PLACE PUBLIQUE> Comment votre éducation a-t-elle influencé votre parcours ultérieur ?
ANNIE JUNTER> Je suis née à Tréguier en 1952 et j’ai été élevée à Buguélès, un village au bord de la mer dans les Côtes-d’Armor, par une mère très indépendante : orpheline à deux ans, élevée par une tante, elle avait dû très tôt se prendre en charge. Mariée à un marin de l’État qui était souvent absent, elle avait l’habitude de prendre les décisions de la vie courante sans attendre le retour de son mari. Pour régler le problème de l’autorisation du mari et du père qui était en vigueur jusqu’en 1970, elle avait accroché dans la cuisine, le décalque de la signature de mon père et quand il y avait des décisions à prendre pour notre scolarité, les voyages scolaires… elle recopiait la signature et elle vérifiait de temps en temps lors de ses retours si la signature était la même ou si elle avait évolué.
PLACE PUBLIQUE > Une figure de femme indépendante et exigeante, donc ?
ANNIE JUNTER > Ma mère était issue d’un milieu de pêcheurs et de marins. Elle était couturière à domicile. Elle faisait beaucoup de couture pour les Parisiennes qui venaient en vacances. Elle était aussi une grande lectrice et je la soupçonne de s’être fait payer une partie des vêtements qu’elle leur confectionnait en livres, parce qu’elle possédait de très jolis ouvrages, notamment une belle édition de Flaubert. Comme j’étais une affamée de lectures, elle m’a sensibilisée à la littérature à partir des romans qui paraissaient en feuilleton dans la revue Modes de Paris. En fait, je n’ai pas eu à me poser la question de l’émancipation parce qu’elle allait de soi : pour ma mère et sa soeur qui vivait avec nous, les filles devaient faire des études et devaient réussir parce que c’était la condition de leur ascension sociale et de leur autonomie.
PLACE PUBLIQUE > Vous avez fait un parcours scolaire d’excellence, « à la bretonne » ?
ANNIE JUNTER > J’ai toujours pensé qu’à travers moi, qui était l’aînée et la seule fille (j’ai un frère cadet, lui-aussi très engagé), ma mère se rattrapait de n’avoir pu poursuivre de longues études. Mon destin et mon devoir étaient de bien travailler à l’école. À ses yeux, je devais être une bonne élève. À l’école primaire, j’ai été instruite dans la mixité (obligatoire seulement en 1975), par un couple d’enseignants extraordinaires dans leur capacité à utiliser l’environnement pour nous former. Je pense que ma formation intellectuelle leur doit beaucoup. Je leur suis très reconnaissante de m’avoir enseigné le sens des responsabilités. J’étais manifestement soutenue par le message maternel d’indépendance, mais d’autres femmes de ma génération, en Bretagne, ont vécu ce scénario. Toutefois, j’ai souvent eu le sentiment d’avoir été privilégiée d’avoir ce rapport heureux à l’école et ce sentiment a joué un rôle dans mes engagements. J’ai souvent pensé que puisque que j’avais la chance de faire des études, il me fallait m’engager, me mettre au service des autres, et je pense que cette approche a compté quand je suis devenue représentante des élèves au lycée et des étudiants-es à l’université.
PLACE PUBLIQUE > À l’université de Brest qui se constituait ?
ANNIE JUNTER > J’ai eu la chance de faire mes études à l’école municipale de droit de Brest, qui dépendait de l’université de Rennes 1. Ces études de droit ont été une révélation ! Il y régnait une grande interdisciplinarité : nous faisions du droit en même temps que de la sociologie, de l’économie, de la gestion. Pour moi, c’était précieux de ne pas avoir à me spécialiser dès la deuxième année. Je pense que c’est ce qui a façonné mon attrait pour le droit social. J’ai été passionnée par mes études. En plus, pour les payer, j’étais auditrice de justice et je me rendais au palais de justice deux fois par semaine pour préparer les dossiers avec les magistrats et pour assister aux audiences. J’ai donc découvert en même temps la théorie juridique et la pratique. J’ai très vite compris que la recherche m’intéressait, même si l’idée m’effrayait par ce que je n’étais pas préparée culturellement et socialement à l’idée que je pouvais devenir professeure des universités.
PLACE PUBLIQUE > La lutte des femmes pour la liberté de la contraception et de l’avortement se déroulait à cette même période. Qu’en pensiez-vous ?
ANNIE JUNTER > À cette époque, c’est-à-dire entre 1970 et 1974, je n’ai pas été militante dans les associations féministes pour l’avortement et la contraception. J’étais au Lycée en 1968 et comme les autres de ma génération j’ai contesté l’autorité, j’ai passé mon bac en 1971 à Brest. Mes luttes à l’université portaient sur « vivre et étudier au pays ». Notre école municipale de droit dépendant de Rennes, nous faisions grève et manifestions chaque année pour obtenir une vraie faculté intégrée à l’UBO. Pour la plupart d’entre nous, issu de familles aux revenus modestes, c’était la condition pour faire des études. Je suis arrivée à Rennes en 1974 pour faire mon DES de droit privé (actuel DEA). Je n’y connaissais personne, je venais de perdre ma mère et j’ai noyé mon chagrin dans les livres à la bibliothèque universitaire de la place Hoche et à la Faculté de droit.
PLACE PUBLIQUE > Ce projet s’est concrétisé par une thèse en droit social? Comment en êtes-vous devenue « féministe » ?
ANNIE JUNTER > Ma rencontre avec le féminisme est née du choix de mon sujet de thèse et donc de ma passion pour l’égalité. C’est en travaillant sur « la condition juridique des femmes au travail » que j’ai croisé les inégalités entre les femmes et les hommes. Plus j’avançais dans mon travail et plus je ressentais le besoin de justice qui est le motif central du féminisme. Mon sujet de thèse s’est imposé à moi, à l’occasion d’une formation que je dispensais aux femmes victimes de violence à la Maison de quartier de Villejean, à Rennes. J’enseignais à l’IUT depuis 1975, à peine mon DEA soutenu, et dès 1977, j’avais noué des contacts avec des collègues de Rennes 2 dont Jean-Pierre Cheminant qui m’avait proposé quelques cours. Je devais présenter à ces femmes du foyer Brocéliande les rudiments des droits sociaux lorsque l’une d’elle m’interpella vivement en me disant : « C’est bien joli votre livre rouge (le code du travail), mais où sont les femmes là-dedans ? ». Je ne m’étais jamais posée la question en ces termes et j’ai passé ma nuit (et beaucoup de temps ensuite !) à parcourir les articles du code – où les femmes n’apparaissaient qu’aux entrées « grossesse » et « allaitement » - pour finalement décider que je tenais là le sujet de thèse dont j’étais en quête. J’ai mis un an avant de trouver mon directeur, le professeur Paillusseau. De nombreux professeurs avaient décliné l’offre estimant que le sujet n’était pas assez juridique. Cependant, j’ai pu finaliser mon projet et soutenir en 1981, une thèse d’État devant un jury dont j’avais obtenu qu’il comporte au moins une femme. Il s’agissait d’Évelyne Sullerot, et non de Françoise Giroud, que j’aurais préférée car elle avait défendu, comme secrétaire d’État à la condition féminine, des offres de révision du code du travail qui correspondaient à mon propos.
PLACE PUBLIQUE > Que contenait votre thèse ?
ANNIE JUNTER > Ma thèse consistait à démontrer que la condition juridique des femmes au travail était subordonnée à leurs fonctions sociales d’épouse et de mère et qu’il convenait que le droit au travail consacre désormais les femmes comme travailleuses à part entière. Je préconisais l’adoption d’un texte sur l’égalité professionnelle, inspiré par le droit communautaire et international. Après ma soutenance en 1981, tout est allé très vite : un ministère du Droit des femmes a été créé, un projet de loi sur l’égalité professionnelle s’est fait jour (1983) : je ne pouvais pas rester en retrait, quand Yvette Roudy m’a proposé de participer au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle et de présider la commission de révision de la législation particulière de code du travail, j’ai accepté avec enthousiasme (1983-1986)
PLACE PUBLIQUE > Une chaire d’études féministes et sur les femmes a donc été créée à l’université Rennes 2. Comment vous y êtes-vous impliquée ?
ANNIE JUNTER > En 1982, un grand colloque fondateur sur les études féministes a eu lieu à Toulouse Le Mirail et dans la foulée le Cnrs a mis en place un axe thématique programmé de recherche sur le sujet. La ministre Yvette Roudy et Jean-Pierre Chevènement, le ministre de l’Éducation nationale ont eu l’idée de créer des chaires d’études féministes et sur les femmes dans les universités sur le modèle des women’s studies américaines. Quatre étaient prévues, trois ont été créées dont une à l’université Rennes 2 adossée à un poste de maître de conférences en droit privé et sciences criminelles (1985). L’annonce en a été faite en avril 1984, quand Yvette Roudy est venue à Rennes 2 clôturer le cours que je donnais en maîtrise AES sur l’égalité professionnelle. Il y avait juste un petit problème à régler, j’étais déjà jeune maître-assistante à l’Iut et il fallait obtenir une mutation pour pouvoir intégrer ce nouveau poste. C’était la guerre froide entre les deux universités, ma mutation de Rennes 1 à Rennes 2 a été refusée et j’ai dû repasser par toutes les procédures de recrutement locales et nationales. Ce fut un moment assez éprouvant, mais j’ai bénéficié d’une grande solidarité dans et au-delà des murs de l’université. J’ai été accueillie avec beaucoup de chaleur par les pionniers du département Aes (Administration économique et sociale) (Alain Even, J.-M. Lucas, J. Le Nay, J. Clatin…) – je parle au masculin car il n’y avait pas de femmes dans ce groupe – qui était obsédé par l’idée d’ouvrir l’université sur la ville. Ils étaient des puits de culture, connaissaient la loi de réforme de l’enseignement supérieur par coeur, étaient des pédagogues avertis, détestaient les mandarins universitaires et avaient une idée fixe : faire venir à l’université toutes celles et ceux qui jusque-là n’avaient pas eu cette chance et, pour ce faire, ils avaient mis en place une sorte de procédure de validation des acquis avant l’heure. Je me suis plongée avec délice dans cette effervescence et j’ai appris à leur contact la gestion des projets et l’art de faire cours.
PLACE PUBLIQUE > À partir de là, quel est votre cheminement?
ANNIE JUNTER > Dans mes premiers cours sur l’égalité professionnelle à Rennes 2, la moitié du public était des militants- es d’associations, des Cidf, des syndicats, des salariéses en reprise d’étude. C’était très remuant et très formateur. Dans ce contexte, j’ai eu une énorme liberté de faire, d’innover, de créer des cours, des actions de formations, des universités d’été, des projets culturels, etc. J’ai pris la responsabilité du tout nouvel Institut des sciences sociales du travail de l’Ouest de 1985 à 1995, destiné à former les syndicalistes de Bretagne tout en multipliant les projets pour faire vivre la chaire jusqu’à cette expérience toute récente (2012) de création d’un Diplôme numérique interuniversitaire d’études sur le genre entre les universités de Rennes et de Brest qui montre le chemin accompli : ce nouveau diplôme concrétise le processus d’institutionnalisation des études sur le genre en France, héritières des études féministes et des chaires créées en 1985.
PLACE PUBLIQUE > Les difficultés n’ont pas manqué dans votre parcours, avec cette éternelle suspicion de militantisme ?
ANNIE JUNTER > Effectivement, je crois pouvoir dire que j’ai beaucoup travaillé depuis près de 40 ans, assurant avec passion et sans compter tous les aspects de ce métier : la formation initiale qui m’a procuré d’énormes plaisirs ; la formation continue qui m’a rendue très pédagogue et permis de mesurer l’utilité sociale du savoir ; la recherche dans laquelle je me suis plongée avec délice. À l’aube de ma fin de carrière, je me sens quitte vis-à-vis de l’institution qui m’a permis de vivre bien. Mais je peux aussi m’autoriser à dire que j’ai le sentiment qu’elle ne m’a pas reconnue comme elle aurait dû le faire. Je suis persuadée – et je pourrais d’ailleurs le démontrer assez aisément – que mon objet de recherche n’a pas été pour rien dans cette carrière inaboutie. Certes, il y a en en droit comme en économie, gestion et sciences politiques des règles spécifiques inadaptées et particulièrement inéquitables par rapport aux autres disciplines de sciences humaines et sociales pour devenir professeur-e, mais à chaque fois, que j’ai eu besoin de passer par mes pairs pour franchir les étapes professionnelles, j’ai été confrontée à l’obligation de justifier la légitimité de mon objet de recherche. En fait, on met en avant l’interdisciplinarité et sa prétendue incompatibilité avec les particularités de la discipline juridique, mais en réalité, c’est l’objet lui-même qui dérange. Je ne connais pas d’objet de recherche qui soit aussi suspect a priori. Il se trouve toujours quelqu’un pour renvoyer à la dimension militante, y compris encore aujourd’hui alors que les études sur le genre sont en plein développement en France et dans le monde. Le moment le plus éprouvant fut la soutenance de mes travaux en vue de la préparation de l’agrégation de droit privé de l’enseignement supérieur en 1994, ce fut une véritable épreuve de discrimination au sens donné par le droit du travail d’aujourd’hui, mais il était alors impensable de le suggérer. Tous les chercheurs-es sont engagés dans leur sujet, mais il y a toujours une dimension subversive dans cette question de l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est mon objet de recherche qui a fait de moi une femme engagée.
PLACE PUBLIQUE > C’est ce qui a été récompensé par les hautes distinctions que vous avez obtenues (NDLR : Annie Junter a été décorée de l’Ordre du mérite en 2006 et de la Légion d’honneur en 2010).
ANNIE JUNTER > Les distinctions sont des symboles de reconnaissance délivrés par l’autorité publique. Or il me semble incohérent de vouloir l’égalité, sans en vouloir les symboles. Par ailleurs, il faut que des personnes se mobilisent pour obtenir la reconnaissance de vos mérites et cela m’émeut beaucoup de savoir que des femmes engagées ont mené ce combat pour moi. Je leur suis très reconnaissante et je suis très fière de ces distinctions qui m’honorent. Cela dit, je sais bien que c’est mon engagement pour les droits des femmes qui ont été récompensés à ces occasions et ces honneurs ne se substituent pas à la promotion professionnelle.
PLACE PUBLIQUE > Justement, cet engagement, vous l’avez mis au service des acteurs publics ?
ANNIE JUNTER > J’ai eu la culture du partage en héritage et j’espère l’avoir transmise à mes deux enfants et continuer à le faire auprès de mes trois petits-enfants. De même que je m’étais consacrée autant à la formation des adultes qu’à celle des jeunes à Rennes 2, je me suis orientée vers des recherches sur l’égalité : j’ai voulu faire vivre la chaire dans des projets interdisciplinaires enracinés dans la vie des femmes et des territoires. J’ai très tôt essayé et parfois réussi à rendre ces projets éligibles aux programmes européens sur les droits des femmes. J’ai été représentante du conseil supérieur de l’égalité professionnelle au comité consultatif européen d’égalité des chances à Bruxelles (1984-1986). Je suis fière d’avoir participé modestement à ce laboratoire extraordinaire des droits des femmes et de l’égalité qu’a été et continue d’être le droit communautaire. Je suis d’ailleurs honorée d’avoir été lauréate d’une bourse Jean Monnet à l’Institut universitaire européen de Florence en 1995 pour mes travaux sur le temps des femmes. C’était passionnant de rencontrer des chercheurs du monde entier avec comme seul enjeu de partager nos travaux respectifs. Ces six mois ont été un régal intellectuel au cours desquels ma pensée de l’égalité a beaucoup progressé. J’ai eu une autre expérience passionnante auprès de l’ancien ministre Anicet Le Pors: de 2000 à 2005, j’ai participé au comité de pilotage pour l’égal accès des hommes et des femmes aux emplois supérieurs des fonctions publiques. Nous y avons disséqué les mécanismes de déploiement des inégalités dans les fonctions publiques et fait des propositions, dont il faut convenir qu’elles n’ont que peu inspiré la lutte contre les inégalités, mais il ne faut pas désespérer des projets sont en cours qui pourraient les faire resurgir. J’ai également assuré deux mandats à l’Observatoire de la parité (2006-2012), au cours desquels je me suis impliquée dans la réforme des retraites pour tenter de limiter les dégâts sur les droits des femmes de ce projet. J’y ai aussi défendu la nécessité d’un encadrement du travail à temps partiel qui est une trappe de pauvreté pour les femmes. L’Observatoire est aujourd’hui remplacé par un Haut conseil à l’égalité et j’espère que son rôle et ses propositions seront mieux entendus et suivis d’effet.
PLACE PUBLIQUE > Vous avez privilégié une action forte en Bretagne ?
ANNIE JUNTER > Je me suis beaucoup investie dans la recherche contractuelle, dès ses premiers pas à l’université, pour répondre à la demande sociale qui s’exprimait en Bretagne : avec le rectorat de Rennes, pour former les personnels à la question de l’égalité entre garçons et filles dans le système d’enseignement (1984-1989) ; avec la direction régionale du travail (1984) ; à la suite d’une demande d’études formulée par la Ville de Lorient et l’association Femmes citoyennes sur Les chômeuses et les femmes en entreprises (1986-1989) et aujourd’hui avec la DIRECCTE pour accompagner les entreprises dans la mise en oeuvre des nouvelles dispositions relatives à l’égalité professionnelle. Parmi les très nombreux contrats que j’ai dirigés, je distinguerai particulièrement celui que j’ai mené pour la Ville de Rennes, après ma rencontre avec Anne Cogné, conseillère municipale, qui m’a convaincue de la nécessité d’une étude sur Les femmes cadres à la ville de Rennes (1991) (NDLR, lire l’article publié dans ce même numéro de Place Publique). Cette aventure a duré plus de dix ans et s’est poursuivie avec d’autres collectivités territoriales (la Région Bretagne, Cesson-Sévigné en 2010, le conseil général des Côtes-d’Armor en 2012) et avec les services déconcentrés de l’État. La Bretagne est ma terre d’attache, j’ai l’impression de l’avoir labourée dans tous les sens pour accompagner des femmes et des hommes à chausser les lunettes de l’égalité. J’y ai rencontré des femmes extraordinaires : des militantes d’associations, des syndiquées, des professionnelles de l’agriculture, des entreprises, des administrations locales et de l’État, des élues qui m’ont accordé leur confiance, qui ont accordé du crédit à mes travaux et avec lesquelles j’ai noué de fidèles partenariats autour et pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Je leur ai beaucoup donné mais elles m’ont aussi beaucoup appris. Ce qui me réjouit ces dernières années, c’est de voir de plus en plus d’hommes assister aux conférences et s’engager dans ces démarches. Les intérêts des femmes et des hommes pour l’égalité ne sont pas symétriques, les rapports de genre sont des rapports de domination, mais plus ils se forment, plus ils apprennent à repérer les inégalités et déconstruire les discriminations sexistes, plus ils seront en mesure de participer à la lutte contre les stéréotypes.
PLACE PUBLIQUE >Vous arrivez au terme de votre carrière universitaire. Selon vous, quels grands thèmes de recherche devront faire l’objet des recherches à venir ? Et pour quels combats ?
ANNIE JUNTER > Je suis convaincue que l’égalité est une valeur, un objectif et un droit qui relève de l’évidence dans une démocratie. C’est un idéal politique et philosophique important socialement, même s’il subsiste toujours dans l’égalité quelque chose d’insaisissable à définir. Il faut veiller sur les acquis des droits des femmes, ils sont encore très fragiles et il faut explorer avec audace de nouvelles problématiques : l’intersection genre, classe, race ; le genre du droit reste à investiguer, de même que le genre de la fiscalité… Je me réjouis de l’existence d’une jeune recherche féministe notamment regroupée au sein de l’association Efigies avec une section en Bretagne. Je suis préoccupée par l’avenir de la chaire que j’occupe, mais sa reconnaissance le 7 décembre 2012 dans le contrat territorial d’égalité signé entre l’État, la Région et la Ville de Rennes comme un point d’appui pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’enseignement supérieur en Bretagne m’a redonné de l’espoir. J’ignore quelle forme cela prendra, mais je vais essayer d’accompagner la relève, avant de me retirer à Buguélès.