après l’épreuve
PLACE PUBLIQUE : Vous avez annoncé fin décembre votre retrait définitif de la vie politique pour raisons de santé, après avoir siégé 15 ans au conseil municipal de Rennes où vous étiez le leader de l’opposition depuis 2008. Aujourd’hui, comment allez-vous ?
BRUNO CHAVANAT : Mieux, merci ! Six mois à l’hôpital et une longue convalescence m’ont tenu éloigné de la vie politique. Aujourd’hui, je m’apprête à reprendre une vie professionnelle.
Vous n’avez pas souhaité démissionner plus tôt ?
J’ai souhaité attendre de voir comment les choses se stabilisaient. Il est très difficile de porter un jugement sur ce que l’on est capable de faire lorsqu’on est hospitalisé. Je m’étais fixé la fin de l’année 2015 pour me déterminer. J’ai finalement pensé que, raisonnablement, c’était trop lourd de continuer. Cette période m’a aussi permis de mettre de l’ordre dans mes priorités. Cela ne veut pas dire que la chose politique ne m’intéresse plus. Je suis toujours passionné par ces questions, c’est lié à mon métier, et puis le terrain dans lequel on évolue à Rennes est très intéressant de ce point de vue. Par la taille de la ville, l’implication des gens, la tradition politique locale…
Le 18 janvier dernier, en conseil municipal, vous avez prononcé un discours très personnel, qui a touché les élus et le public, au-delà de votre famille politique. Quels messages avez-vous souhaité faire passer ?
Puisque cette prise de parole se situait hors du contexte de l’ordre du jour habituel du conseil, cela m’a permis, effectivement, d’aborder sur un ton plus personnel des questions qui me tenaient à cœur. C’est le cas notamment du fonctionnement du conseil municipal, dont chacun est un peu prisonnier par la force de l’habitude. Dans sa forme, le conseil n’a pas changé depuis que j’y siège, à quelques aménagements d’horaires près, alors même qu’on observe de profondes évolutions dans le fonctionnement de la démocratie locale, par le biais des réseaux sociaux, notamment. Les médias se sont adaptés à ces mutations. Le conseil municipal, lui, pas tellement, même si on observe que les institutions locales comme Rennes et la Métropole développent à toute force des moyens de communication concurrents. Le cérémonial, la nature des questions, l’état d’esprit, le décalage qui existe entre le consensus ambiant et le soin extraordinaire que les uns et les autres prennent à marquer leurs oppositions, le côté souvent décalé de certaines interventions, qui cherchent plus à se justifier par rapport leur propre structure partisane plutôt que d’aborder les débats de façon dépassionnée… Tout cela n’a pas changé, et a même peut-être été renforcé par l’instauration du temps d’expression politique des groupes en préambule du conseil municipal, même si je n’y ai pas personnellement assisté.
On vous sent critique. Pourtant, vous avez joué ce jeu de rôle, vous aussi, durant de longues années…
C’est vrai, et je l’ai reconnu dans mon intervention. Je l’assume, mais cela ne veut pas dire que c’est satisfaisant pour autant. J’ai une expérience du fonctionnement des assemblées antérieure à mon entrée en politique en tant qu’élu, lorsque je dirigeais l’administration du conseil général d’Ille-et-Vilaine, sous l’autorité de Pierre Méhaignerie, de 1996 à 2000. À l’époque, cette assemblée, par son mode d’élection et une exposition médiatique moins forte, avait un fonctionnement plus apaisé et constructif que le conseil municipal, avec notamment, un vrai travail en commissions. J’ajoute – et ce n’est pas pour me dédouaner – que la responsabilité première de la volonté de fédérer appartient au président de l’assemblée, pas aux chefs de file des différents groupes ! À ce propos, vous avez siégé durant les mandats d’Edmond Hervé et de Daniel Delaveau.
Quel souvenir conservez-vous de leur « gouvernance » ?
Chacun avait son style. Edmond Hervé avait de l’autorité, il faisait des rappels fréquents aux valeurs sur lesquelles se fondait son action. En même temps, il avait plutôt tendance à accentuer les désaccords pour justifier sa position. Daniel Delaveau était moins prévisible. Prolixe sur les sujets qui l’intéressaient, il pouvait être selon les cas consensuel ou inutilement cassant. Je n’ai pas pu juger la pratique de Nathalie Appéré. Mais je crois qu’elle aurait intérêt à faire émerger ce qui fait consensus, ce qui réunit les élus au-delà de ce qui les oppose. Et il faut le faire maintenant, car le jour où il y aura le Front National ou toute autre formation populiste au sein du conseil, ce sera beaucoup plus difficile car il y aura une tendance à la surenchère. Si le conseil municipal n’arrive pas à trouver, au cours du mandat actuel, un moyen de profiter des convergences pour construire mieux et plus, il aura du mal à le faire ensuite.
On parle souvent de « modèle rennais ». L’avez-vous rencontré, et dans quels domaines ?
Il existe un modèle rennais pour la qualité de l’administration qui me paraît forte, à la Ville comme à la Métropole. Il y en a un également sur la densité d’implication associative. Même si de mon point de vue, ce modèle-là a été mis à mal par l’évolution de ces dix dernières années. Il y a, enfin, un modèle rennais en matière d’engagement citoyen, dont je vois une traduction assez concrète dans la capacité que nous avons eue, par exemple, à réduire le poids des déchets ménagers produits par les habitants.
Les poubelles, indicateur d’engagement citoyen ?
Tout à fait ! C’est même un bon indicateur, car c’est plus facile de construire une nouvelle usine d’incinération que de parvenir à réduire significativement la part individuelle de production de déchets ! De ce point de vue, je crois qu’il y a une vraie conscience civique rennaise, que chacun peu ressentir. Ce « modèle rennais » n’appartient d’ailleurs pas aux partis politiques, c’est une richesse pour la ville que l’échelon politique a intérêt à valoriser plutôt que de tenter de la capter à des fins partisanes. On parle beaucoup de « vivre en intelligence ». On a tout pour réussir à construire cette « smart city » : des compétences technologiques, une intelligence collective et sociale... Mais la smart city, ce n’est pas d’abord de la technique. C’est de faire en sorte que l’initiative citoyenne soit reconnue pour ce qu’elle est, dans de nombreux domaines : l’environnement et les services de proximité, notamment.
On ne va pas assez loin ?
Je manque d’éléments de comparaison depuis deux ans, mais je pense qu’on est très en deçà de ce que l’on pourrait faire. Les initiatives actuelles en termes de budget participatif, par exemple, n’ont rien de révolutionnaire ! Il faut voir combien de pas en arrière ont été faits depuis que je m’intéresse à la question. Lorsque je suis arrivé à Rennes, il y a vingt ans, Edmond Hervé et l’adjoint aux finances organisaient des réunions publiques sur le budget dans les quartiers avec les habitants. Ils en ressortaient avec des idées ou des interpellations. Ce n’était pas sur des aspects périphériques, mais bien sur le cœur du budget de la ville ! J’estime que l’abandon progressif de cette pratique n’est pas compensé par les nouvelles propositions. Paradoxalement, l’instauration des conseils de quartier, compte tenu de la vitalité associative locale, n’a pas marqué un progrès significatif, mais même un recul.
Qu’entendez-vous par là ?
Auparavant, il existait une mobilisation citoyenne à l’échelle des quartiers, via des comités de quartier très actifs, parfois même en opposition avec la mairie. C’est autrement plus stimulant pour la démocratie municipale de faire remonter des projets et des services conçus par les habitants eux-mêmes, que de devoir assister dans les conseils de quartier à la présentation des projets de l’administration ! Par ailleurs, le fait qu’on ne laisse plus la gestion de certains équipements, comme les maisons de quartier, aux habitants eux-mêmes, pose question. Le dépérissement de nombreuses associations de quartier historiques ou leur marginalisation est à mon avis un recul de ces dix dernières années par rapport au modèle rennais originel.
Durant vos quinze ans de mandat à Rennes et Rennes Métropole, sur quels sujets avez-vous le sentiment d’avoir eu de l’influence ?
N’ayant siégé que dans l’opposition municipale, je sais qu’à cette place, on ne pèse qu’en soulevant des questions et non en réalisant les projets. Cette influence se vérifie lorsque les questions soulevées font suffisamment débat pour interroger les pratiques.
Ce fut le cas dans quels domaines, précisément ?
Je suis convaincu que nous avons contribué à dégonfler des illusions, notamment dans le champ de la démocratie participative que nous évoquions à l’instant. Ainsi, lorsque nous avons porté quelques coups contre des opérations de communication comme VivaCités, en 2012, nous avons eu raison de le faire. C’est dans notre rôle, comme lorsque nous avons alerté sur la dérive de certaines dépenses publiques : la rénovation du TNB, le coût des Champs Libres… Notre intervention a induit une plus grande vigilance de la part de la municipalité. Nous ne l’avons d’ailleurs pas suffisamment fait sur la dérive des coûts du Centre des congrès. Nous avons porté l’estocade au début, pas assez dans la durée.
C’est un rôle plutôt négatif !
Pas seulement. Plus positivement, je crois que nos interventions au long cours sur l’urbanisme ont introduit une réelle sensibilité sur ces questions. Cela s’est cristallisé lors de la campagne de 2001 autour du « bourrage urbain », puis lors du lancement du Programme local de l’habitat, qui était très quantitatif, en alertant sur la nécessaire qualité des constructions. Les grandes opérations d’urbanisme s’inscrivent dans une longue tradition planificatrice à Rennes. Personnellement, je n’ai jamais été un opposant systématique aux ZAC, car c’est le moyen de créer de la mixité urbaine et de la qualité architecturale et technique. Mais les ZAC doivent être un outil au service de la qualité et de la diversité des constructions et non pas seulement de la quantité et de l’uniformité.
On a parfois assimilé ce discours à une défense de la maison individuelle face aux immeubles, à un attachement passéiste aux formes urbaines traditionnelles…
C’est caricatural, bien sûr, même s’il y a un vrai débat. L’urbanisme est un mélange complexe d’intérêt général et d’intérêts particuliers. Sur la vision de la ville, l’ancien adjoint à l’urbanisme Jean-Yves Chapuis a eu une influence importante. Nous n’étions pas toujours d’accord, loin de là, mais je dois reconnaître qu’il avait une vision et le courage politique d’affronter les oppositions. Au niveau rennais, il défendait l’idée de la reconstruction de la ville sur elle-même. Mais la reconstruction, ce n’est pas la table rase du passé. La question de la maison individuelle, c’est une image, pas un combat politique ! Le vrai combat, il est beaucoup plus profond : il touche à l’identité de la ville, à sa singularité.
Ce faisant, certains, dans les rangs de la majorité municipale, vous ont accusé de refuser le logement social.
La réplique, souvent entendue, consistait à nous reprocher d’être contre la densification, et donc contre le logement social. C’est absurde ! Heureusement, d’autres que nous sont intervenus sur ce sujet, notamment un certain courant écologiste, et de nombreux urbanistes de renom qui ont montré que la densification à outrance n’était pas une réponse sociale, mais pouvait même aller dans le sens contraire. Nous avons eu, sur ce plan, un débat qui a fait évoluer les choses.
Ce fut moins le cas dans le domaine des transports, où vous n’avez pas réussi à proposer des scénarios alternatifs au métro.
C’est vrai. Il y a eu de mon point de vue, un échec du débat sur cette question des transports. Lorsque je suis arrivé au conseil municipal, en 2001, le débat était très difficile à assumer. La majorité socialiste, Edmond Hervé en tête, le résumait à une approche binaire : on était pour ou contre le métro. La question n’était pas là, la première ligne allait être mise en service quelques mois plus tard. Je le ressens comme un échec, y compris de mes propres interventions : alors que la question de la deuxième ligne commençait à se poser, au lieu d’ouvrir le débat, il a été fermé. On a vu apparaître une espèce de conformisme intellectuel, une sorte de légende dorée digne des pays de l’Est, autour d’une autocélébration du métro. Je déplore aussi une grande faiblesse des Verts sur ce dossier. Ils ont été absents sur cette question. Ils levaient timidement le doigt en conseil pour dire qu’ils étaient contre les délibérations mais sans vraiment porter le débat car ils étaient ligotés par leur appartenance à la majorité.
Qu’aurait-il dû être, ce débat qui n’a pas eu lieu ?
Il y avait eu le choix du métro, qui est celui de la desserte dense, c’est important mais puisqu’on parlait de ville-archipel, cela aurait dû nous inciter à réfléchir à la desserte de l’agglomération dans son ensemble, qui ne peut pas être satisfaite par le même mode de transport. En France, toutes les villes qui ont un métro ont aussi un tramway ou un mode de transport complémentaire. C’était pour moi une évidence qu’il fallait ouvrir cette réflexion. Nous pouvions explorer plusieurs pistes : le tramway, l’étoile ferroviaire… En réalité, par fermeture d’esprit, par calcul politicien, aucun élu socialiste et a fortiori écologiste, ce qui est plus surprenant, n’a souhaité le faire. Le seul qui intellectuellement aurait eu l’autorité pour le faire, mais il était déjà un peu sur la touche à l’époque et il n’a pas épousé cette thèse, c’était Jean-Yves Chapuis.
La difficulté, c’est que la première ligne a connu un succès supérieur aux attentes.
Oui, ce fut un chantier maîtrisé techniquement et financièrement, ce n’est pas contestable. Mais justement, cela donnait plus de liberté pour réfléchir à d’autres scénarios ! Dans nos rangs de l’opposition, nous n’avions aucun bilan à défendre, et pourtant le débat n’a pas pu s’ouvrir. Nous en payons le prix aujourd’hui, à la fois sur le plan financier et sur celui de la respiration de la desserte de l’agglomération.
Vous venez de souligner l’attitude du groupe écologiste. Vous leur avez adressé un « merci » appuyé et plutôt inattendu lors de votre discours du 18 janvier. Pourquoi ?
Je pense que les écologistes portent un thème qui nous concerne tous. Dans un paysage politique qui s’est beaucoup affadi depuis les années 70, c’est la seule force politique qui apporte, non pas des réponses adéquates, mais des questions importantes, sensées, qui concernent des enjeux forts. Du fait de cette marque de fabrique, ils ont à la fois une connaissance de ces sujets supérieure à la moyenne, et une écoute importante. Lorsqu’ils ne s’expriment pas avec suffisamment de force sur ces sujets, on se dit que nous, si on en parle, c’est parce que nous sommes opposants. Alors que les écologistes le feraient au nom de leurs convictions. Mais les Verts ont un gros défaut : on attendrait d’eux qu’ils soient missionnaires de leurs idées, alors qu’on a souvent le sentiment qu’ils se replient dans le pré carré de leur militantisme, de leurs certitudes et de leurs courants internes compliqués ! Mon intuition, toutefois, c’est que les écologistes sont porteurs d’une question qui dépasse largement les frontières de leur formation politique. Ils ont cette responsabilité d’interroger les autres et de porter un débat. Je regrette qu’ils ne le fassent pas toujours.
Nous venons d’évoquer l’urbanisme, les transports… Avez-vous l’impression d’avoir fait bouger les lignes sur d’autres points ?
Le sport, qu’il s’agisse de pratiques associatives ou du sport de haut niveau, fait clairement partie de ces sujets pour lesquels nous avons contribué à réveiller, sinon l’action, du moins les intentions. Je pense à la question de l’Aréna ou des piscines, par exemple. Mais j’ajoute un mot encore sur l’urbanisme : lorsque j’entends Nathalie Appéré évoquer le rôle des places dans son discours des vœux, je ne peux m’empêcher de penser à notre programme de 2014 ! Le commerce dans les quartiers, c’est aussi un thème que nous avions pointé de manière spécifique et dont on entend parler à présent. Évidemment, on ne nous attribuera jamais la paternité de ces idées, mais objectivement, on voit qu’elles font leur chemin.
En 2014, vous aviez mené campagne dans les quartiers populaires. C’était un pari ?
C’était effectivement un axe fort de notre campagne de 2014. On ressentait à l’époque une très forte désillusion dans les quartiers rennais, spécifiquement à Villejean, également au Blosne en raison de questions liées à l’immigration, et dans une moindre mesure, à Maurepas. Les indicateurs objectifs de réussite de la politique urbaine y étaient catastrophiques, sur le plan de l’emploi, de l’intégration sociale, avec un sentiment d’abandon croissant… Pour nous, il y avait là un enjeu électoral, lié à la participation, avec un très faible score traditionnel de notre famille politique, une concurrence potentiellement forte du Front National et l’intuition que si une ambition collective se dessinait, c’était probablement dans ces quartiers les plus fragiles, et là ou le PS s’était toujours senti maître chez lui. Ce n’était pas facile, car nous étions très absents de ces quartiers. Nous avons articulé un certain nombre de propositions sur le commerce, les emplois de proximité, la sécurité, le sport… L’expérience a montré que sur la longue période, il est possible de changer les choses dans ces quartiers, comme à Cleunay, par exemple.
Nous consacrons le dossier de ce numéro à la création à Rennes. Quel regard portez-vous sur cette dimension culturelle de la ville ?
Je pense que Rennes dispose d’un terreau favorable dans ce domaine. Mais lorsqu’on parle d’action publique, on risque de surfer sur la vague. La politique ne consiste pas à se féliciter de ce qui existe, même si c’est bon pour le moral ! Le vrai travail nécessite beaucoup de ténacité, de concentration sur certains sujets, pas forcément médiatiques. Si Rennes est une « ville des émergences » et si le pouvoir politique a quelque chose à faire dans ce domaine, il doit concentrer son action sur quelques axes structurants à partir des richesses existantes. L’Université, par exemple. Depuis 2007, pour faire « émerger » des grands pôles universitaires, les appels à projets nationaux se sont multipliés. Ils ont été remportés là où les collectivités ont mis le paquet. À Rennes, l’Université avait de gros atouts. Elle a fait ce qu’elle a pu. Mais derrière elle, les politiques n’ont pas mis le turbo. Résultat : nous sommes passés à côté des opportunités. Voilà un domaine où ne doit pas se contenter de belles formules. Il faut se battre !
À propos de bataille, vous avez été un adversaire résolu de Place Publique lors de sa création en 2009 à Rennes. Maintenez-vous vos critiques initiales au regard du chemin parcouru par la revue, qui sort ce mois-ci son 40e numéro ?
Je ne me suis pas d’emblée opposé. Il y avait simplement un risque déontologique évident quand le Président de Rennes Métropole crée un organe de presse censé créer un débat sur ses propres politiques. C’était mon devoir de le dire même si je considère qu’il y a matière et intérêt à enrichir le débat sur ces questions urbaines. C’est important d’avoir des contributions qui dépassent le niveau des petites polémiques habituelles. L’angle qui consiste à solliciter des universitaires ou des intellectuels me paraît souhaitable. Je l’avais donc exprimé ainsi dès l’annonce du projet du lancement de Place Publique, considérant qu’il s’agissait d’un pari risqué mais qui valait la peine d’être tenté. Mes critiques ultérieures ont été inversement proportionnelles à mon enthousiasme initial. Car j’ai eu un peu l’impression que la revue était tombée dans les écueils qu’il aurait fallu qu’elle évite dès le départ avec une extrême prudence. Ils sont de deux ordres. L’un est mineur, mais non négligeable : pour nourrir la réflexion sur ces sujets qui tiennent à la construction de la ville, il y a un risque à jouer sur un terrain trop étroit. Ni Rennes ni Nantes ne suffisent à elles seules à justifier les ambitions d’une telle revue. Il y a un risque d’entre-soi, autour de sujets par nature trop limités. Rien n’empêcherait d’avoir une revue rennaise, mais non renno-centrée, à vocation nationale !
Et le deuxième écueil ?
Il s’agit d’un vice congénital, alimenté par des maladresses d’expression à son lancement : c’est le fait d’avoir créé une revue de débats à ce point revendiquée par le pouvoir politique et financée par la collectivité. C’est à mes yeux une contradiction intrinsèque. Toutefois, je dois reconnaître que mon jugement est un peu ancien, car depuis deux ans, je n’ai pas beaucoup lu la revue et je sais qu’elle a évolué.
Pour conclure, comment envisagez-vous votre avenir ?
Je vais reprendre mon activité professionnelle au Conseil d’État à Paris. Je suis davantage dans l’instant présent, mais j’ai des projets, sans trop bien savoir comment les mener à ce stade. Il faut que je fasse attention à ma santé et à ma famille. Et puis, j’ai passé beaucoup de temps à écrire, durant mes six mois d’hospitalisation. Ce travail n’est pas achevé. Je ne sais pas encore quelle forme il prendra. J’ai été sensibilisé à de nombreux champs nouveaux, en particulier sur des réalités humaines liées à la santé, la maladie, l’hôpital… Il y a une nébuleuse de choses que j’aimerai transformer. Est-ce dans une expérience sociale, associative ? Dans l’écriture ? Beaucoup de sujets m’intéressent, y compris dans le versant de ma vie qui est désormais le mien, celui de citoyen. Je suis attentif aux initiatives citoyennes.
La politique, c’est terminé ?
Je crois que la politique dépasse le mandat. À travers mon engagement, je me suis toujours demandé comment ouvrir les portes. Ce n’est pas pour les claquer derrière moi en quittant le conseil municipal ! Mais, oui, j’ai clairement refermé la tranche de vie où j’étais élu.