapprocher du taux d’emploi chez les 55-64 ans qui est globalement faible en France (38 % seulement) lorsqu’on les compare à ceux d’autres pays (70% en Suède, 51% en Allemagne, 46 % en moyenne dans l’Union européenne).
La distribution du risque de dépendance enfin dépend du niveau socioéconomique. Il existe aussi une plus forte altération de la santé des catégories socioprofessionnelles les moins favorisées et ces inégalités, loin de se réduire, voire se stabiliser, ont tendance à s’accroître.
Ces divers facteurs, dont les effets sont partiellement contradictoires, vont influencer les évolutions dans les années à venir. Aujourd’hui, la perte d’autonomie touche 1 200 000 personnes âgées en France, et mobilise 24 milliards d’euros d’argent public chaque année. D’ici à 2040, ce nombre augmentera sans doute, mais dans des proportions difficiles à évaluer avec précision. Des projections du nombre de personnes dépendantes et de leurs caractéristiques ont néanmoins été effectuées par l’Insee. Cette modélisation repose sur des hypothèses d’évolution de l’état de santé des personnes âgées.
Trois scénarios contrastés sur l’évolution de la couverture dépendance ont été envisagés :
Un scénario pessimiste, suppose que l’espérance de vie sans incapacité progressera moins rapidement que l’espérance de vie totale, c’est-à-dire que l’âge d’apparition de la dépendance se décale moins vite que l’âge du décès, conduisant à une augmentation de la durée de vie en dépendance.
Un scénario optimiste, suppose que le rythme de gain d’espérance de vie sans incapacité sera plus rapide que l’espérance de vie totale, c’est-à-dire que l’âge d’apparition de la dépendance est davantage retardé que l’âge du décès.
Un scénario central, avec un décalage parallèle entre l’âge d’apparition de la dépendance et l’âge du décès, c’est-à-dire que la durée de vie en dépendance demeure alors stable.
Dans ce schéma, et en retenant l’hypothèse centrale la plus probable, le nombre de personnes dépendantes se situerait en 2030 entre 1,4 et 1,7 million et en 2060 entre 1,85 et 2,7 millions, ce qui reviendrait à une multiplication du nombre de personnes dépendantes par un facteur de 1,6 à 2,3.
En extrapolant à partir de ces projections et en les redressant en fonction de la structure des âges, on peut donner une fourchette très grossière du nombre de personnes âgées dépendantes qui pourraient être attendues sur le département d’Ille-et-Vilaine à l’horizon 2030 et 2060. Ces chiffres devraient se situer dans une fourchette de 18 700 à 22 700 à l’horizon 2030. Et de 24 700 à 36 100 à l’horizon 2060, cela sans prendre en compte l’impact éventuel de changements climatiques qui pourraient générer un afflux de populations nouvelles, lié à des migrations internes à la France et à des migrations externes (cf. scénario prospectifs CESR Bretagne 2009).