3 mai 2030, 8h30, mon réveil sonne. Je me lève et regarde par la fenêtre : devant moi, des espaces verts, bien agréables. Du 10e étage d’une des tours du quartier Colombier, je profite d’une large vue sur le paysage rennais. Les immeubles sont ronds, recouverts de panneaux solaires, et de jardins sur les toits. En bas, les navettes, les vélostar et les voitures coopératives circulent. Ç’en est fini de la voiture individuelle comme au temps de mes parents, aujourd’hui, c’est la solidarité qui prime entre habitants.
De nombreux animaux vivent à côté des immeubles: des petits lapins, des oiseaux en tous genres. Je les regarde gambader chaque matin; paraît-il qu’il y a vingt ans il n’y avait que des rats, des pigeons, des chats et des chiens errants.
« Bonjour Justin ». Victoria, ma colocataire, m’appelle pour me convier à déjeuner avec elle. Elle me regarde avec curiosité observer les rues vivantes de Rennes, déjà pleines de ses habitants. « Tu sais, moi j’ai connu l’arrivée des Vélostar, c’était bien avant le Vélib’ à Paris…» Grâce à elle, je suis incollable sur l’histoire du Pays de Rennes. Victoria, toujours en forme du haut de ses 86 ans, n’est par contre pas encore très à l’aise avec les outils numériques d’aujourd’hui. Je lui montrerai comment fonctionnent les nouveaux panneaux participatifs installés face à la gare Eurorennes qui va fêter ses quinze ans. Je pense que ça va lui plaire.
Après m’être préparé, comme 99 % des Rennais actifs, je pars au travail. Sur le chemin vers l’arrêt de bus, je croise Lucie, une bonne amie de Victoria, également à la retraite. Elle s’arrange souvent avec Marc et Éric, deux voisins, pour les taches du quotidien. Ce matin, apparemment, elle amène leur petit garçon, Thomas, à l’école. Ce soir, c’est d’ailleurs moi qui aurai la tache de le récupérer.
On croise souvent les mêmes personnes dans le bus et j’ai pris l’habitude de discuter avec une nouvelle voisine, arrivée depuis quelques mois dans la région: Samia. Originaire de Lyon, elle a vécu à Paris quelques années avant de se poser sur Rennes par envie. Depuis ses études, elle entend en effet parler de Rennes, de son incroyable transformation, qui renforce d’années en années son attractivité. Une fois, elle m’a dit avec un grand sourire: « les gens sont très chaleureux ici ». Ça m’a rendu encore plus heureux et fier de vivre dans l’agglomération de Rennes.
En arrivant au bureau, je retrouve Jean-Claude, mon tuteur, qui me suit depuis 2 ans dans l’entreprise d’écoénergie où je suis en alternance. Il me considère comme un employé à part entière et c’est très agréable. Il discute avec Kevin, plombier de formation, directeur d’une des cinq entreprises logées dans le même bâtiment. On apprend beaucoup en partageant le même espace de travail, il n’est pas rare de se donner des coups de pouces. On se connaît tous très bien puisque nous disposons d’une cuisine collective dans notre bâtiment.
Lumineux et naturel, le bâtiment dans lequel on travaille dégage une ambiance conviviale. Dans notre bureau, c’est très moderne, les sièges sont adaptés à notre dos, on ne voit plus de claviers ou de souris, il suffit de parler et automatiquement les ordinateurs enregistrent. Et j’arrive à faire des réunions avec des collègues un peu partout en Europe à travers mon mur vitré qui se transforme en écran au besoin.
Midi, je me prépare un sandwich maison dans notre cuisine commune et je vais faire un tour à la salle de sport du quartier… c’est important de se maintenir en forme, le tournoi de basket inter-entreprises est vendredi. Sur le chemin je croise Sarah qui va à son cours de cuisine… ses cakes sont un régal au bureau!
L’heure de pause se termine, et chacun repart à ses occupations. Pour ma part, je suis Jean-Claude. Ensemble, nous allons dans un collège de la ville faire découvrir notre métier aux jeunes collégiens. Une après-midi par semaine, les collégiens découvrent un métier ou un secteur. Cela leur permet de mieux pouvoir choisir ce qu’ils feront par la suite. L’intervention d’un professionnel permet aux collégiens de découvrir des métiers qui leur étaient parfois inconnus et qui se révèlent passionnants à leurs yeux. Si les élèves le souhaitent, leur collège propose de passer une demi journée dans l’entreprise qu’ils souhaitent pour découvrir de manière concrète un métier qui leur a été présenté.
Le collège n’étant pas très loin de chez moi, je saute sur un vélo et rentre pour finir mon après-midi de travail, ça ne pose aucun problème à mon patron. Jeudi soir, Jean-Claude m’invite ainsi que tous les autres collègues à fêter l’anniversaire de sa femme. C’est un peu une coutume dans notre entreprise de se retrouver après le travail, en ville ou chez l’un d’entre nous.
Après le travail, fini les téléphones, internet, tout le monde passe en mode déconnecté pour profiter des joies de la vie rennaise.
17 h, ma journée se termine, je descends de chez moi prendre le petit Thomas à l’école: direction le jardin collectif du quartier où se prépare un apéro pour accueillir les nouveaux voisins. J’aime beaucoup ces moments là, chacun met la main à la pâte, et l’ambiance est vraiment très conviviale.
Victoria et Lucie bavardent, tout en surveillant le bébé de Florian et Samia pendant que ces derniers arrosent les fraises du jardin partagé. Je vois de loin arriver les papas de Thomas, les bras chargés, sûrement des mises en bouche pour l’apéro de ce soir. Peu à peu, on commence à retrouver toutes les personnes du quartier sur la place commune, Jean-Claude, Kévin, Florian, Samia, Victoria et bien d’autres encore, chacun amène ce qu’il souhaite, c’est plus simple comme ça.
J’espère découvrir ce soir des spécialités culinaires concoctées par les nouveaux voisins, de leur région ou leur pays d’origine. Apparemment ils viennent du Laos. C’est toute une culture que je pourrai apprendre à mieux connaître dans les mois à venir. Pour ce soir, je compte également m’intéresser aux musiciens et exposants qui vont rapidement nous rejoindre, pour animer la place cette nuit…
4 mai 2030, la soirée est passée vite, il est 8h18 d’après mon réveil, qui n’a pas encore sonné. Le programme de ma journée est très riche. Nous nous rendons à Viasilva, une nouvelle Écocité rennaise en construction, en métro, puis sur Thorigné Fouillard, en covoiturage instantané. Nous apportons notre savoir- faire à des personnes en habitat groupé depuis 2010 souhaitant évaluer leur consommation énergétique, déjà faible, pour passer à l’énergie positive, c’est-à-dire produire plus d’énergie que l’on en consomme…
Fin de journée, je me dirige vers le panneau d’informations des transports afin de savoir à quelle heure passe la prochaine Api’navette. Il y a un grand concert organisé par des amis d’un autre quartier aux étangs d’Apigné, du coup on s’y retrouve tous.
Me voila arrivé aux étangs, la circulation est bien plus fluide depuis qu’on a limité les accès aux voitures. Je descends de la navette et là… surprise !!! En plus du concert, on vient d’inaugurer un espace culturel avec des activités sportives, des jeux aquatiques, un cinéma de plein air un peu plus loin, et même une exposition d’art contemporain! Je n’avais pas encore eu l’occasion d’y venir. C’est très réussi. Un copain m’a proposé de venir me défouler en faisant quelques pas de Capoeira pendant qu’il jouera des percussions. Ce ne sera pas la seule animation de la soirée. Du haut de mes 24 ans, je trouve quand même que l’esprit local est devenu depuis quelques années beaucoup plus coopératif, les élus laissent aujourd’hui avec facilité la place aux initiatives de tous, peu importe leur âge.
Samedi, on se retrouvera tous à Villejean, cet été c’est là que sont installés les « transats en ville ».
Pourquoi ne pas laisser place à la parole de jeunes citoyens volontaires sur les sujets qui font la spécificité des travaux du Codespar notamment la prospective territoriale? C’est ainsi que le bureau du Conseil de développement économique et social du pays et de l’agglomération de Rennes Codespar a proposé en avril 2012 à une quinzaine de jeunes volontaires aux profils variés, de répondre à la question suivante: quelle est votre agglomération rêvée en 2030?
Se saisissant de l’occasion qui leur était offerte, les participants âgés de 16 à 30 ans ont exprimé leur perception de la vie quotidienne dans le pays de Rennes. Ils se sont aussi projetés dans un avenir idéal sans oublier d’esquisser des propositions d’actions. Cela en trois séances.
D’abord le constat. Qu’est-ce que Rennes Métropole aujourd’hui? Est-ce « le métro »? « l’offre culturelle »? « la richesse associative »? « la vie étudiante »? Tous ces thèmes sont souvent revenus dans les propos. Les jeunes ont aussi parlé de leur quotidien dans les quartiers rennais, et exprimé leur scepticisme quant au fait que les élus locaux soutiennent toujours les mêmes événements et les mêmes équipements phares. Plus gravement, apparaît l’incertitude liée à l’insertion professionnelle et à la quête d’une stabilité d’emploi avec, parallèlement, la volonté d’y croire et de s’engager. Objectif de la deuxième séance: se projeter dans le futur, se lâcher dans l’utopie, la vie rêvée… Drôle de jeu! Il en ressort que dans l’idéal Rennes Métropole serait pour ces jeunes « harmonieuse ». Harmonieuse par sa fluidité, sa continuité architecturale, mais aussi dans les parcours de vie, professionnels et personnels. Harmonieuse également par le partage, la solidarité, le « faire ensemble ».
Retour à la réalité. Pour la troisième séance, les quinze participants proposent et priorisent des pistes d’actions, formulées ainsi:
- pouvoir choisir son avenir professionnel, l’anticiper, et s’y insérer en douceur
- allier valorisation de l’histoire locale et ambition urbanistique et architecturale
- réinvestir et développer l’état d’esprit convivial et culturel rennais dans l’agglomération
- donner les moyens d’être acteur plus que spectateur pour une vraie agglomération concertée
Au terme de ces trois étapes, les jeunes présentèrent leurs travaux devant le comité de pilotage chargé de la mise à jour du projet communautaire de Rennes Métropole. Cette opportunité fut une première. Mais le groupe-projet « jeunes et territoire » du Codespar ne compte pas s’arrêter là…