La Chine n’a décidément de cesse de nous étonner : après Dubaï, c’est maintenant en Chine que s’exporte la vogue de la reproduction in extenso des quartiers ou villes d’Europe, preuve s’il en est besoin que ceux-ci continuent de faire rêver. Un village autrichien (Hallstatt), classé au patrimoine mondial de l’Unesco, va être ainsi entièrement reproduit en Chine. Ni une ni deux, une étrange délégation étudiait centimètre après centimètre le village… jusqu’à ce que le maire s’en rende compte et alerte l’Unesco. Piratage ? Sur le plan légal, la copie de village semblerait autorisée, moyennant l’accord des propriétaires concernés de chaque édifice. C’est là où les choses se corsent. Si les cafés y semblent assez favorables, le cas des édifices liturgiques est lui plus litigieux : le prêtre catholique considère que son église n’est pas qu’une oeuvre d’art, mais aussi un monument à la gloire de Dieu, rejoint par son confère protestant…
À l’inverse, certains classements sont aussi fort encombrants comme pour la ville de Lions-en-Sullias, dans le Loiret, qui vient de demander la désinscription de son église à l’inventaire des monuments historiques à cause de l’excès de contraintes en matière de permis de construire et de rapports plutôt tendus avec l’architecte des Bâtiments de France. Celuici refusait systématiquement toute nouvelle construction dans le périmètre légal des 500 mètres, lequel englobe… quasiment toute la superficie du village de seulement 400 habitants. La procédure est en cours et s’orientera peut-être vers un « périmètre de protection modifié », plus restreint
Pour son plus grand bonheur, Rodez, chef-lieu de l’Aveyron, est perchée sur un piton rocheux, avec plus de 100 mètres de dénivelé entre les bas quartiers et la ville médiévale. Cette caractéristique pittoresque a malgré tout tendance à démotiver les amoureux de la petite reine. Comment, dès lors, imaginer un système de vélos en libre-service, surtout quand la population vieillit? La municipalité, soucieuse de l’environnement, vient donc de décider d’octroyer une subvention de 200 euros pour l’achat d’une bicyclette à assistance électrique, à retirer des impôts locaux pour tous les résidants (certifiés) de la commune! Qu’on se rassure, les actifs seront aussi concernés, policiers et agents municipaux en premier lieu.
Pourtant, le vélo va peut-être finir par passer de mode. On sait les encombrements impressionnants qu’ils produisent en Hollande, mais c’est maintenant une ville de Chine qui vient de les interdire. Raison? Trop silencieux… C’est donc le cas dans certaines parties du centre-ville de Shenzhen (sud). L’année dernière, en effet, les vélos (électriques) auraient été la cause de la 15% des accidents de la circulation, dont plusieurs dizaines de décès. La mesure est des plus sérieuses: amende de 21 € pour qui circule désormais en vélo, l’objectif étant d’encourager un report vers les transports collectifs. La difficulté prend une ampleur économique quand on sait que les vélos électriques sont par ailleurs l’outil de transport principal pour les entreprises chinoises de livraison express de marchandises aux ménages, livraisons qui verront ainsi leurs coûts augmenter. Il faut dire que pas moins de 500 000 vélos électriques circulent dans cette ville…
La ville de Skellefteå (71 000 habitants), au nord de la Suède est en train de devenir un lieu majeur de l’innovation en matière de technologies mobiles, au point de se rêver en petite Silicon Valley. Elle a lancé tout récemment un projet « Sense Smart City » avec des universités et centres de technologie, suivi par de multiples partenaires privés et publics, pour mener des recherches, encourager les expérimentations et développer des produits et services innovants dans le champ des Technologies de l’Information et de la Communication, le tout verni d’une couche de développement durable pour rendre la ville plus intelligente. Energie, trafic automobile, événements locaux, météo, tous les domaines touchant de près ou de loin à la vie de la cité sont potentiellement concernés. Par exemple, l’« e-Health station », permettra aux habitants de littéralement venir prendre leur pouls, voire de faire un bilan de santé et d’accéder ensuite à ces données directement via le web! Une autre expérimentation consistera à équiper certains foyers de compteurs d’énergie communicants pour suivre leur consommation énergétique. Et les habitants ont aussi la possibilité d’exprimer leurs doléances à partir d’une application mobile!
Certes, plus mesurée, Lannion ne s’en distingue pas moins en investissant Facebook. Fort peu satisfait des seulement 30 amis que comptait la page de la Ville, les élus ont décidé de passer à la vitesse supérieure, en organisant un « pique-nique numérique » sur le parvis de l’hôtel-de-ville. À l’heure de la pause déjeuner, les Lannionais étaient invités à venir découvrir ce nouvel outil de communication à l’aide de tablettes tactiles, tout en dégustant leurs victuailles dénichées sur le marché, grâce à des tables mises à leur disposition. Vive l’apéro Facebook!
De nouvelles expériences de villes ne cessent de proliférer dans l’ensemble du Monde. Les architectes Jean-Marie Duthilleul et Etienne Tricaud ont récemment présenté les plans de leur projet pour le Centre d’Innovation de Skolkovo, immense projet qui vise à développer une Silicon Valley russe, à 15 km de Moscou. Associés au paysagiste Michel Desvigne et Setec, ils vont réaliser la ville écologique de l’innovation, « Innograd », qui représentera à terme 2 millions de mètres carrés construits et est appelée à accueillir 15 000 personnes. Les plans prévoient des allées arborées avec des voies cyclables et des passerelles passant sur des étangs, assez inhabituel en Russie. Piétons et cyclistes y seront prioritaires, suivis des transports publics: des trains à grande vitesse relieront la ville à Moscou en 20 minutes. Durable bien sûr, la ville sera organisée autour de cinq pôles correspondant à différentes technologies le long d’un boulevard de cinq kilomètres qui en serait la « colonne vertébrale ».
Dans la même idée, en Inde, le projet de Luvasa, ville privée nouvelle développée par le constructeur indien HCC, située entre Bombay et Poona, au destin encore incertain. Cinq villages aux allures d’entreprises y sont prévus et accueilleront 300 000 habitants sur 100 km2. Tout est privé : un « city manager », et non un élu, gère le lieu et son « produit intérieur brut ». Près de 1 500 appartements et villas ont été vendus lorsque la première tranche des travaux a été lancée en 2009. Mais le projet est actuellement en souffrance à cause d’un recours d’ONG dénonçant son manque de respect de l’environnement ainsi qu’un risque de « ghettos de riches ». Une situation qui laisse songeur quand on sait que le groupe HCC (et la ville, donc!) est côté en bourse…
L’immobilier commercial a décidément bien changé depuis les premières zones commerciales minimalistes des années 1960. À Fresnes, une expérimentation intéressante est en cours avec la réalisation d’un premier parc commercial à ciel ouvert en centre-ville, La Cerisaie. À l’origine dévolu à un parc industriel en bordure d’autoroutes, le parc a vu depuis les années 1970 sa destination évoluer vers le commerce en raison de sa situation géographique stratégique et de sa proximité avec le centre-ville de Fresnes. Le projet fait de cette zone commerciale le pivot d’une véritable requalification de l’entrée de ville, insérant dans un espace à dominante commerciale de l’habitat, des bureaux. Signé Guérin et Pedroza, architectes, le projet homogénéise l’ensemble des façades et des vitrines, repense les cheminements piétons désormais protégés par des auvents, réaménage les espaces verts et améliore la circulation automobile. Une immense pergola surplombe les bâtiments centraux pour l’agrément des visiteurs et faciliter le parcours commercial. Utilisant bien sûr à l’occasion tous les gadgets du développement durable (géothermie, chantier vert…), il ne laisse pas en reste les espaces verts augmentant leur part de 22 %. Et pourtant, certains premiers centres commerciaux disposaient déjà d’une réelle qualité à en croire ce premier classement en monument historique ce centre commercial conçu en 1967 par l’architecte Claude Parent à Sens (Yonne), édifice représentatif de la théorie de la « fonction oblique » établie par les deux architectes, avec ses rampes en béton brut : cherchant à rompre avec les règles strictes du modernisme, Claude Parent a effectivement utilisé le plan incliné pour remettre en question les pratiques du corps physique et social.
Comment sauver les abeilles menacées de toute part notamment par les pesticides à la campagne? En ville, tout simplement. C’est ce que fait Saint-Brieuc en lançant un projet de déménagement intitulé « L’abeille, sentinelle de l’environnement ». L’objectif : implanter des ruches dans les parcs, les jardins. Une opération qui marche bien, partout en France. Et dans ce cadre, plusieurs ruches ont été installée à Saint-Brieuc notamment à la ferme de la Ville-Oger et au jardin de la biodiversité dans la vallée du Gouëdic. Pourquoi cet intérêt pour la ville? D’abord, par l’absence de pesticides, mais surtout parce que les abeilles produisent deux fois plus de miel en zone urbaine qu’à la campagne, les villes plus fleuries étant d’autant plus attrayantes. Autour de la ferme, entre Saint-Brieuc et Trégueux, il y a plus de 80 espèces d’arbres. Sans compter les plantes, les fleurs sur les balcons, les jardins ouvriers. Autant d’endroits où les abeilles peuvent butiner, et produire un miel non-pollué, c’est garanti! Dans ce domaine de l’utilisation des fleurs et plantes, soulignons l’initiative de Pau qui se prête à une expérimentation sur les huiles végétales, les utilisant pour faire tourner le moteur des véhicules de la ville et de l’agglomération. Un appel d’offres vient ainsi d’être lancé afin de trouver une assistance à maîtrise d’ouvrage capable de mettre en place les prémices d’une filière locale de fabrication d’huiles végétales. Cependant, la production de tournesol et de colza est déjà enclenchée puisque certains agriculteurs locaux réservent déjà une partie de leur production pour la fabrication d’huiles végétales.
Dans les démarches engagées par les villes à la reconquête de leur qualité de vie, trois grands projets viennent de franchir une étape décisive.
– Annoncée depuis des années, c’est d’abord la plage Urbaine qui est réalisée sur le Vieux-Port de Montréal, quai de l’Horloge. Même s’il reste impossible de s’y baigner à cause des courants puissants, les agréments seront bien au rendez-vous. Inspiré du projet Paris Plage en France et par des sites semblables à Berlin, Amsterdam, Bruxelles, Budapest et Prague, le projet s’inscrit dans un réaménagement plus global des abords du fleuve Saint-Laurent qui prévoit notamment la transformation du Hangar 16 en centre d’expositions, ainsi que le prolongement de la promenade du Vieux-Port vers l’est. L’enjeu est aussi économique : pourvoyeur de multiples retombées touristiques, c’est par le biais des partenariats privés que se poursuivra le développement du premier site récréo-touristique au Québec, le deuxième en importance au Canada.
– Même regain de nature, à Madrid, où le gigantesque projet Madrid Rio vient d’être inauguré, visant à se réapproprier la rivière Manzanares en créant une promenade urbaine, reliant les deux parcs historiques, du Pardo au nord de Madrid, et du Jarama au sud. Ce projet phare (et pharaonique) se compose d’une gigantesque coulée végétale de près de 952 000 mètres carrés, avec 33 600 arbres, 470 000 arbustes, 10 kilomètres de chemins destinés aux piétons et aux cyclistes et ses fontaines le tout pour pas moins de 410 millions d’euro. Elément fort: les bretelles de la voie rapide M-30 ont été dissimulées sous terre avec leur 200 000 voitures
– Enfin, à New-York, c’est la seconde section de la High Line qui vient d’être inaugurée, vaste projet qui vise à réaménager les anciennes voies ferrées aériennes du Lower West Side (il reste la troisième section) en très vaste espace public verdoyant. Le processus de transformation des voies ferrées en espace public est facilité par la bonne conservation de la structure portante qui nécessite tout de même quelques réparations ainsi qu’un rafraîchissement.