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Initiatives urbaines
#34
Biopôle : l’incubateur se fait signal urbain
RÉSUMÉ > Livré en juillet 2014, le Biopôle s’inscrit comme un signal fort en direction des sciences du vivant. C’est le premier outil de ce type mis en oeuvre par Rennes Métropole. Située au coeur de la zone d’activités Rennes Atalante-Champeaux, cette pépinière d’entreprises d’un nouveau type hébergera à terme une dizaine de start-up. Un travail mené de concert par Rennes Métropole, le maître d’ouvrage, son mandataire Territoires & Développement et le lauréat du concours d’architecture, Périphériques – Jumeau AFJA.

     Une architecture singulière pour des activités exemplaires : par son inscription dans le paysage, le Biopôle s’annonce d’emblée comme un outil d’exception. À terme, l’unique pépinière d’entreprises de Rennes Métropole dédiée au secteur d’activité de l’agro-santé-environnement devrait accueillir une dizaine d’entreprises et créer une cinquantaine d’emplois.
    « Nous avions plusieurs propositions d’installation : à Pau, Lille, Lyon ou Compiègne… Pour développer notre société, nous éloigner de Rennes posait problème. Nous entretenons des rapports très étroits avec l’École nationale supérieure de chimie de Rennes », explique Frédéric Caijo, dirigeant du groupe Omega Cat System, associé à Marc Mauduit, directeur de recherche au CNRS. Le docteur en chimie organique franchit le pas du privé, l’ENSCR jouant le rôle d’incubateur. La société est officiellement créée en 2010. « En dépit du petit nombre d’entreprises de chimie implanté localement, on l’oublie souvent, mais l’UMR de chimie est l’une des plus importantes en France avec quelque deux cents chimistes-chercheurs installés à Rennes », rappelle-t-il.
    Frédéric Caijo, qui recherche désormais des investisseurs, envisage l’avenir de la start-up avec optimisme, dans un secteur innovant : la fabrication et la commercialisation de catalyseurs de nouvelle génération, écocompatibles. « À l’aide d’une substance appelée catalyseur, le principe est de réaliser une réaction chimique pour accrocher deux molécules entre elles, offrant ainsi de nouvelles propriétés généralement utilisées en pharmacologie, en cosmétique ou dans la fabrication de nouveaux matériaux. » Didactique, le jeune dirigeant présente, preuves à l’appui, deux applications développées par Omega Cat System. La première est la réalisation de cire de bougie, inodore, à partir d’huiles de friture habituellement transformées en carburant. La deuxième est la fabrication d’une matière plastique légère et résistante aux chocs à partir d’un surplus de résidu pétrolier généralement brûlé.
    Jusqu’en décembre 2014, la start-up était hébergée au sein de l’ENSCR : « Il nous fallait bien lâcher la main de maman ! », s’amuse Frédéric Caijo. L’équipe de six salariés a rejoint un espace de 150 m2 de bureaux et laboratoires, au 2e étage du Biopôle. Une belle opportunité, d’autant plus que les besoins du groupe ont été pourvus pour son installation. « C’est bien pensé en termes de sécurité, avec un respect du secteur privatif. Ce qui n’empêche pas d’avoir des espaces communs, deux salles de réunion et une cafétéria ». Une façon de créer du lien entre les entrepreneurs.
    Rennes Métropole qui assure l’accompagnement des entreprises résidentes, a ainsi favorisé la mutualisation sur les contrats d’enlèvement de déchets ou la livraison des consommables. « Toutes les zones de stockage sont au rez-de-chaussée. Le bâtiment est fonctionnel, plutôt joli et agréable », commente Frédéric Caijo. Seul bémol, le parti pris très osé de la couleur jaune fluo, uniforme du sol au plafond dans les espaces mutualisés, laisse le scientifique dubitatif.

     Pour l’architecte Anne-Françoise Jumeau, ce code couleur référentiel jaune fluo, ponctué par un mobilier blanc, vise à créer un sentiment d’appartenance réelle à des lieux partagés par les résidents. Les plafonds en traitement miroir amènent de la lumière dans l’épaisseur du bâti par un principe réfléchissant. Celui-ci est repris pour le socle du bâtiment qui protège l’aire de stationnement. « Ici, nous avons l’impression d’avoir du soleil toute l’année ! », s’amuse Nathalie Maubon, présidente de HCS Pharma. Le traitement tonique des parties communes contraste avec la blancheur monacale des parties privatives.
    « Nous sommes les premiers à avoir rejoint la Biopôle, à la mi-septembre 2014 », explique la dirigeante. Les axes de recherche de sa toute jeune entreprise de trois personnes intéressent d’une part le développement de différents modèles pharmacologiques dans les domaines de l’oncologie et des neurosciences, telles que les maladies de Parkinson et d’Alzheimer, et d’autre part, la toxicologie, en particulier en hépatotoxicologie et en neurotoxicologie. « Nous produisons des services en recherche préclinique in vitro pour les industries pharmaceutiques. Nous développons des modèles cellulaires d’une maladie donnée, innovants et plus pertinents grâce aux nouvelles technologies d’imagerie cellulaire à haut débit et de culture en 3D. Ces modèles biologiques intéressent les centres de recherche et développement de l’industrie pharmaceutique, car cela leur permet de gagner du temps dans leur recherche et de découvrir des molécules plus efficaces contre cette maladie », explique Nathalie Maubon.
     Sans cette opportunité d’installation l’entreprise n’aurait pas hésité à s’installer dans le Nord, région d’origine de la présidente. « Ici, nous sommes très soutenus ». Pas de travaux à réaliser et des pièces dédiées à l’activité de la start-up, équipées de paillasses. Certains travaux supplémentaires pour l’installation d’une plateforme robotique ont même été pris en charge par Rennes Métropole. La start-up dispose de deux espaces de 60 m2 chacune, soit deux bureaux et trois laboratoires. « Nous partageons aussi deux salles noires, une laverie et un autoclave ainsi qu’un laboratoire avec un congélateur - 80° ». Autre avantage : « Le loyer est attractif et progressif. Avec un bail de six ans maximum, cela nous permet de bien nous développer avant d’envisager de faire construire ailleurs. »

Des entreprises accompagnées pendant six ans

     L’accueil de ces jeunes entreprises sous la forme d’une convention d’occupation temporaire sur du domaine public favorise avec souplesse une prise d’autonomie progressive qui n’existe pas dans le marché privé. Cette convention laisse la possibilité d’une reconduction jusqu’à six ans d’occupation, avec des tarifs qui évoluent chaque année pour tendre vers ceux du marché. Mais audelà d’un simple hébergement, Rennes Métropole souhaite accompagner ces créateurs d’entreprise tout au long de leur développement jusqu’à la sortie de la pépinière.
    La collectivité dispose de près de 9 000 m2 de locaux hébergeant sept pépinières d’entreprises. L’objectif est de faciliter la création d’entreprise, vecteur de développement de l’emploi sur la communauté d’agglomération par la diversification des activités. « Jusque-là, nous n’avions pas la capacité d’accueillir des activités spécifiques et innovantes dans le domaine des biotechnologies, identifiées sous un label plus large de vie-agro-santé-environnement. En tant que collectivité, nous devions intervenir assez rapidement pour concrétiser une démarche de stratégie économique dans ce secteur qui méritait un coup de pouce pour se développer. Un secteur d’activité où la rentabilité est plus difficile à atteindre que dans le numérique », précise Maryvonne Guilloux, responsable du Service entreprises et filières à Rennes Métropole.
    En amont, afin de mieux identifier les attentes, Rennes Métropole, avec l’appui de l’association Rennes Atalante, a mené une première étude d’opportunité et un travail comparatif avec des structures de ce type implantées à Lille ou Nantes par exemple. Un groupe de travail Sciences du vivant a été constitué, invitant des représentants d’entreprises et de centres de formation à réfléchir sur le concept.
    En 2007, le conseil de Rennes Métropole validait l’intérêt de réaliser un tel équipement spécifique composé de bureaux et de laboratoires répondant à des normes de confinement et de sécurité L1 et L2. L’étude de programmation et l’étude d’exploitation, achevées en 2009, permettaient de peaufiner le programme de cette structure techniquement complexe. « Nous avons identifié un volume bâti en adéquation avec les attentes du marché, mais aussi adapté à l’environnement du parc d’activités Atalante-Champeaux, site technopolitain retenu pour cette implantation », précise Maryvonne Guilloux. C’est bien la synergie avec les entreprises présentes sur le site qui est visée, en particulier avec le domaine agroalimentaire.

     Missionnée en 2010 par Rennes Métropole, via un mandat de réalisation, Territoires & Développement a disposé de quatre années pour mener à bien la construction du Biopôle. Le concours d’architecture lancé par la collectivité demandait de créer une image emblématique en réponse à l’activité spécifique du lieu, un concept différent au niveau architectural. L’outil proposé se devait d’être le plus flexible et adaptable possible. « Au-delà de la surface qui a été définie par rapport au marché. Il y avait des problématiques de remplissage et de gestion avec une double fonction de bureau et de laboratoire qui a entraîné des complexités techniques plus importantes. Nous devions être standards tout en étant spécifique. Chaque laboratoire est transformable en bureau et inversement pur répondre à un turn-over important », explique Sébastien Sauvaget, chef de projet Superstructure au sein de Territoires & Développement. Dans ce contexte, définir les surfaces les plus pertinentes et leur répartition entre bureaux et laboratoires n’a pas été une sinécure. Solution retenue : des entités et des sous-entités privatives, de 12,5 m2 ou de 25 m2 avec des couloirs de desserte. Une configuration des cellules entre elles peut offrir aux entreprises jusqu’à 100 m2 de surface. « C’est un travail d’écoute et de concertation que nous effectuons au fur et à mesure du remplissage du bâtiment », explique le chef de projet.
    L’accompagnement des nouveaux entrants avec la mise en place de leur équipement, les travaux et les suivis d’installation, sont réalisés par le service architecture et patrimoine de Rennes Métropole, garant de la bonne exploitation technique du bâtiment. Il doit tenir compte des contraintes particulières liées à l’activité de laboratoire qui nécessite une vigilance accrue en termes de sécurité, de continuité de service et de fourniture d’énergie. Cette maîtrise par la collectivité est unique dans les pépinières d’entreprises.