<
>
Initiatives urbaines
#24
RÉSUMÉ > Marc Dumont est maître de conférences en aménagement urbain. Il est membre du laboratoire Eso-Rennes (Université de Rennes 2) et du Laboratoire LAUA (École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes). Il est membre du comité de rédaction de Place Publique Rennes.

Les villes ne cessent décidément de se réconcilier avec la nature, avec des expériences pour le moins peu habituelles. Paris s’est ainsi mis aux moutons jardiniers, la ville expérimentant l’éco-pâturage sur un terrain de 2 000 m2 en friche, appartenant aux Archives de la ville. Des moutons d’Ouessant, choisis pour leur résistance et leur petite taille, y remplaceront tout l’été les tondeuses, l’objectif de la mairie est d’évaluer la faisabilité en milieu urbain dense de cette technique permettant de limiter l’usage d’engins mécaniques, sources de bruit et consommateur de carburant, et de produits phytosanitaires. En cas de résultats probants, d’autres expérimentations pourraient suivre, dans les bois de Vincennes et de Boulogne.

Même démarche à Saint- Brieuc, qui met ses chèvres au travail! Pour défricher les coins les plus difficiles d’accès, l’agglomération a recours à quelques caprins plus habiles. Un marché a ainsi été passé avec l’entreprise Danved & Co, créée par un ancien de la marine marchande, Laurent Bonnaïs, qui propose de louer ses chèvres pendant de courtes périodes. En ce moment, une quinzaine d’entre elles se trouvent dans un bassin de récupération hydraulique, dans un quartier pavillonnaire de Plédran, après avoir défriché l’ancien tunnel ferroviaire de Cesson (à Saint-Brieuc) et les pentes abruptes des falaises de Saint-Laurent à Plérin. Il faut dire que les chèvres broutent tout sur leur passage, qu’elles ne font pas de bruit, et que l’on n’a pas besoin de récupérer l’herbe après la tonte.

C’est un drôle de petit nuage, qui est venu se poser sur les toits de Paris au mois de mai. Installé précédemment à Bordeaux, le Nuage est un habitat écologique autant qu’une oeuvre d’art qui a pris place au-dessus du canal Saint-Martin, sur le toit du Point éphémère. Il est conçu par le groupement Zebra3/Buy-Sellf, et porté par la Communauté urbaine de Bordeaux. Clin d’oeil à l’architecture utopique, entourés de bambous et de pelouse synthétique, sans eau ni électricité, le « Nuage » offre de vivre une expérience inédite à la croisée du camping sauvage et du refuge de montagne. Le nuage a donc atterri au-dessus du Point éphémère, célèbre salle de concerts parisienne et lieu d’expositions. Chacun pouvait y accéder gratuitement après avoir réservé, naturellement, offrant à quiconque de quoi vivre une expérience rappelant le camping sauvage improvisé et les nuits à la belle étoile.

Avez-vous déjà vu un éléphant rose en ville? Oui, c’est désormais possible à Marseille où il est difficile de manquer le nouveau parking de l’aéroport Marseille-Provence, tout en courbes et… de couleur rose ! Inauguré en avril dernier, il est l’oeuvre du constructeur Gagnepark et de l’agence d’architecture Sud. Réalisé en moins de six mois, le parking P7 propose 1 400 places. Les façades du parking ont été habillées d’une peau toute rose en acier inoxydable perforée, lisse et monolithique à l’échelle du bâtiment. Une même veine de couleurs poursuivie ici encore par Saint- Brieuc où la vieille cité Waron a été colorée avant d’être détruite, accueillant une première grande opération de « street art » dont l’objectif était d’accompagner les habitants pendant l’opération de la destruction des tours en leur apportant un peu de gaieté.

Le téléphérique urbain, une voie d’avenir?

Les téléphériques sont-ils un effet de mode ou bien annoncent-ils un bouleversement dans les mobilités urbaines? On peut se le demander déjà en France où quatre villes ont lancé une réflexion sur un transport urbain par câble aérien (télécabine ou téléphérique): à Toulouse, Brest, Grasse et Grenoble, le câble est envisagé pour éviter des obstacles (cours d’eau, autoroute, voie ferrée, fossé) en limitant les coûts par rapport à la construction d’un métro ou d’un tramway. En Suisse, où le nombre de téléphériques/ télécabines par habitant est le plus élevé au monde, paradoxalement, aucune ville majeure ne dispose actuellement d’un transport public par câble aérien. Explication: le savoir-faire suisse dans ce domaine reste cantonné à la montagne. Il est vrai qu’en Asie, à New York ou en Amérique latine, le choix du transport public aérien a souvent été dicté par une urbanisation dense à l’extrême, un sous-sol encombré par le métro ou inutilisable pour cause de nappe phréatique.

Bordeaux et Marseille pensent au câble

Qu’à cela ne tienne : encore en France, ce sont désormais Marseille et Bordeaux qui commencent à y réfléchir. A Bordeaux, le maire de Mérignac, Michel Sainte-Marie souhaiterait relier par câble l’aéroport et le terminus de la ligne A du tramway bordelais. Plusieurs scénarios ont été envisagés depuis quelques années, pour connecter la Gare Saint-Jean et l’aéroport de Bordeaux Mérignac, sans pour autant aboutir. En effet, pour rejoindre l’aéroport, il faudrait notamment rallonger la ligne A du tramway entre le centre-ville de Mérignac et le site de l’aéroport situé de l’autre côté de la rocade. Soit environ 4 kilomètres pour lesquels les emprises seraient a priori déjà réservées. Cette solution connecterait l’aéroport à une ligne non directe jusqu’à la gare, traversant tout de même Bordeaux et desservant notamment l’hôpital, le stade et la mairie. À Marseille, c’est entre le Vieux Port et la basilique Notre-Dame-de-la-Garde que la municipalité songerait à implanter un téléphérique. Lorsqu’on sait qu’un kilomètre de tramway coûte deux fois plus qu’un kilomètre de transport par câble, on se dit que le projet a toutes les chances de voir le jour!

Voilà un projet étonnant porté par plusieurs chercheurs américains, qui vise à rendre l’éclairage urbain obsolète au profit de plantes « bioluminescentes ». Baptisé « Glowing plants », ce projet des plus sérieux vise à créer des plantes bioluminescentes capables d’éclairer les rues de nos cités. Et ce, en greffant au plantes la capacité d’émission de lumière que possèdent certains organismes comme la luciole par exemple. Les trois « biohackers » ont ainsi réalisé une première tentative fructueuse sur un plant « d’Arabidopsis »: après plusieurs manipulations génétiques, la plante est ainsi devenue lumineuse. Pour l’instant cette petite plante proche du chou n’est pas assez intense pour remplacer une ampoule électrique ou un néon. Pour financer le projet, l’équipe s’est notamment tournée vers la plateforme de financement collaboratif kickstarter. Une réussite puisque près de 388 000 dollars ont d’ores et déjà été collectés sur un objectif initial de 65 000!

Les opérations de réhabilitation tirent plutôt bien leur épingle du jeu de la conjoncture actuelle et pas seulement dans les grandes agglomérations. En témoigne le lancement de nombreuses opérations ces derniers mois, ainsi à Bruay-La-Buissière sur la plus ancienne cité minière du Nord-Pas-de-Calais, récemment classé au patrimoine mondial du l’Unesco. La « Cité des électriciens » se compose d’une quarantaine de petites maisons mitoyennes en brique, le long de ruelles baptisées Faraday, Edison, Branly, Laplace ou Gramme… Sur place, les modestes maisons d’ouvriers mineurs sont « dans leur jus », insalubres et inhabitées depuis des années, pas très attirant pour des touristes. Artois Comm, l’agglomération de Béthune-Bruay, avec le soutien de la région, imagine un avenir touristique et artistique à cette emprise de 6 000 m² aux sept barres de maisons construites à partir de 1856. Un marché de maîtrise d’oeuvre a été attribué à un groupement mené par Philippe Prost. Le programme consiste à accueillir des artistes en résidence sur un tiers du site, à loger des touristes dans des gîtes d’accueil créé en maison minière, à réaliser un espace d’exposition mais aussi à réhabiliter certaines bâtisses à vocation de logement social. Le tout pour un coût de 15 millions d’euro. Réhabilitation en vue également, mais de moindre ampleur, à Brest où un projet ressort des cartes pour les halles Saint-Louis. Après deux défections d’enseignes « locomotives », le promoteur (la compagnie de Phalsbourg) vient d’annoncer un nouveau départ avec le dépôt d’un dossier « en blanc » (sans enseigne en vue) auprès de la commission départemental d’équipement commercial. Si tout se passe bien, les nouvelles halles verront le jour mi 2016.

La compétition pour la ville qui disposera de la plus grande tour pourrait bien démarrer en France, pays encore bien réticent à la grande hauteur. Incity, une tour verte de 200 mètres est ainsi mise en chantier à Lyon, dans le quartier d’affaires de la Part-Dieu. Le promoteur Sogelym Dixence a investi 250 millions d’euros dans ce projet caractérisé par ses ambitions environnementales. Incity vise des performances environnementales poussées: la certification HQE mais aussi Breeam, jamais obtenue jusque-là en France. Une des difficultés tient à son intégration au voisinage immédiat des halles de Lyon, l’obligeant entre autres choses à limiter la lumière artificielle. Tout en respectant des critères drastiques d’économie d’énergie, la tour s’offrirait le petit plaisir d’être mise en lumière du plus beau vert dès la nuit tombée…

À Nantes, une nouvelle tour en projet de (seulement) 40 mètres pointe son nez. Cette tour mixte de bureaux, logements et activités a été dessinée par les architectes parisiens Hondelatte-Laporte, et va être réalisée par promoteur nantais Réalités sur le site de l’île de Nantes. Comment la tour va-t-elle pouvoir s’implanter dans un espace plutôt de faible hauteur à l’exception notable de la tour Bretagne? En l’insérant sur la partie sud de l’Île de Nantes : à l’articulation de grands ensembles et de sites industriels, ce quartier de l’Île de Nantes est en plein renouvellement avec d’autres projets immobiliers d’envergure comme celui de Bouygues Immobilier et Harmonie Habitat ou d’ADI. Originalité: pour respecter les nouvelles normes parasismique, un seul niveau de sous-sol a été creusé tandis qu’un vide intermédiaire situé au-dessus des deux niveaux du socle d’activités, accueillera un parking aérien. Pour les deux tours, livraison fin 2015!

À Grenoble, une plate-forme pour aider les personnes en précarité énergétique a été mise en place par la Ville alors qu’une étude révélait récemment que 11% des Français avaient eu des difficultés à payer leur facture d’électricité. Face à cela, la ville a pour objectif en 2013 d’accompagner financièrement 300 ménages en leur octroyant, après l’examen de leur dossier, une aide ponctuelle pouvant aller de 300 à 1 500 euros. Un numéro de téléphone met en relation les usagers avec des professionnels qui les aideront à trouver des solutions pour réduire leur consommation. Des diagnostics à domicile gratuits, des conseils sur les travaux à réaliser ou encore un accompagnement sur la gestion du budget figurent au programme du dispositif. La précarité énergétique est définie par l’Insee comme le fait de consacrer plus de 10 % de ses revenus à sa facture d’énergie, ce qui concernerait 3,8 millions de foyers.

La région parisienne va s’offrir un complexe commercial géant supplémentaire, pensé par BIG. La fameuse agence danoise d’architecture Bjarke Ingels Group (BIG) élaborera le master plan du projet Europa City, un complexe implanté au coeur du Triangle de Gonesse (Val d’Oise), à proximité de l’aéroport de Roissy, et qui regroupera commerces, hôtels, équipements culturels et de loisirs. Les premiers travaux pourraient démarrer en 2017. Immochan, filiale immobilière du groupe Auchan en est le promoteur principal. Europa City est conçu comme un quartier de ville, vivant, accessible, alliant centralité urbaine et paysage, ville dense et paysage ouvert. Sur une emprise de 80 hectares, le projet développera sur près de 700 000 m2 de surface construite : 50 000 m2 d’équipement culturels (une grande halle d’exposition, deux salles de spectacles, une autre dédiée au cirque…), des espaces de loisirs (un parc à neige avec une piste de ski indoor, un complexe aquatique…), environ 500 boutiques, une douzaine d’hôtels, des restaurants. Le site devrait être desservi par le RER D en 2020. Et l’investissement total est estimé à deux milliards d’euros.

Grand projet également à Monaco : la reconstruction de l’hôpital Princesse Grace pour 650 millions d’euros et l’extension en mer. Pour la reconstruction de l’hôpital Princesse Grace, après l’abandon du projet Iosis / Vasconi en 2010, la Principauté vient de retenir le groupement Aecom Limited. Le projet est considérable: treize ans de travaux sont prévus, pour sortir un hôpital du futur aux normes HQE avec des toitures et des murs végétalisés, des capteurs solaires en toiture, des pompes à chaleur fonctionnant à l’eau de mer, un chantier « vert », etc. Quant à l’extension en mer, stoppée en 2008 par le Prince Albert II lors du déclenchement de la crise, le projet va aussi être relancé avec un appel à candidatures auprès de groupements internationaux pour réaliser une nouvelle opération d’urbanisme en mer sur 5 à 6 ha dans la zone du Portier, à l’est de la Principauté. La vocation de ce futur quartier en mer sera principalement résidentielle avec des hauteurs de bâtiment limitées.