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Initiatives urbaines
#06
RÉSUMÉ > Marc Dumont est maître de conférences en aménagement urbain. Il est membre du laboratoire Reso (Université de Rennes 2) et du Laboratoire LAUA (École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes). Il est membre du comité de rédaction de Place Publique.

Les innovations technologiques se multiplient dans les villes pour permettre à qui les fréquente au quotidien de contribuer à la vie urbaine et à son fonctionnement. Par exemple, une expérience intéressante a été réalisée par Volkswagen dans un couloir de la ville de Stockholm en Suède où sont placés côte à côte un escalier et un escalator. Pour inciter les habitants à faire un peu d’exercice en prenant plutôt l’escalier, les marches ont été modifiées, chacune étant une touche de piano faisant de la musique. Succès garanti, l’escalator est déserté! Quoique Chopin doive probablement se boucher les oreilles les jours d’affluence… Puis, autre illustration, Toulouse vient de tester des trottoirs qui produiraient de l’électricité à partir de l’énergie émise grâce à la force du pas des piétons. Dès qu’une dalle est foulée, pas loin de 30 watts sont obtenus et stockés sur des batteries. Cinq mètres de dalles suffisant à alimenter un lampadaire : peut-être de sérieuses économies en perspective pour la Ville si l’expérience se généralisait!

On sait les difficultés que présente, de manière croissante en Europe, l’usage des espaces publics. Le retrait de certains bancs publics en est devenu l’emblème pour éviter les attroupements de « jeunes », bruyants, ou sans domicile fixe, aux habitudes et attitudes vite jugées indésirables. Pourtant certaines villes reviennent sur leur décision comme Ouchy, petite commune située juste en contrebas de Lausanne, en Suisse. Elle avait en effet implanté sur sa jetée sur le Lac Léman – véritable petite « croisette » à la cannoise et vitrine urbaine de prestige – des équerres métalliques empêchant les skate-boarders de « rider » sur les bancs en béton et censés donner. une meilleure image au site. La ville leur a finalement organisé à quelques mètres de là un spot spécial très visible, contrairement à ce qui se fait encore dans nombre de villes (skate-parks excentrés), et leur permettant donc de montrer leurs prouesses au public. Les skaters, enthousiastes ont massivement réinvesti le site. Des espaces publics pour tous, oui, mais mieux mutualisés? Nantes le fait déjà, mais voilà de quoi convaincre davantage de villes...

Le covoiturage: et pourquoi pas en taxi?

Les déplacements individuels se mutualisent de plus en plus et le Certu souligne par ailleurs une tendance au découplage entre la détention et l’usage d’une voiture particulière. Mais s’il est bien un mode de transport qui résistait jusque là c’est celui des taxis – impensable de les prendre avec des inconnu(e)s! Pourtant, à Morges, en Suisse, dans le cadre d’un plan public, des taxis répondent maintenant à l’absence de desserte de certains quartiers par les transports publics, notamment en soirée et le dimanche. Avec là aussi le soutien des finances publiques, c’est déjà le cas en Hollande depuis plus de dix ans avec les Treintaxi, un système subventionné de covoiturage en taxi accessible aux abords de nombreuses gares. D’un coup, cette idée intéressante inverse la situation de « bouchon » liée aux affluences fortes: plus y il a de monde plus on a de chance d’avoir un taxi rapidement, chaque voyageur ayant à réserver une demiheure avant l’arrivée de son train.

Plusieurs villes françaises comme Angers commencent à réfléchir sérieusement à l’avenir d’ancienne bases militaire ou aéroports situés dans leur périphérie immédiate. Les habitants suggèrent à l’occasion de réunion publiques d’en faire… des parcs publics. L’idée est loin d’être absurde comme le prouve la transformation en parc, à Berlin et en plein centre-ville, de l’ancien aéroport de Tempelhof. A nous les loisirs, à nous la fête! Voilà un gigantesque espace vert réconciliant la ville avec la nature, sur une superficie dépassant le Central Park de New York. L’ouverture n’est pas encore définitive et n’a été testée que pendant une quinzaine de jours – on imagine les appétits d’ogre que suscitent de pareilles pépites foncières. Ce projet n’est pas encore définitivement entériné, mais il semble que les institutions tiennent fermement à cette idée d’un poumon vert.

La démocratie urbaine c’est au téléphone

La démocratie participative, en ville comme ailleurs, a bien souvent du mal à mobiliser: le public comprend trop peu de jeunes et d’actifs, les réunions sont longues et ennuyeuses… Bordeaux vient de tenter de résoudre ce problème récurrent en s’attelant à des modes plus originaux de contribution aux débats en réalisant le premier Flashvote. Pour prendre l’avis des jeunes, elle s’est appuyée sur une page Facebook mais surtout, à la fin d’un spectacle-événement, sur un vote en « live » par SMS leur permettant d’exprimer en un temps très court leur avis sur 17 actions importantes concernant la vie urbaine. Certains verront d’un oeil critique cette démocratie urbaine « d’avis », plus « au fil de l’eau » que dans les urnes; pourtant, l’initiative se répand comme en témoignent les bornes interactives (plus de 2 500) qui permettent aux habitants de Sao Paulo de s’exprimer en continu sur la gestion urbaine.

Guérrillas urbaines: les villes fleurissent

La guerre des fleurs (ou guerilla gardening) n’est pas nouvelle: depuis les années 1970 à New York et, de manière accélérée ces dernières années dans toutes les villes du monde, cette bien pacifique initiative consiste, pour des passionnés de nature, à investir les rues et places jugées trop minérales, et à y déposer quelques « bombes » en graines ou en pots bien décoratifs. Cette folie douce du jardin en ville n’est pas toujours bien reçue. Mais en octobre 1995, la démolition d’une maison, rue de l’Alma, à Rennes, avait poussé l’association Rennes Jardins à planter sur le terrain des ifs, des merisiers et des troènes. Les plantations ne furent pas détruites et la Ville entoura la parcelle d’une clôture en bois avant de signer avec l’association un accord autorisant la végétalisation de certains espaces publics1. C’est aussi devenu officiel à Paris et dans des villes de l’Ile-de-France avec l’opération « Laissons Pousser », organisées par Natureparif, l’agence régionale pour la nature et la biodiversité en Ile-de- France. A un moment où les Français sont plus que jamais fans de jardinage, des milliers de petits sachets de graines ont été gratuitement offerts pour permettre à qui le souhaite, de planter des graines en zone réservées, « semis participatifs » oblige… Ah, incontournable participation quand tu nous tiens!

Plus haut mais pas forcément avec des tours

Face à l’impératif de villes durables compactes, les pistes de solutions se multiplient sans forcément conduire à la construction d’immeubles de grande hauteur. De plus en plus de villes en Europe (et notamment Rennes) envisagent sérieusement de surélever certains de leurs immeubles. Ou de construire sur les parkings. La technique est difficile mettre en oeuvre parce qu’elle soulève d’inévitables oppositions de la part des propriétaires voisins qui risquent d’être privés de soleil. Mais c’est déjà le cas à Genève où ces surélévations sont maintenant courantes, et viennent d’être renforcées par un cadre légal en vue de répondre à la pénurie de logements: pas loin de 5 000 logement identifiés vont ainsi pouvoir être réalisés.

Un train est un train, pas une ville: la réouverture de lignes désaffectées, la croissance du trafic interurbain en TER n’est pas souvent accompagnée d’une amélioration significative de l’environnement immédiat. Pourtant, à Chicago, une démarche artistique (?) très originale vient d’être lancée consistant à placer des plantes et du gazon sur le toit de certaines rames: voilà le Mobile Garden. L’enjeu est doublement environnemental et urbain puisqu’il s’agit à cette occasion de sensibiliser les habitants de Chicago aux espèces végétales indigènes, pour respecter la biodiversité et les inciter à planter davantage tout en purifiant, dans les gares, l’air souvent confiné. Certes, des efforts particuliers seront sans doute à fournir pour les lignes souterraines de métro…