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Dossier
#29
Bretagne Mobilité Augmentée, activateur de solutions de proximité
RÉSUMÉ > À travers ses 19 démonstrateurs, Bretagne Mobilité Augmentée expérimente de nouvelles solutions de mobilité, en lien direct avec les personnes concernées, sur leur lieu de vie ou de travail. Cette démarche originale commence à produire des résultats encourageants. Cet article collectif, écrit par les responsables du consortium, fait le point sur la méthodologie mise en oeuvre. Il introduit la présentation détaillée de six démonstrateurs, dans des secteurs d’activité très différents.

     Bretagne Mobilité Augmentée (BMA) est un consortium d’acteurs créé en 2012 pour répondre à un appel à manifestation d’intérêt de l’Ademe dans le cadre du programme Véhicule du Futur. L’initiative a été retenue au titre des Investissements d’Avenir avec trois autres projets nationaux : Optimod pour le grand Lyon, Audace animé par la Maif, epartage conduit par PSA. BMA n’a pas pour objectif de réfléchir à une nouvelle politique publique de mobilité sur un territoire. Le programme n’a pas plus vocation de mettre sur le marché une nouvelle offre de mobilité. BMA a été sélectionné par l’Ademe pour mettre au point une méthodologie destinée à impliquer les usagers dans une réflexion pour envisager autrement leurs mobilités. Pour répondre à ce défi, BMA s’est structuré autour d’un réseau de démonstrateurs ou living labs (laboratoires vivants) représentatifs des problématiques de mobilité en Bretagne. Ce réseau qui mobilise très directement une centaine d’acteurs est accompagné par des experts qui fournissent un soutien méthodologique aux lieux de démonstrations. Ce sont des organismes de recherche, d’ingénierie, de formation et de conseil.

     Concrètement, le dispositif BMA est organisé autour de 19 démonstrateurs où sont expérimentées des solutions nouvelles de mobilité, avec les acteurs de terrain sur une période de trois ans. Ces « lieux de démonstration » ont pour fonction première de réfléchir au devenir des mobilités en partant de leur activité économique qui, par nécessité, génère des déplacements quotidiens. Deux constats guident la démarche. Le premier est que la mobilité telle qu’on la connaît aujourd’hui doit évoluer car elle coûte trop cher, pollue, impacte la vie des salariés, des clients et des étudiants, ampute le budget des ménages… En d’autres termes, bien qu’indispensable à la réalisation de nos activités, elle dégrade la qualité de vie, le bien-être… Il est donc urgent de changer. Second constat : la mobilité peut être envisagée comme un creuset d’innovation pour les organisations et les territoires. Elle peut constituer un puissant vecteur de changement et de création de valeur. En témoignent les évolutions portées par le commerce 3.0, entre Internet et expérience dans les magasins, les conceptions nouvelles des logements dans le périurbain et dans les gares qui intègrent d’ores et déjà des espaces de télétravail pour déporter les horaires de mobilité, voire pour les limiter sans pénaliser l’activité ordinaire des personnes.
    Sur un plan très opérationnel, l’enjeu consiste à impliquer dans les 19 démonstrateurs des volontaires, puis à déployer à plus grande échelle des solutions de mobilité, parfois innovantes, mais parfois banales.

     La démarche d’intervention des acteurs de BMA, qui a su séduire l’Ademe, est basée sur deux fondements. Le premier consiste à se donner les moyens de réfléchir non pas à partir des mobilités, mais de ce qui les génère. Autrement dit, la première étape vise, avant toute chose, à comprendre les activités quotidiennes, réelles, à l’origine des déplacements. Comment les individus font leurs courses ? Comment sont organisés les processus industriels d’une entreprise ? Comment se réalisent les métiers d’accompagnement d’une chambre de commerce ? Cela permet de bien différencier la mobilité de l’activité qui la provoque, car les deux sont la plupart du temps parfaitement imbriquées. Les individus se déplacent pour « faire quelque chose », et c’est souvent en modifiant cette finalité, que l’on peut changer sa mobilité. Une organisation peut repenser ses horaires de travail par exemple, ou un territoire faciliter la mise en place des systèmes de livraison et de dépôts de courses.
    Second fondement : la coconstruction, avec les usagers, de solutions expérimentées puis améliorées pour être ensuite déployées à plus grande échelle. Une fois que l’on a décrit pourquoi et comment les individus se déplacent, les infrastructures utilisées et leurs limites, ainsi que les trajectoires de développement de l’organisation, les acteurs sont placés autour de la table, pour partager les enjeux et construire ensemble la solution susceptible de se substituer à la pratique précédente. Ces acteurs, porteurs d’un nouvel usage ou d’une nouvelle pratique, seront ensuite des relais, des leaders d’opinion, des ressources, des offreurs de solutions potentielles auprès des autres usagers. Le souhait est qu’ils soient alors « auteurs » des solutions et des nouvelles activités qu’ils défendront auprès de leurs pairs.

     Pour garantir l’appropriation du changement au sein du « démonstrateur », ces deux phases sont déterminantes. Partir de ce que font les gens, c’est se donner les moyens d’envisager des solutions adaptées à leurs besoins. Associer les personnes à la mise au point des solutions envisagées relève d’un mode participatif permettant la prise en compte du point de vue de chacun et assurant une appropriation naturelle de la solution coconstruite. Les auteurs de la solution mise au point deviennent alors les meilleurs ambassadeurs du changement envisagé. De ce point de vue, BMA est une opportunité pour développer une compétence collective de transformation des activités économiques, sociales, et d’accompagnement du changement sur les territoires, les entreprises, pour tendre vers une mobilité plus durable, plus écologique. La mobilité devient ainsi un levier au service du changement, c’est-à-dire de l’innovation globale dans l’entreprise ou le territoire. L’ambition n’est pas de chercher à créer ou décliner une politique publique, encore moins d’inventer des solutions de transport… mais bien de rendre possible le changement dans des lieux où la mobilité était, jusquelà, au mieux une préoccupation implicite.

     L’expérience acquise permettra le développement d’un système d’aide à la décision pour toute entreprise ou territoire cherchant à redéployer sa mobilité. Ce système se verra enrichi d’une offre de formation destinée aux professionnels pour rendre possible l’introduction et le déploiement des services et solutions nouvelles de mobilité. Une méthodologie d’accompagnement du changement à partir d’incitatifs économiques, sociaux, informatifs et organisationnels complétera cette boîte à outils. Enfin, l’expérience BMA permettra de répondre à l’un des deux objectifs du plan Véhicule Vert Bretagne piloté par le Conseil Régional : faire de la Bretagne un laboratoire vivant et permanent pour organiser, expérimenter et évaluer des nouvelles solutions de mobilité.