En Bretagne, la Fédération des promoteurs immobiliers compte vingt-quatre membres repré- sentant plus de 80% de la production privée de logements neufs. Elle regroupe des promoteurs locaux, des groupes régionaux et les antennes régionales des groupes nationaux. À son initiative, un observatoire de l’immobilier neuf a vu le jour en 2009 : Oreal (Observatoire ré- gional analytique du logement). Fort de cinquante-et-un membres (promoteurs, banquiers, aménageurs, industriels du bâtiment, concessionnaires et bientôt collectivités locales…), il permet d’accéder à des statistiques, basées sur les contrats de réservation, exhaustives à 95%, donc très fiables. Les relevés trimestriels d’Oreal sont devenus un indicateur essentiel de l’analyse du marché du neuf dans notre région.
À l’heure actuelle nous constatons globalement une forte inadéquation entre l’offre libre existant sur le marché et la solvabilité des ménages. Cette tendance, qui s’est accentuée depuis 2011 et qui constitue un véritable frein à la mobilité professionnelle, est devenue inquiétante. Elle est symptomatique d’un clivage qui est en train de gripper le parcours résidentiel des classes moyennes. Ayant des ressources supérieures aux plafonds de l’accession ou du locatif social, ce segment de la population éprouve de plus en plus de difficultés à se loger.
À partir de l’exemple de Rennes Métropole, nous tenterons d’expliquer cette tendance et de faire part de nos réflexions pour endiguer ce phénomène. À la lumière des deux graphiques ci-contre, deux constats s’imposent : premièrement, le prix au m² de l’offre augmente. En un an, il est passé de 3130 € à 3485 €. Deuxièmement, la part de l’offre disponible en dessous de 3000 € du m² ne cesse de baisser. En un an, elle est passée de plus de 50% à 37%.
- d’une part l’augmentation des charges foncières et l’inflation réglementaire qui s’est accélérée sur les cinq dernières années (réglementations thermique, sismique, handicapés, locaux cycles, déploiement de la fibre optique, taxe d’aménagement, labellisation Bbc…). Nous estimons la part d’augmentation des prix due à ce « millefeuille réglementaire » à plus de 15% des prix de vente en 3 ans.
- d’autre part, l’impact du pourcentage de mixité sociale imposé à une grande partie de la production. Ce « modèle rennais » qui a fait ses preuves dans le domaine du logement social, risque d’être rattrapé par la réalité du marché. En effet, cette politique nous oblige, à pratiquer une péréquation sur les prix du logement libre. Nous créons ainsi un « impôt de palier » en majorant artificiellement ces prix. Cette voie, déjà fortement contestable lorsque les ventes étaient dopées par des dispositifs favorisant l’investissement locatif, est sans issue à l’heure où les propriétaires occupants constituent la majorité des acquéreurs.
La forte baisse des ventes enregistrée depuis début 2012 et notamment à Rennes est un signal fort. Nos prévisions pour le 2e semestre sont pessimistes et vont aboutir inévitablement à l’abandon de certains programmes, faute de pré-commercialisation et donc de financement. Pour les opérations mixtes, cela entraînera corrélativement la baisse de production de logements sociaux et de logements abordables.
Les outils existants en faveur de l’accession intermédiaire sont d’une efficacité relative :
- Au premier rang, on trouve le Ptz+ qui s’est montré mal adapté et donc, à lui seul, rarement suffisant pour déclencher l’accession à la propriété.
- Seuls les dispositifs déclenchant la Tva réduite à 5.5% puis à 7% permettent un véritable effet de levier pour les ménages à revenus modestes et moyens. Le Pass- Foncier, hélas abandonné trop vite, a été un outil efficace. Il est relayé aujourd’hui par deux dispositifs :
l’accession en faveur des primo-accédants dans les zones Anru. Ces zones ont démontré leur pertinence, mais leur durée et leur périmètre sont limités dans le temps.
le Psla (Prêt social location accession), qui est, à ce jour le seul outil pérenne. Ce dispositif réglementairement destiné à tous les producteurs de logements, y compris les promoteurs privés, a été, sur Rennes Métropole, réservé aux organismes sociaux et aux coopératives. Nous avons, à de nombreuses reprises, fait part de notre incompréhension face à cette exclusion. Signalons que dans d’autres régions, le Psla est devenu un des outils de la politique du logement ouvert à tous les acteurs (exemple de la communauté d’agglomération de Caenla- Mer qui a signé des conventionnement de Psla avec les promoteurs). Pourquoi se priver de notre capacité de production ?
Par ailleurs, les dispositifs en faveur de l’investissement locatif, incontournables soutien de la production de logements, après avoir été largement rabotés touchent à leur fin. Il est notoire que ce type d’investissement a besoin d’aide de l’État pour assurer une rentabilité minimale aux investisseurs. Sans nouveau dispositif, ces derniers vont se détourner du logement classique au profit de produits plus attractifs.
Forts de ce constat nous avons mené des pistes de réflexion.
Tout d’abord au niveau national, nous menons une étude approfondie pour tenter de baisser nos coûts de production, tout en réclamant un moratoire réglementaire afin de digérer les coûts induits des nouvelles réglementations. Parallèlement, une série de propositions vont faire prochainement l’objet de discussion avec le ministère du logement (aide en faveur des primo-accédants, amélioration du Ptz+, nouveau dispositif pour l’investissement locatif…). Mais cela prendra plusieurs mois.
C’est pourquoi, nous restons persuadés que l’action au niveau des territoires est la plus pertinente car elle permet d’être au plus près du marché et des revenus des ménages de chaque région. À l’échelon des collectivités locales, des expériences en faveur de l’accession intermédiaire se multiplient en France. Souvent issues d’une concertation avec les acteurs privés, ce sont autant d’exemples intéressants qui peuvent servir de base de réflexion pour l’avenir.
Dès juin 2011, nous avons soumis aux élus rennais notre réflexion en termes de charges foncières et de prix maîtrisés, applicables aux Zac de Rennes Métropole. Ces propositions sont le résultat d’une équation simple : faire correspondre le prix des logements à la solvabilité des ménages, tout en maintenant une marge acceptable par notre métier à risque. Pour l’instant, ces propositions n’ont pas été retenues.
Et pourtant, il y a urgence. Sans réaction forte et rapide, la crise du logement va s’amplifier avec des conséquences dramatiques sur le secteur du bâtiment. Le temps est venu de rendre plus perméable le cloisonnement entre le secteur social et le secteur libre.
Le logement abordable est à la croisée des chemins. À nous, en collaboration avec les services du logement de Rennes Métropole et les bailleurs sociaux, de trouver la meilleure équation au profit du logement abordable. Le challenge est à la hauteur des enjeux du Plh.