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Dossier
#40
À la découverte
des paysagistes du son
RÉSUMÉ > Des blocs de glace transparents, suspendus par du sisal… un goutte-à-goutte dans des bols de porcelaine… des micros immergés captent les sons qui vibrent comme de lointaines cloches tibétaines. En écho, dans la salle voisine, des fragments de porcelaine suspendus au souffle cristallin d’une danse, s’entrechoquent. L’installation de Tomoko Sauvage baigne le spectateur-auditeur dans une nappe méditative.

     Que ce soit au Bon Accueil, l’ancien café situé des prairies Saint-Martin devenu lieu d’art sonore, ou en concert à La Criée, pendant le festival de musique contemporaine Autres mesures, le temps a suspendu son écoute à l’oreille de l’artiste d’origine japonaise. « En 2009, dans le cadre du festival Elektroni[k], j’avais proposé à Tomoko une improvisation avec l’artiste portugais André Gonçalves que nous recevions », commente Damien Simon, directeur artistique du Bon Accueil. Dans les salons de l’Hôtel de Ville de Rennes, la rencontre opère et le duo poursuivra son aventure au Portugal.

     « Depuis 2008, Le Bon Accueil est dédié à la découverte et à la production d’expositions d’art sonore, le son étant considéré comme la quatrième dimension de la sculpture contemporaine », commente le directeur. « En 2008, cet art était méconnu. On disait Sound Art, une expression venue d’Allemagne et des États-Unis ». Découvreur sans frontière, Le Bon Accueil produit des artistes peu visibles en France, au travail exigeant tourné vers un large public et des collaborations menées à l’international. « Nous avons par exemple développé un projet européen, en 2012-2014, associé à un réseau de sept producteurs, Resonance : A European Sound Art Network. » La règle est la même pour chacun des cinq artistes re- çus chaque année : « En arts plastiques, il semble normal de demander le maximum aux artistes avec un minimum de moyens. Nous le refusons. Nous défrayons et rémunérons nos artistes pour exposer une œuvre et en créer une ouvelle en résonance, qui puisse tourner facilement ensuite », explique Damien Simon. Le label Bon Accueil sera ainsi attaché à la nouvelle création. « Avec la volonté de travailler un point d’accroche sur Rennes, nous valorisons une collection d’objets de physique du 19e siècle qui permet d’explorer les arts sonores à partir de l’histoire de l’acoustique moderne, physique et physiologique ». En 2011, Pierre-Laurent Cassière et le duo canadien Artificiel ont été invités, en résidence, à les explorer.

     Les expositions bénéficient de l’accompagnement d’une médiatrice culturelle qui intervient en particulier auprès de l’Éducation nationale. Les partenariats mis en œuvre par la structure sont liés aux projets. Citons La Criée et l’Antipode à Rennes, le Musée d’art et d’histoire de Saint-Brieuc, La communauté de communes Baie du Mont-Saint-Michel, L’Aparté de Pays de Montfort, le CCSTI de Poitiers, le Festival Interstices à Caen, le festival de Flandres en Belgique… Le Bon Accueil dispose d’un budget annuel inférieur à 60 000 euros, financé par la Ville de Rennes, la Région, la Direction générale des Affaires Culturelles, le Conseil départemental… Damien Simon l’affirme sans détour : « Nous bénéficions d’une vraie reconnaissance du public, à l’international, et des artistes que nous accompagnons, mais nous souffrons d’un déficit de reconnaissance institutionnelle par méconnaissance de notre travail ». Le devenir de la structure en 2017 reste entier : avec le projet d’aménagement du quartier, la question d’un engagement plus fort en direction des habitants est posée par les élus municipaux. À son tour, le débat fera peut-être du bruit Canal Saint-Martin.