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Initiatives urbaines
#10
RÉSUMÉ > Marc Dumont est maître de conférences en aménagement urbain. Il est membre du laboratoire Reso (Université de Rennes 2) et du Laboratoire LAUA (École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes). Il est membre du comité de rédaction de Place Publique.

Une coopération vient d’être mise en place entre les deux agglomérations pourtant éloignées du Havre et de Saint-Nazaire. Cellesci se sont alliées pour soutenir l’industrie éolienne offshore. Ce partenariat devrait notamment se traduire par des actions communes de communication, le développement d’une logistique interportuaire, la mutualisation de moyens de maintenance et de formations ou encore la réalisation d’études conjointes. Belle démarche visant à redynamiser l’emploi local par le secteur des énergies renouvelables.
D’une autre ampleur, le partenariat économique et stratégique de la ville de Rio de Janeiro avec la société IBM. Pour transformer Rio en une ville « intelligente », le partenariat vise la construction d’un centre administratif d’information public, avec interconnexion des différentes sections administratives de la ville. L’objectif est de mettre en place un dispositif de gestion intégrée et globale, qui permettra une excellente réactivité dans des situations de crise comme les inondations et les glissements de terrain. La préoccupation de la ville rejoint celle de la firme mondiale d’informatique soucieuse de développer les villes intelligentes ; en assurant l’interconnexion des services et des bases de données de la ville, IBM proposera en particulier un modèle mathématique sophistiqué censé prévoir, à partir d’une foule de bases de données, les brusques montées des eaux.

L’indépendance énergétique, ça se juge à tous les étages

Considérable démarche que celle engagée par la petite ville suisse de Cernier, proche de Neuchâtel. Une démarche tout en hauteur qui participe au projet-pilote européen « Solution » pour atteindre l’autonomie énergétique d’ici à la fin de 2014, avec 4,2 millions d’euros pour se passer des énergies fossiles. On va d’abord refondre en profondeur l’école primaire et la doter des tout derniers systèmes de production d’énergie. Le village sera chauffé à 70 % par des énergies renouvelables (panneaux solaires photovoltaïques et thermiques, pompes à chaleur géothermiques, éolienne) contre moins de 5 % actuellement, et 90 % de l’électricité sera produite localement. Tout cela sera complété par la construction du plus important chauffage à distance de Suisse qui devrait couvrir 60 % des besoins en chaleur de la commune à partir de bois indigène. Pour rester dans les hauteurs, il est maintenant possible d’habiter dans un arbre très confortablement et en toute indépendance énergétique. C’est ce que propose en tout cas l’agence d’architecture Taller 13 qui a réalisé en toute fin d’année dans une rue de Mexico, un bâtiment conçu dans un grand arbre, disposant de panneaux solaires, et résistant aux tremblements de terre. Sept appartements sont ainsi couronnés d’un jardin et la cage d’escalier est isolée par des plantes en pot. Vivement un peu de minéral !

Vigo est la première ville de Galice (mais aussi européenne) à offrir la connexion wifi dans les transports urbains ; les lignes équipées en priorité sont celles qui desservent l’université. Une belle idée lorsque les embouteillages sont de la partie. D’ailleurs, la bataille des « marques de ville », sur internet, c’est du sérieux, surtout lorsque la « personnalité » des villes s’invite sur les réseaux sociaux ; certaines y croient au point de se prémunir contre d’éventuels usurpateurs. C’est ce qu’a fait Nîmes en novembre dernier, découvrant la création d’une page « Nîmes Métropole » sur Facebook, usurpation d’identité immédiatement dénoncée à l’éditeur du site. Il a fallu trouver une astuce juridique pour retrouver l’auteur : une plainte contre X pour « publication d’un montage portant atteinte à la représentation de la personne » puisque l’usurpation d’identité de personnes morales n’existe pas encore dans le code pénal.
Au même moment, l’agglomération de Bordeaux mise sur la 3D dans une démarche marketing de valorisation de son territoire et de renforcement de la citoyenneté par le numérique. Achetez-nous sur papier glacé ! Oui, le projet de 200 000 € est censé « générer le désir » nous dit-on, bien qu’à demi-mot il soit plutôt la dernière arme de bonne guerre face à sa rivale Toulouse. Tout aussi persuadée des vertus d’internet pour le débat démocratique, Nantes vient aussi de lancer un débat prospectif concernant son projet pour les 20 années à venir. En manque d’idées ? Voyons ! Visitez, débattez, c’est ouvert à tous, de Nantes ou d’ailleurs.

Quartiers : quel est votre walk-score ?

Depuis plusieurs semaines, dans certaines villes françaises, on croise de nouvelles indications géographiques : « centre-ville, 15 minutes » ; « le boucher : 4 minutes » ; « l’école : 9 minutes…» se sont ajoutées aux classiques panneaux kilométriques. C’est que les distances ont changé de référence nous dit-on, passant de la voiture à l’échelle du piéton, et du kilométrage au temps : cette signalisation entre dans le cadre du programme national et local de promotion de l’activité physique intitulé « Bouger 30 minutes par jour, c’est facile ! » et qui veut inciter les citadins à marcher et à pédaler. Les prochaines afficheront sans doute la distance en « calories consommées » ! On n’en est pas loin, avec la proposition de Walk Score, qui calcule l’accessibilité piétonnière (walkability) des différents quartiers dans toutes les villes du monde. Ce système évalue dans quelle mesure un quartier est favorable aux piétons en affichant un score. Il suffit d’entrer une adresse, un plan Google Map s’affiche, indique les différents services à proximité (restaurants, épiceries, bibliothèques, hôpitaux…) et attribue un « walk score » en fonction de différents critères (densité de population élevée, présence de trottoirs et pistes cyclables, mixité des activités…). Entre 90 et 100, le lieu est considéré comme un paradis piétonnier d’où la voiture est bannie ; entre 50 et 70, le quartier est accessible à pieds mais certaines activités demandent de posséder une voiture ; au fur et à mesure que l’on se rapproche de 0, le lieu devient le paradis de la voiture particulière ! Un exemple parmi d’autres de ce que peut permettre la libéralisation des données.

Des villes loin d’avoir renoncé à tous les délices

La sobriété est une valeur montante… Certes, mais pas sur tous les plans. Zurich vient ainsi d’ouvrir un centre thermal en plein centreville… dans l’ancienne brasserie Hürlimann. Les espaces qui abritaient autrefois des entrepôts de malt sont devenus des antres voûtés dédiés au bien-être. L’opération a coûté 28 millions au propriétaire immobilier PSP Swiss Property. Le bien-être se vit de bas en haut, des caves (avec le spa romain) jusqu’au toit et à son bassin accessible par ascenseur, ouvert jusqu’à 22 h. L’astuce est ingénieuse puisqu’elle s’appuie sur la présence d’une des deux sources de Zurich, l’Aqui, dont l’eau coule à 24° ; il ne reste plus alors qu’à l’élever de 10°. Des bains à ce point envoûtants qu’ils ont même réussi à éviter les éventuelles oppositions écologistes. Ils n’y ont vu que du feu puisqu’on peut y accéder… à vélo. Genève n’est pas en reste avec son nouveau grand projet de parcplage aux Eaux-Vives, projet imposant alors que la ville traverse une crise du logement, mais qui vise à rendre publique et le plus libre possible la baignade surtout payante pour le moment. En plus d’une plage, il est prévu de réaliser un parc en remblai sur le lac, dans le prolongement de ceux des Eaux-Vives et La Grange. Un espace public de près de 3,5 ha verrait ainsi le jour, au bord d’une grève longue de 400 m. Naturellement, cela donne lieu à quelque échanges pimentés entre les architectes et le comité du Patrimoine suisse ou encore le WWF. Mais cela ne semble pas perturber le projet dont l’enjeu symbolique est fort puisqu’il vise à transformer la centralité de la ville en la dotant d’un espace public majestueux.

L’urbanisme breton en pleine effervescence

Coop maritime, espace nautique, kiosque, chemins de promenade, etc. Un grand projet va bouleverser Saint-Quay-Portrieux. Le but est de relier les deux ports pour n’en faire qu’un. Avec ses 1 030 embarcations au port en eau profonde, 450 au port d’échouage et une centaine de bateaux de pêche pendant la saison de la coquille, la fréquentation n’est pas des moindres. Le cabinet retenu vise à la fois à transformer la monotonie des bâtiments actuels, à créer des promenades piétonnières sécurisées et à mieux gérer le stationnement. Le projet est un cas particulier très intéressant mais aussi complexe puisque le port mêle étroitement des acteurs très différents tels que la CCI (chambre de commerce et d’industrie), le syndicat du port d’Armor, la commune et le département. Ils doivent se doter d’une vision commune, le tout en conformité avec la loi sur le littoral.
Puis, à Saint-Brieuc, un nouvel éco-quartier prend forme, avec les Plaines-Villes dont la première pierre vient d’être posée et qui s’inscrit dans une régénération de l’ancien aéroport, en friche depuis vingt-cinq ans. Belle perspective pour le futur quartier qui sera de plus très proche de la gare TGV, à 2 h de Paris… Et le logement n’est pas non plus en reste avec cette démarche de l’association Habitat et humanisme de Bernard Devert, qui va s’emparer d’anciens grands locaux d’hébergement religieux : les familles les plus démunies pourront être logées dans les presbytères de Plonéis et Douarnenez où, après travaux, des logements à 5 € le m² leur seront proposés. Une initiative qui devrait inspirer tous les grands propriétaires fonciers (État, Eglise, Armée).

Les débats urbains du futur sont-ils religieux ?

Certains conflits urbains à l’étranger laissent songeurs sur des questions « brûlantes » qui agitent les villes occidentales. Ainsi, au moment où la construction des mosquées soulève des remous en Europe, à Qufu, en Chine, petite cité natale de Confucius, les experts de la municipalité, avec l’appui de la communauté confucéenne, se sont opposés à la construction d’une église protestante (dont les fidèles ne cessent de croître). La question du lien entre la ville et les religions s’affichera à n’en pas douter comme un enjeu au moins aussi important et délicat à traiter dans beaucoup de villes du monde, que celui du réchauffement climatique.
Différent mais pas moins brûlant, le dossier du logement comme en témoigne cette démarche des mal-logés en Argentine où immigrés et clandestins doivent payer des loyers exorbitants pour se loger… dans des bidonvilles. Ceux-ci ont investi massivement les espaces publics et privés du centre-ville de Buenos Aires. Un conflit très dur a pris la forme d’émeutes en décembre dernier notamment dans un des parcs où près de 6 000 personnes étaient concentrées, véritable camp de réfugiés en plein coeur d’une métropole. À l’origine, une offre insuffisante de logement mais surtout une précarisation accrue de la société.