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Dossier
#33
À Rennes 2, les étudiants planchent sur le 7e art
RÉSUMÉ > L’université Rennes 2 propose une formation dédiée à la culture cinématographique et l’analyse de films, au sein du département Arts du spectacle. La filière « études cinématographiques » accueille plus de 350 étudiants, de la deuxième année de licence au doctorat. Et en 2015 sera créé un master pro, très attendu par les professionnels du secteur. Revue de détail de ces formations « générales » et « professionnelles », par trois enseignants-chercheurs de Rennes 2.

     L’université Rennes 2 propose une formation en Arts du spectacle en trois, cinq ou huit ans, validée par l’obtention de diplômes de Licence, Master et Doctorat (LMD). Après une première année de Licence « bidisciplinaire » (théâtre/cinéma) qui permet aux nouveaux bacheliers d’acquérir les bases nécessaires à leurs études et d’affiner leur projet professionnel, les étudiants s’orientent en deuxième année vers l’une ou l’autre des disciplines, qui constituent des parcours distincts jusqu’au doctorat.
    Si des cours optionnels de cinéma étaient apparus dès l’année 1969 à l’université Rennes 2, dans le cadre de la Licence de Lettres, ce n’est que dix ans plus tard qu’ils se sont réellement développés, sous l’impulsion décisive de Jean-Pierre Berthomé, alors chargé de cours, qui lança des enseignements d’analyse de films et une option au sein du département des Arts plastiques. Devenu Maître de conférences en études cinématographiques en 1983, puis Professeur des Universités en 1992, il contribua progressivement à multiplier ces enseignements dans divers départements de l’université – notamment les Lettres, et les Arts plastiques auquel il était rattaché –, dans la perspective de fondation d’un cursus spécifique qui verra le jour à la rentrée 1995, avec la création du département des Arts du spectacle, réunissant des enseignants et enseignants-chercheurs en cinéma et en théâtre. Avec le temps, la filière « études cinématographiques » de notre département prendra de l’ampleur, et compte aujourd’hui une équipe de trois professeurs et cinq maîtres de conférences en études cinématographiques, un PRAG (professeur agrégé), deux professionnels associés et de nombreux chargés de cours, étudiants en doctorat (parfois même en Master) ou intervenants extérieurs. Les effectifs étudiants, d’abord limités à 60 personnes par année (théâtre et cinéma confondus) recrutées sur entretien, ont rapidement et régulièrement augmentés, suite à l’ouverture hors de l’Académie de Rennes au début de la décennie précédente. Ainsi, à la rentrée 2012, notre département comptait près de 600 étudiants inscrits en première année de Licence, chiffre qui s’est aujourd’hui stabilisé autour de 450. En deuxième et troisième années, les étudiants de cinéma sont entre 120 et 150, une soixantaine en Master et une quinzaine en doctorat.

     La formation est dite « générale » (à la différence des Licences professionnelles, qui forment à des métiers très spécifiques) et vise avant tout à doter nos étudiants de bases solides et diversifiées dans les domaines de l’histoire, de la théorie, de l’esthétique, de l’analyse, de l’économie et du droit du cinéma et de l’audiovisuel. Des compétences qui seront nécessaires à leurs parcours, quel que soit le secteur d’activité auquel ils se destinent, mais aussi à la poursuite ultérieure de travaux de recherche, en Master ou en thèse particulièrement. L’activité de recherche, florissante à Rennes 2 depuis quelques années dans le domaine des Arts, est d’ailleurs souvent l’occasion d’une spécialisation que les étudiants mettent à profit pour approfondir leurs connaissances sur des sujets spécifiques qui leur apportent des atouts très personnels, une fois arrivés sur le marché du travail. Mais l’obtention du diplôme de Licence, au terme de trois ans, permet plus largement de candidater à toutes les formations nationales de type Master professionnel, en fonction du projet des étudiants.
    Depuis une vingtaine d’années, le parcours professionnel des étudiants sortis de notre filière montre en effet qu’ils trouvent à s’insérer dans les domaines de la médiation culturelle et des professions associées (programmation, gestion d’équipements culturels dépendant des collectivités ou des associations), de la production et de la création audiovisuelle et multimédia, de la presse culturelle, de l’enseignement et de la formation. Le cursus constitue aussi une préparation de fait aux concours très sélectifs des écoles supérieures professionnelles (Femis, Louis-Lumière…), que certains de nos étudiants ont pu rejoindre avec succès. Et chaque année, les liens solides que nous avons tissés avec le secteur professionnel leur permettent de mettre le pied à l’étrier en effectuant des stages (dans des sociétés de production ou des festivals notamment) qui constituent aussi un « vivier » important pour nos différents partenaires.

La filière cinéma et le monde professionnel

     L’organisation de cette formation encourage aussi fortement l’établissement de passerelles entre les enseignements théoriques et pratiques. C’est pourquoi nous avons toujours souhaité que notre équipe pédagogique soit renforcée par l’expérience et le savoir-faire de professionnels qui encadrent les ateliers de deuxième et troisième années de Licence. Ces ateliers, complémentaires des cours théoriques, constituent une première approche des réalités concrètes des métiers du cinéma et de l’audiovisuel (production, distribution et exploitation de films, animation culturelle, écriture scénaristique et critique). Dès ses origines en effet, la filière s’est inventée et constituée en étroite relation avec le monde professionnel. Dans la nouvelle et petite équipe constituée dans les années 1990 par Jean-Pierre Berthomé, on trouvait déjà un réalisateur et producteur de films d’animation bien connu dans la région, Jean-Pierre Lemouland, mais aussi une figure emblématique et assez unique en France, Alain Bergala, à la fois enseignant-chercheur et réalisateur de documentaires et de fictions. Il y avait là, d’emblée, une volonté de ne pas cloisonner enseignements théoriques et pratiques, en cherchant à inventer des ponts, voire des enseignements hybrides permettant de penser la pratique et la théorie de façon concomitante. C’est dans cet esprit qu’a été créé, en 2008, un cours intitulé « Pratiques et théorie », trait d’union solide entre deux types d’enseignements d’ordinaire séparés, et parfois même étrangers l’un à l’autre.

     De nombreux professionnels ont ainsi été invités à travailler avec nos étudiants, et en citer quelques-uns permet de mieux se représenter l’éclectisme et la diversité qui sont au coeur de cette démarche, car il nous semble qu’il convient de parler de tous les métiers, exercés aussi bien en région qu’à l’échelle nationale ou internationale : Rabah Ameur-Zaïmeche, Philippe Baron, Stéphane Brizé, Bruno Collet, Émilie Deleuze, Xavier Durringer, Corto Fajal, Henri-François Imbert, Rada Jaganathen, Yves Lavandier, Jean-François Le Corre, Denis Le Pavin, Chantal Le Sauze, Gwenn Liguet, Yvon Marciano, Vincent Melcion, Henry Puizillout, Fabrice Richard, Frédéric Sojcher, Matthieu Vadepied, Charlie Van Damme, Jean-Pierre Ruh ou Élodie Sonnefraud, pour ne citer qu’eux. Ces professionnels ont été évidemment à l’origine de quelques vocations… Ainsi, certains étudiants reviennent aujourd’hui au sein du département, mais en tant qu’intervenants : Céline Dréan, Joran Le Corre, Frédéric Prémel ou Roselyne Quéméner, par exemple.
    C’est donc assez naturellement que nous avons complété notre formation générale par des formations dites « professionnelles », dont la nature et l’objectif sont de tisser des liens encore plus serrés entre théorie et pratique, puisqu’elles visent à l’insertion immédiatement après l’obtention du diplôme. La licence professionnelle CIAN (Convergence Internet Audiovisuel Numérique) a d’abord vu le jour il y a un peu plus de dix ans, sous l’impulsion de Patrice Roturier, devenu depuis viceprésident en charge du numérique de l’Université européenne de Bretagne (UEB). Il s’agit de préparer et de former les étudiants aux nouvelles pratiques induites par l’irruption massive du numérique dans le monde de l’audiovisuel. Au niveau des contenus bien entendu, mais aussi de la forme même de l’enseignement, puisque nous y pratiquons depuis le début l’enseignement à distance et la production de ressources en ligne. 

     Nous ouvrons enfin, à la rentrée 2015, un Master professionnel dédié aux métiers de l’édition et de la valorisation numériques du cinéma, qui se propose de former les étudiants aux nouveaux types de productions audiovisuelles : compléments en ligne des films, valorisation du patrimoine, webdocumentaire, dispositifs transmedia, serious game, etc., et aux nouvelles façons de les financer ou de les consulter (crowdfunding, microfinance, P2P…). Ces deux formations professionnelles reposent sur des partenariats forts avec des entreprises ou des institutions locales et nationales (Radio France, INA, Vivement Lundi !, Technicolor, Cinémathèque de Bretagne…).
    Vingt ans après sa création, la filière cinéma du département des Arts du Spectacle s’inscrit donc pleinement, en tant que structure de formation et de recherche, dans le paysage professionnel actuel ou en devenir. Les nombreux étudiants qui en sont issus deviendront – quand ils ne le sont pas déjà – des acteurs importants du secteur cinématographique et audiovisuel, à Rennes et dans la région bien sûr, mais aussi au-delà. Et c’est avec un grand plaisir que nous les retrouvons parfois, pour travailler avec eux à la formation des générations suivantes ou simplement les entendre nous parler de ce qu’ils sont devenus, dans ou hors du cinéma…