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Initiatives urbaines
#20

C’est chose faite : les cabinets d’architectes Antoine Grumbach et Associés, et Wilmotte et Associés ont remporté la consultation sur le développement du Grand Moscou. Les Français travailleront aussi avec le cabinet américain Urban Design Associates, qui sera en charge de la création d’un nouveau centre fédéral. Pourtant pas parti favori, le groupement Grumbach et Wilmotte a toutefois réussi à séduire le jury qui a notamment apprécié les deux projets de refonte de l’agglomération de Moscou et de son extension au sud-ouest. La proposition des architectes et urbanistes français s’est bien entendu largement inspirée du Grand Paris pour lequel Antoine Grumbach a prévu une grande agglomération Paris-Rouen- Le Havre. Le projet – qui fait la part belle aux espaces verts et aux transports doux – place le fleuve Moskova au coeur de la capitale. Son importance doit être équivalente à celle de la Seine à Paris ou de la Tamise à Londres. Du joli nom de « The Joy of Life », le projet mise aussi sur « l’ADN de Moscou » (l’eau et les forêts) et réconcilie ville et nature. Le Grand Moscou sera ainsi à moitié végétalisé, tout en favorisant et les transports publics. Selon les règles imposées dans le concours, chaque équipe internationale devait s’entourer de collaborateurs russes. Grumbach et Wilmotte ont donc fait appel à l’architecte Serguei Tkatchenko à la Russian High School of economics and financial university et au cabinet d’ingénierie Egis, grâce à qui ils ont pu développer un projet de transports doux, public et écologique sur rails. Tram et métro seront donc à l’honneur, et les architectes ont prévu une ligne rapide qui mettrait le Kremlin et le centre fédéral à vingt minutes. En outre, les architectes ont proposé des nouvelles portes aux entrées de Moscou, qui seraient des repères visuels et identitaires de la ville.

Décidément, on ne semble pas à cours d’idées en urbanisme pour exploiter toutes les possibilités qu’offrent les grandes hauteurs en ville. Premier exemple, Cycle Sky, visant à créer une piste cyclable aérienne à Londres. Très attachée au confort des nombreux cyclistes empruntant chaque jour ses artères surchargées, la municipalité londonienne envisagerait la création d’un réseau de pistes cyclables surélevées. C’est l’Agence Exterior Architecture qui est à l’origine du projet baptisé « Cycle Sky ». Exclusivement réservé aux vélos, le réseau pourrait permettre aux cyclistes d’améliorer considérablement leur temps de trajet à travers la capitale, sans avoir à se soucier des automobilistes, des feux de circulation ou des piétons. Le parcours effectué sur la « Cycle Sky » s’effectuerait, comme sur une autoroute, entre plusieurs sorties. Les utilisateurs seront par ailleurs mis à contribution, et devront s’acquitter d’un petit péage (un euro) à l’entrée. Le projet pourrait être achevé d’ici deux ans.

Dans le même esprit, il est maintenant possible à Singapour de garer sa voiture dans son appartement. Mais pour avoir la chance de vivre au dixième étage dans le centre de Singapour sans avoir de problème pour garer votre véhicule, il vous faudra remplir une seule condition : être millionnaire, prix à payer pour vivre avec sa voiture. Cette solution, qui permettra aux détenteurs de voitures de luxe de profiter constamment de la vue de leur bolide depuis leur salon, est proposée par le promoteur immobilier KOP Properties. La voiture est acheminée, par son conducteur, dans l’appartement grâce à un ascenseur. Cette idée a déjà été réalisée à New-York et Berlin. Dans la capitale allemande, les détenteurs de grosses cylindrées résidant au Carloft (quartier Paul-Lincke-Ufer dans le district de Kreuzberg) peuvent monter leur véhicule sur leur terrasse. À New-York il est ainsi possible d’acheter une « En Suite Sky Garage » au 200 Eleventh Avenue et d’avoir en prime Nicole Kidman pour voisine. Si cette initiative est réservée pour le moment aux plus fortunés, elle a néanmoins le mérite de libérer des places de stationnement sur l’espace public ou dans les parkings souterrains. De quoi laisser songeur...

Pour refaire de Calais une station balnéaire et un pôle multifonctionnel actif, la municipalité joue la carte d’une nouvelle urbanité avec le réaménagement de ses espaces littoraux. Dans le cadre de la coordination et de la mise en place du Schéma de développement urbain de Calais imaginés par l’agence Arc-Ame, la municipalité a présenté les aménagements prévus sur le front de mer, sur une zone située entre le fort Risban et la plage. Le périmètre de l’étude recouvre plus particulièrement le rond-point de la plage ainsi que l’avenue Raymond- Poincaré, le parvis du front de mer (parkings Europa et Est) et le fort Risban. Les objectifs de cette future transformation sont multiples. Il s’agit non seulement de valoriser le littoral, mais aussi d’offrir une perspective sur la mer depuis le pont Henon en créant une nouvelle voie. Après cette réalisation, l’avenue Poincaré sera transformée et rétrécie. De nouveaux espaces verts protégés seront implantés et les parkings requalifiés en parvis minéraux. Le projet prévoit d’intégrer les places de stationnement dans des poches végétales. Les circulations permettront d’atteindre facilement le front de mer et le pôle multifonctionnel. À l’intérieur du futur parc, des parcours continus permettront aux piétons et aux vélos de rejoindre le centre-ville de Calais… Démarrage du chantier à l’automne 2013.

Dans la plupart des agglomérations européennes, on note une tendance à la disparition de certaines barrières culturelles dans les comportements urbains ; se soulager dans la rue n’est pas devenu uniquement un problème de civilité mais aussi de vie urbaine quotidienne et d’image pour les municipalités. Après les pigeons, les problèmes d’épanchement d’urine sur la voie publique sont l’autre grand fléau de salubrité publique des villes, particulièrement celles ayant une vie nocturne. La société hollandaise Urilift a imaginé des toilettes publiques escamotables. Cachées durant la journée, elles laissent alors place à une simple marque ressemblant à s’y méprendre à une plaque d’égout, et ressortent dès la nuit tombée. Elles peuvent donc être placées à n’importe quel endroit, leur présence ne gênant pas les commerces alentour dans la journée et devenant bien utiles au contraire lorsque les bars et restaurants font le plein le soir venu. La gamme compte aussi un modèle UriLady adapté aux femmes. Mais le produit phare d’Urilift, ce sont ces toilettes qui émergent du sol en une minute, montre en main, pour accueillir les petits besoins des fêtards du soir ; elles sont commandées pour émerger entre 21 h et 6 h. Tout est prévu pour simplifier l’entretien. Reliées aux égouts de la ville, ces toilettes s’auto-nettoient. Ce système est en pleine diffusion dans 70 villes européennes.

Norvège : un musée signé Renzo Piano

Les nouvelles réalisations architecturales ne sont souvent que des gestes excentriques à la gloire de leur propre concepteur. Sur ce plan, la dernière réalisation de Renzo Piano a de quoi étonner. En effet, un nouveau musée d’art moderne vient de faire son apparition dans le paysage norvégien. Imaginé par Renzo Piano, il prend des allures de vaisseau-musée spatial grâce à son toit triangulaire tout en verre et mêlant dans sa structure bois et acier. D’un coût de 95 millions d’euros, s’étendant sur 7 000 m2, la construction accueille une vaste collection d’art contemporain. Ainsi, les futurs visiteurs pourront découvrir des oeuvres de Jeff Koons ou de Damien Hirst. Côté architecture, le toit incarne l’identité du musée. Avec sa forme courbée, ses poutres en bois stratifiés et ses colonnes minces d’acier, la couverture, qui pointe en direction de la mer, s’inspire de l’esprit maritime. Sous cette immense toiture, se glissent trois bâtiments (bureaux, expos et musée). Point primordial pour l’architecte, le fait que surplombant le fjord, le projet doit participer au paysage et offrir une promenade aux riverains pour leur permettre de profiter d’une balade de 800 mètres de long dont presque la moitié est nouvelle.

Dans une conjoncture qu’on dit atone pour l’urbanisme, de nouveaux projets de grande ampleur prennent leur essor en France. À Montpellier, d’abord. Après le quartier Antigone par Ricardo Bofill, la Route de la Mer et le projet ÉcoCité par Bernard Reichen, la ville poursuit sa mue. Pour son nouveau grand projet urbain, celui du quartier de la nouvelle gare TGV, la Communauté d’agglomération vient de choisir l’équipe de l’architecte néerlandais Kees Christiaanse. Au programme: espaces verts, logements et activités économiques, avec au total 350 hectares qui feront cohabiter des logements, des parcs, des jardins familiaux, un pôle d’affaires de dimension européenne avec plus de 350 000 m² de bureaux... Sans oublier un campus créatif qui sera structuré autour d’espaces verts et boisés. Au coeur du site, un grand parc urbain s’inscrira autour du Nègues Cats (ruisseau) offrant des perspectives sur le château de la Mogère, soit 30 hectares d’espaces de détente, de promenade, en connexion directe avec le pôle tertiaire, accueillant l’activité de bureaux, logements et commerces. Les notions de bien vivre ensemble, d’échange font partie intégrante de ce projet baptisé «Oz Montpellier Nature urbaine».

Autre projet, pas moins démesuré, celui du futur écoquartier du Grand Paris amené à être le plus vaste de France. Le terrain de 22 hectares est vierge pour l’instant, mais Palaiseau devrait, d’ici trois ans, accueillir un vaste quartier écologique. 147 000 m2 de logements seront proposés, soit environ 2 000 logements permanents et 500 studios pour étudiants. L’habitat proposera à la fois du locatif social, du locatif libre et de l’accession à la propriété. Quant aux caractéristiques techniques des bâtiments, elles sont relativement classiques : chaufferie bois pour assurer les besoins en chauffage des habitants, récupération des eaux pluviales et réemploi, exigences du bâtiment basse consommation, etc. Rien que de très classique.

Le fabricant de meubles suédois, Ikea, dont on oublie parfois que l’inspiration du design provient directement de l’école du Bauhaus, veut construire des établissements « chics et pas chers ». Après son échec dans le secteur des maisons préfabriquées, le géant suédois se lance dans les résidences universitaires et les hôtels en Europe, en débutant par l’Allemagne. Sa filiale Inter Ikea compte ouvrir une centaine d’établissements en entrant en concurrence avec des chaînes comme Motel One et Ibis. Le premier établissement doit ouvrir ses portes dès 2013. Ces hôtels, sans meubles ni logo d’Ikea, seront exploités par des groupes hôteliers après avoir été livrés clés en main. Toujours outre-Rhin, le groupe a confirmé son intérêt pour un projet de nouveau quartier mixte (logements, bureaux et commerces) près de l’aéroport de Hambourg ou près du centre de la ville hanséatique. Ikea a lancé un projet similaire de dix hectares à Londres dans le quartier d’East End : 12 000 logements, près de 60 000 mètres carrés de bureaux, un hôtel de 350 chambres, des commerces, une crèche, des pistes cyclables, des parkings souterrains, des voies piétonnières, un réseau de canaux et des taxis fluviaux devraient y voir le jour dans les six ans.