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Dossier
#13
Dépendance et perte d’autonomie ne sont pas synonymes
RÉSUMÉ > Les causes de dépendance sont variées, mêlant des facteurs médicaux, psychiques et sociaux. Ses conséquences concernent la personne âgée mais aussi son entourage et les acteurs médico-sociaux. Une étape essentielle de la prise en charge du patient âgé consiste à évaluer sa dépendance. C’est cette évaluation qui permet de mettre en œuvre une aide sanitaire et sociale.

     Il ne faut pas confondre perte d’autonomie et dépendance. Ainsi, tout sujet peut être à la fois dépendant et autonome. La dépendance est l’impossibilité partielle ou totale pour une personne d’effectuer, sans aide humaine, les activités de la vie courante, qu’elles soient physiques, psychiques. Dans ce cas, on peut parler de « perte d’indépendance fonctionnelle » mais pas de « perte d’autonomie » qui est ici un abus de langage. En effet, l’autonomie se définit par la capacité à se gouverner soi-même de façon libre et éclairée. Elle exige des capacités de jugement. Elle est la base des discussions autour de la protection sociale ou juridique.

     L’Organisation Mondiale de la Santé distingue trois dimensions de maladies : la déficience, l’incapacité et le handicap.

- La déficience correspond à une anomalie, durable ou transitoire, d’un organe, d’un appareil ou d’un système. Elle peut être sans conséquence pathologique, mais, le plus souvent, elle est symptomatique et entraîne une perte de fonction anatomique, physiologique ou psychologique.

- L’incapacité est une des conséquences de la déficience. Elle en est l’expression en terme de fonction ou de performance. Il s’agit de la réduction partielle ou totale de la capacité d’accomplir une activité dans les limites considérées comme normales pour un être humain.

- Le handicap représente les conséquences sociales, ou désavantages, résultant de la déficience ou de l’incapacité limitant ou interdisant l’accomplissement d’un rôle social auquel la personne peut aspirer ou que la société attend d’elle. Il est proportionnel aux ressources matérielles et sociales disponibles pour pallier l’incapacité.

     La dépendance peut être induite ou accentuée par toutes sortes de pathologies aiguës ou chroniques. L’âge seul n’est pas un facteur de dépendance. Principales pathologies responsables de dépendance chez le sujet âgé: les pathologies neurologiques (Alzheimer et maladies apparentées, Parkinson, accidents vasculaires cérébraux), les pathologies ostéo-articulaires (arthrose diffuse invalidante, rhumatisme inflammatoire chronique, algodystrophie, fibromyalgie), les pathologies cardio-respiratoires (insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire chronique, artériopathie sévère), les déficiences neurosensorielles (surdité non appareillée, dégénérescence maculaire liée à l’âge, rétinopathie diabétique, cataracte, glaucome chronique).
     Certains syndromes gériatriques peuvent être également impliqués, comme la dénutrition, l’incontinence, les troubles de la marche et de l’équilibre, les plaies chroniques, la dépression ou autres maladies psychiatriques chroniques.

     Les hospitalisations en urgence à l’occasion d’une pathologie aiguë sont des situations néfastes pour le patient âgé, surtout si elles sont prolongées, car elles aggravent souvent la perte d’indépendance. Parfois, l’entrée définitive en institution est décidée à l’issue d’une hospitalisation. Non préparée et non désirée, elle peut avoir des conséquences psychologiques importantes, elles-mêmes sources de dépendance.
     Lorsque le maintien à domicile est envisagé, la perte fonctionnelle implique la mise en place d’aides humaines apportées par les enfants ou des professionnels. Ces aides peuvent être plus ou moins bien acceptées par la personne qui peut les considérer comme une gêne, une intrusion dans leur vie intime, voire un danger.
     Pour d’autres, au contraire, la dépendance réactive certains comportements infantiles et est source de bénéfices secondaires. Enfin, le risque de maltraitance, venant des aidants familiaux ou professionnels, n’est pas nul et doit être repéré.
     La dépendance impacte également l’entourage de la personne âgée, que ce soit les enfants ou le conjoint. Il peut exister une modification du regard, une inversion des rapports parents-enfants, une culpabilité source d’un surinvestissement, voire un désinvestissement total.

     Les axes de prévention de la dépendance sont les règles hygiéno-diététiques reconnues comme bénéfiques pour un vieillissement réussi, le respect des vaccinations usuelles, le dépistage précoce des pathologies néoplasiques (tumeur ou cancer) et la prise en charge précoce des pathologies sources de dépendance (cardiovasculaires et neurologiques).
     L’exercice physique apparaît comme primordial dans le maintien de l’indépendance motrice, avec une action positive sur la fonction cardiovasculaire, sur la fonction musculaire. Elle a aussi des effets bénéfiques sur la prévention des troubles de la marche et de l’équilibre, des chutes et des fractures. Une alimentation régulière et équilibrée suivant les règles du Programme National Nutrition Santé est recommandée. Ainsi qu’une surveillance précoce des déficiences sensorielles, à cause de leur retentissement social important. Enfin, il faut encourager toute stimulation intellectuelle, les activités de loisirs et les contacts sociaux, afin de limiter l’isolement pouvant être source de fragilité psychologique et de perte d’autonomie.

     L’évaluation de la perte d’indépendance permet de réfléchir à la mise en place d’aides ou de soutien. Il s’agit de déterminer les actes de la vie quotidienne que la personne âgée peut réaliser seule sans aide humaine, mais également ceux nécessitant l’aide d’un tiers. Pour cela, plusieurs outils d’évaluation, simples et validés, sont utilisés. Voici les plus courants :
     Concernant les activités de base de la vie quotidienne: toilette, habillage, déplacements, continence, alimentation, aller aux toilettes, c’est l’échelle des ADL (Activities of Daily Living) de Katz qui fait référence. Sont considérées comme dépendantes, les personnes qui le sont pour l’une des six activités ci-dessus.
     Parallèlement aux ADL, on peut évaluer les activités plus complexes de la vie quotidienne, dites instrumentales : utiliser le téléphone, gérer un traitement médicamenteux, prendre les transports en commun, gérer un budget, préparer un repas, faire les courses, laver le linge, faire le ménage. Pour cela, l’échelle IADL (Instrumental ADL) de Lawton qui est la plus utilisée. Elle permet le dépistage de troubles cognitifs débutants.
     Enfin, la grille nationale AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupe Iso-Ressources) permet l’évaluation du degré de dépendance d’une personne âgée et son classement dans l’une des six catégories dites « GIR ». Dix variables sont étudiées: cohérence, orientation, toilette, habillage, alimentation, continence, transferts, déplacements intérieurs, déplacements extérieurs, communication. L’évaluation par cette grille AGGIR aboutit à l’attribution de l’Allocation personnalisée à l’autonomie (APA) pour les personnes les plus dépendantes (GIR 1 à 4).

     L’évaluation de la dépendance doit aboutir à la mise en place d’un plan d’aide en sortie d’hospitalisation, ou par le médecin traitant confronté à une perte d’indépendance à domicile.
     Ce plan d’aide comporte un volet sanitaire avec la prise en charge médicale et paramédicale assumée par l’assurance maladie (à 100 % pour les pathologies relevant souvent d’une Affection longue durée). Le volet social lui, est pris en charge par le conseil général par le biais de l’APA.
     La mise en place d’aides humaines professionnelles (aide à domicile, aide soignante, IDE, kinésithérapeute) ou d’aides techniques (matériels médicalisés, aménagements du domicile, téléalarme...) est fonction des besoins de la personne. La coordination du plan d’aide s’articule autour du médecin traitant et du médecin en charge de l’APA.
     La famille joue un rôle essentiel et peut prendre une part active à l’aide à la dépendance. Ce n’est cependant pas aux « aidants naturels » (conjoints et enfants) de prendre en charge les soins corporels et il est préférable de laisser ces tâches à des professionnels. La prise en charge sociale fait également partie intégrante du maintien à domicile, les assistantes sociales jouant un rôle primordial dans l’accompagnement des personnes âgées et de leur famille, dans l’obtention des diverses prestations et dans l’accompagnement dans les nombreuses démarches.
     Quant la prise en charge au domicile devient difficile, l’entrée en institution s’impose. Cette dernière doit être anticipée et préparée avec la personne âgée. La personne doit pouvoir participer au choix de l’établissement et à l’élaboration de son projet de vie.
     L’objectif de cette approche gérontologique pluridisciplinaire est la prise en charge la plus adaptée possible de la personne âgée avec le souci de respecter au maximum ses choix de vie et sa dignité.