de Charles de Gaulle
Fragilisé par l’énorme vague contestataire de mai-juin 1968, en dépit du résultat favorable des élections législatives de la fin du mois de juin, le général de Gaulle cherche à reprendre la main politiquement dans la période qui suit les événements. C’est dans ce contexte que se situe le voyage qu’il effectue en Bretagne du 31 janvier au 2 février 1969 et dont la première étape est Rennes, la capitale bretonne.
L’occasion va lui être donnée ici d’évoquer le projet de régionalisation qu’il annoncera officiellement à Quimper le 2 février et qui sera soumis à référendum au printemps prochain. Mais au-delà des rencontres officielles, un des objectifs majeurs de ce voyage est bien la rencontre avec les populations afin de ressourcer sa légitimité politique. L’organisation du voyage se doit donc de comporter des moments où cette rencontre est possible, où il va être possible de la mettre en scène et de lui donner politiquement du sens.
La photographie présente souligne cet aspect. Le général de Gaulle arrive ici sur le haut de la place de la Mairie dans la Simca présidentielle, spécialement aménagée pour lui permettre de se tenir debout, grâce notamment à une barre de maintien, afin d’être vu de la foule et de pouvoir la saluer. Il apparaît ainsi dans une position dominante, celle du chef de l’État, et son visage reflète sa satisfaction à la vue du public réuni en masse sur la place de la Mairie et dont nous ne voyons ici qu’une toute petite partie.
Derrière lui, assis, on aperçoit le maire de Rennes, Henri Fréville qui l’accompagne durant toute l’étape rennaise de son voyage et qui s’apprête alors à le recevoir officiellement à l’hôtel de ville. Ce sera l’occasion de lui montrer les plans et maquettes des nouveaux quartiers urbains rennais, avant de les lui faire visiter, celui de Bourg-l’Évêque, dont l’immeuble double des Horizons n’est pas encore véritablement sorti de terre, et celui de Maurepas en périphérie nord de la ville.
En arrière-plan, la photographie découvre une partie de la foule massée derrière des barrières de sécurité installées devant l’agence immobilière Lenoir qui existe toujours aujourd’hui. Le public est diversifié. Hommes et femmes de tout âge ainsi que de nombreux enfants affichent leur contentement de voir ainsi de très près le chef de l’État. Les sourires sont nombreux et dans l’agence elle-même une femme croise les mains dans une posture de ravissement qui traduit sa profonde admiration pour la figure du général. Certains cependant semblent adopter une attitude plus dubitative preuve que les tensions politiques de l’année précédente sont toujours présentes. On note la présence d’un seul photographe, juste derrière un responsable de la sécurité, car la quasi-totalité d’entre-eux est disposée devant les portes de l’hôtel de ville où se trouvent l’essentiel du public et des personnalités officielles qui attendent le général.
Dans cette foule considérable et souvent enthousiaste qui l’accueille à Rennes, le général de Gaulle pouvait trouver bien des motifs de satisfaction. La liturgie gaullienne à l’oeuvre dans les voyages présidentiels fonctionne toujours en apparence. Sans doute est-il cependant capable de percevoir, dans les quelques cris et slogans hostiles, les tensions qui traversent la société et qui le pousseront, quelques mois plus tard, à abandonner le pouvoir à la suite d’un référendum perdu dont il avait tenu à apporter aux Bretons la primeur de l’information.