Compétition nationale de courts métrages professionnels et étudiants, avant-premières, cartes blanches, programmes thématiques, expositions, visites des studios d’animation rennais, ateliers de cinéma, rencontres avec les auteurs et invités spéciaux, mais aussi journées professionnelles… dès sa première édition bruzoise, en décembre 2010, le Festival national du cinéma d’animation a affiché sa volonté de jouer un rôle catalyseur entre les différents acteurs du cinéma d’animation. La seconde édition, qui se déroule du 7 au 13 décembre prochain devrait permettre de prendre la mesure de cette nouvelle dynamique dans laquelle les acteurs implantés dans le bassin rennais jouent un rôle important. Interview de Denis Walgenwitz, réalisateur de courts-métrages d’animation de marionnettes, président de l’AFCA , association nationale du film d’animation.
PLACE PUBLIQUE > Qu’est-ce que l’AFCA, Association française du cinéma d’animation?
DENIS WALGENWITZ > Nous aurons bientôt quarante ans. Notre mission est de promouvoir le cinéma français d’animation. Il y a sept ans, nous avons entrepris un travail de fond afin d’investir l’ensemble des secteurs : de l’enseignement à la distribution, en passant par la production. L’animation est en bonne place en France, mais ses représentants n’ont pas toujours le temps de s’organiser pour échanger. De par notre vocation nationale, nous pouvons faire un état des lieux, créer de la rencontre, de la confrontation pour optimiser les fonctionnements et faciliter le partage d’expériences. Pôle ressources sur les questions de diffusion, l’association fédère des professionnels, quelques producteurs et nombre d’étudiants ainsi que des médiathèques et des lieux alternatifs de diffusion. Ce regroupement prend sens autour de la Fête mondiale du cinéma d’animation, un rendez-vous d’automne, lancé il y a dix ans. En 2010, près de 200 lieux y ont participé. Le second rendez-vous est hivernal, c’est le Festival national du film d’animation qui a lieu ici.
PLACE PUBLIQUE > Quand et comment fut lancé le Festival national du film d’animation?
DENIS WALGENWITZ > Impliquée dans l’organisation du Festival international du film d’animation d’Annecy jusqu’en 1981, l’AFCA a décidé de créer un festival du film d’animation à l’échelon national, en 1983, pour offrir une vitrine au cinéma français. Cette biennale s’est tenue à Marly-le-Roi avant de rejoindre Auch. Après cinq éditions, dans l’impossibilité de réunir les conditions suffisantes à son existence, le festival s’est mis au repos pendant trois ans.
PLACE PUBLIQUE > Pour quelles raisons l’AFCA a-t-elle choisi d’implanter le festival à Bruz?
DENIS WALGENWITZ > Le mérite en revient à la Ville de Bruz, à l’équipe du Grand Logis et aux partenaires qui ont soutenu fortement le projet. Nous savions qu’il y avait dans le bassin rennais un ensemble porteur pour le festival, mais très humblement, nous ne pensions pas que ce serait à cette mesure. C’est une excellente nouvelle pour le festival qui trouve ici un bel ancrage, avec un rayonnement possible. Il bénéficie d’une part du travail de restructuration fait par l’AFCA en interne, mais aussi de l’engagement des habitants, des élus, des acteurs culturels locaux. Citons l’Arrosoir à Émile qui, en amont, a consenti à faire un travail de fond ou Clair Obscur qui a proposé des sessions de formation. Dès la première édition, l’an dernier, une dynamique passionnante s’est enclenchée. En dehors d’un soutien financier sans lequel une telle manifestation ne peut pas voir le jour, c’est une véritable hospitalité que nous avons rencontrée.
PLACE PUBLIQUE > Peut-on parler d’un cinéma d’animation breton?
DENIS WALGENWITZ > Nous ne faisons pas de régionalisme en parlant des entreprises emblématiques du bassin rennais. Certes ces sociétés sont tellement ancrées dans la région, avec des acteurs qui gravitent autour, mais les enjeux de ces sociétés rennaises sont nationaux, européens et internationaux. C’est là leur richesse et j’insiste sur cette combinaison. On ne peut monter une société d’envergure internationale sans qu’elle ne fasse sens localement et simultanément. Quand nous avons annoncé le festival aux producteurs du bassin rennais, JPL Films et Vivement Lundi, ceux-ci furent unanimes à affirmer qu’ils ne souhaitaient pas être les « régionaux de l’étape ». Une très bonne nouvelle pour le festival qui signifie aussi que cette réalité est intégrée par les politiques. Nul besoin de présenter des films avec des paysages bretons ! Ce phénomène n’est pas lié uniquement à l’animation. En Bretagne, l’histoire du cinéma est particulière, avec un pan important de production de documentaires ou encore l’impact national de la société Lazennec Production sur la fiction par exemple. Les politiques l’ont compris: nous sommes en présence d’un véritable creuset culturel.
PLACE PUBLIQUE > Peut-on évoquer une « école » rennaise?
DENIS WALGENWITZ > En France, un collectif de producteurs de courts-métrages d’animation défend les moyens de production et de diffusion des films. Les producteurs bretons sont partie prenante. Ceux qui participent ont une production particulière, par goût, par culture, par affinités et par leur histoire. Dans le bassin rennais, l’histoire de l’animation est avant tout européenne. Les pionniers se sont rendus en Angleterre et ont découvert l’animation de marionnettes. Ils ont lancé des échanges avec le Portugal. Cette démarche marque leur spécificité: en s’ouvrant sur l’extérieur, ils ont posé les fondements de leurs studios. Certes en Bretagne on ne fait pas que de la marionnette, mais cela reste un choix bien ancré même s’il ne va pas de soi, dans le sens où il nécessite des moyens logistiques et techniques importants. S’il s’agit d’une particularité du bassin rennais, les producteurs et créateurs sont en même temps assez malins pour ne pas s’enfermer dans cette pratique unique.
PLACE PUBLIQUE > Quelles sont pour vous, aujourd’hui, les enjeux pour les sociétés de production implantées dans le bassin rennais ?
DENIS WALGENWITZ > Se posent des questions de développement et de maintien d’un certain nombre d’emplois structurels nécessaires à une production permanente. Enfin, les évolutions récentes de leur savoir faire, de leurs productions posent la question de savoir comment ces sociétés pourront aborder les projets ambitieux des mois à venir. Cet enjeu nous paraît crucial pour pérenniser ce secteur et valider bientôt 20 ans d’expérience.
PLACE PUBLIQUE > Quel rôle peut jouer l’AFCA au niveau des réseaux professionnels, via le festival ?
DENIS WALGENWITZ > Nous avons récemment mis en place un observatoire du cinéma d’animation. Si aujourd’hui, le festival reste un lieu pour présenter des films, avec en compétition des courts métrages et des films d’étudiants, il veut aussi favoriser l’émergence de dynamiques de travail entre les professionnels. Les tables rondes organisées en 2010 ont permis à l’AFCA de prendre la mesure du terrain. Citons la question du Pôle de compétitivité images et réseaux et des contenus, une force de regroupement à l’échelle du Grand Ouest. Il faudrait que chaque société entre en synergie avec des producteurs et des créateurs de contenus. Sur le plan technique, celui de l’encodage par exemple, des plateformes de travail sont à créer pour optimiser les contenus. Un des enjeux du festival est d’être un vecteur de fertilisation de ce terrain, mais il faudra laisser du temps au temps pour que nous puissions développer une culture commune.
PLACE PUBLIQUE > Quelles colorations aura l’édition 2011?
DENIS WALGENWITZ > Nous continuons de consolider ce que nous avons mis en place la première année avec les habitants, les associations, les acteurs du cinéma d’animation… Sur la question du territoire, nous confortons le travail mené dans les communes proches de Bruz. Nous continuons de proposer un panorama du cinéma d’animation en France, avec en compétition un certain nombre de réalisations qui montrent le souffle nouveau qui anime ce mode d’expression. Nous proposons cette année une carte blanche à la toute jeune association tunisienne du cinéma d’animation, l’ATCA. En effet, les problématiques citoyennes constituent l’une des dimensions du festival qui se développe à Bruz, et à laquelle le public est sensible, soucieux d’une ouverture aux autres cultures. Nous nous sommes donné trois ans pour asseoir ce festival, le professionnaliser et le développer. Globalement, la première année était, pour nous, une ébauche. Cette année nous sommes sur le développement des racines du festival avant de pouvoir le déployer.