Au début des années 1800, l’éducation des filles est dispensée par des « institutrices » indépendantes. Par exemple, une certaine Mme Lemercier tient, rue des Carmes, une école dite Manufacture de dentelle et de broderie. Une soixantaine d’élèves âgées de 12 ans au plus, présentées par le maire ou le curé, suivent une instruction gratuite de deux années. Au programme: lecture, écriture… mais aussi les principes de la religion et l’art de faire des dentelles. En 1872, douze écoles privées laïques de ce type proposent des cours privés pour environ une cinquantaine d’élèves, jeunes filles déshéritées ou de milieux favorisés. En 1909, par exemple, ouvre le cours Brizeux pour jeunes filles de bonne famille.
Tout au long du 19e siècle, les écoles congréganistes se réinstallent à Rennes. Seize congrégations se succèdent pour dispenser l’enseignement aux filles. Citons en 1807, la première institution ouverte pour les jeunes filles par la congrégation des Dames du Sacré-Coeur. En plus des matières classiques sont enseignés les travaux d’aiguille et « le piano selon la volonté des parents ». Citons encore l’école des filles de la Sagesse ou encore le pensionnat de la communauté des Dames de Saint-Thomas de Villeneuve.
Vers 1811, les soeurs de Notre-Dame-de-Charité du Refuge dites de Saint-Cyr ouvrent sur le domaine éponyme « une maison de refuge pour les repenties et une maison de préservation pour les jeunes filles orphelines ou abandonnées ». Ces dernières sont les plus nombreuses. Les soeurs les forment aux travaux manuels « pour leur permettre de gagner honorablement leur vie ». Le rapport d’un médecin, rédigé en 1911, est édifiant sur le regard porté sur ces recluses. Il écrit : « La plupart pourrait aller à l’école communale, mais quelques-unes sont indisciplinées, ont un mauvais esprit, un caractère vicieux et portent sur elles un lourd passé héréditaire, relevant plutôt d’une école de réforme que d’un établissement scolaire municipal où elles pourraient devenir la cause de troubles et de désordre et jeter même sur cet établissement un véritable discrédit ».
En 1830, la loi Guizot qui porte sur l’instruction primaire au profit des classes populaires, fait obligation à chaque commune d’entretenir une école primaire. Dans les faits, seules quelques écoles de garçons sont ouvertes dans l’Hexagone. Vingt-ans plus tard, la loi Falloux rend obligatoire l’ouverture des écoles municipales pour filles, dès 800 habitants. Peu de communes s’y soumettent. De plus, cette loi laisse toute latitude à l’enseignement confessionnel. À Rennes en 1863, vingt-deux écoles privées laïques et quatorze écoles dirigées par des congrégations religieuses se chargent d’éduquer les filles. Il n’existe toujours pas d’école municipale de filles. En 1867, la loi Dury fait obligation à « toute commune de 500 habitants et au-dessus » à ouvrir « au moins une école publique de filles ».
Dans la capitale bretonne, il faut attendre onze ans après la promulgation de cette loi pour que la municipalité rennaise ouvre la première école municipale de filles, boulevard de la Tour-d’Auvergne. En plus du tronc commun où figurent en bonne place les travaux de couture, sont progressivement dispensés des cours de dessin, de chant et même d’anglais.
En 1882, la loi Ferry promulgue l’instruction primaire, publique, obligatoire et laïque. Les écoles municipales de filles sont désormais au nombre de quatre et accueillent 750 élèves. À la veille de la première guerre mondiale, plus de 2000 élèves fréquentent les six écoles municipales de filles. Leurs autres camarades suivent leur scolarité dans l’une des neuf institutions congréganistes ou encore au sein des trois dernières écoles privées laïques.
C’est aussi en 1882, qu’ouvre l’école normale de filles qui forment les futures institutrices.
En milieu rural se développent les écoles ménagères agricoles ambulantes formant des épouses, bonnes ménagères, qui épaulent leur mari dans les travaux de la ferme. En 1886, à Coëtlogon, est créée la première école d’agriculture et de laiterie pour filles en France. En 1924, elle accueille une école ménagère agricole fixe qui devient en 1941, une école nationale d’enseignement ménager. Au programme: hygiène, économie domestique, éducation morale, laiterie, agriculture et jardinage, comptabilité agricole et ménagère.
En 1890, dans le même esprit de « services rendus à leur futur ménage », des cours professionnels complémentaires sont annexés à l’école municipale des filles du boulevard de la Tour d’Auvergne. Au programme: des cours de lingerie, de coupe, de confection et de repassage dispensés en deux ans. L’inspecteur d’académie motive sa décision en ses termes: « Il peut y avoir comme résultats (…) de former leur goût et de les préparer à l’apprentissage d’un métier. (…) Si elles restent chez elles, elles pourraient se rendre très utiles en confectionnant les effets de leur famille. Mariées plus tard, elles pourraient rendre les mêmes services dans leur ménage ». En 1909, la municipalité désireuse d’ouvrir de nouveaux cours de ce type dans la ville, argumente que les jeunes filles doivent suivent des cours de ménage et de cuisine « pour que les hommes n’aillent plus au café, mais restent dans leur foyer ».
En mars 1880, Lucien Levy, professeur de mathématiques au lycée de garçons, demande l’autorisation d’ouvrir des cours pour l’enseignement secondaire des jeunes filles. Ils se déroulent dans les salles du Palais universitaire,actuel musée des Beaux-Arts, pour une quinzaine d’élèves. En décembre, la loi Camille Sée officialise l’ouverture des lycées et collèges de jeunes filles en France, avec près de quatre-vingt ans de retard sur ceux des garçons. Les études, plus courtes de deux années que celles de leurs homologues masculins, sont validées par un diplôme d’enseignement secondaire qui ne permet que difficilement l’accès à l’université.
À Rennes, ces cours secondaires ne deviennent « lycée » qu’en 1906. Il faudra toute la persévérance de la directrice Mlle Ory pour que l’ancien pensionnat du Thabor ne soit enfin transformé en lycée de jeunes filles. Celles-ci apprennent l’anglais et l’allemand, puis l’espagnol, en 1933 et l’italien, en 1937. La couture est facultative, mais peut être une épreuve à certains examens. Jusqu’en 1947, chaque matin les jeunes filles débutent leur journée par « un réveil musculaire ». Elles pratiquent le sport en culotte bouffante bleue.
Dans tous les établissements, jusqu’à la fin des années 60, l’uniforme, puis la blouse sont obligatoires. En 1918, les internes du lycée de jeunes filles portent l’uniforme: tailleur bleu marine, béret, manteau ou imperméable, socquettes et gants blancs. En 1924, « le fard et le vernis à ongle ne sont pas autorisés ». En 1945, seuls sont exigés les gants et la coiffure, béret pour les petites et turban bleu pour les grandes. Afin d’éviter les sanctions en cas d’oubli, il n’est pas rare de voir une élève porter un gant gauche et l’autre, un gant droit. Les promenades des internes sont préparées pour éviter toute rencontre jugée inopportune. En 1948, une élève de 3e est exclue définitivement « pour avoir entretenue une correspondance amoureuse avec un lycéen et l’avoir rencontré ». Au final la blouse noire sera détrônée par la bleue unie. En 1965, révolution: la blouse rose entre dans la garde-robe des élèves. Le pantalon finit par être toléré… sous la jupe!
En 1967, le lycée de jeunes filles devient lycée Anne-de- Bretagne.
Jean Janvier, républicain, souhaite créer une première école primaire supérieure et professionnelle de jeunes filles à la place du collège Saint-Vincent, repris à la congrégation religieuse par le préfet. Elle ne sera inaugurée qu’en 1917, mais un violent incendie retardera l’ouverture jusqu’en 1923. Ce sont alors 500 jeunes filles de milieu modeste, y compris de milieu rural qui intègrent la structure entre 11 et 12 ans, titulaires du certificat d’études. Elles sortent diplômées cinq ans plus tard à 16 ou 17 ans. En plus du tronc commun leur sont enseignés le chant choral, un enseignement ménager, des travaux manuels (couture, ornementation broderie, tricot…). En 1941, l’école primaire supérieure et professionnelle de jeunes filles devient collège moderne Jean-Macé, puis lycée de jeunes filles avec une section commerciale et une section industrielle (couture et repassage).
En 1960, le lycée de Bréquigny ouvre en tant qu’annexe du lycée de jeunes filles pour soulager les effectifs. Il devient mixte en 1962, une première pour l’époque.
En application de la loi Haby, la mixité ne devient obligatoire qu’en 1976. Elle ne fait qu’entériner un fait. Citons à Rennes, l’arrivée des premiers garçons dans les classes de l’école des filles de l’école primaire Oscar Leroux, en 1966. Ces derniers subissent les railleries de leurs camarades restés à l’école des garçons.
Cette mixité n’est pas sans inquiéter certains parents et éducateurs. Ainsi le port de la blouse perdure pour les filles dans de nombreux établissements secondaires. Les raisons invoquées officiellement sont la sécurité et la discrétion de la tenue. La raison est ailleurs, car curieusement les garçons sont exempts de cette obligation. Officieusement certains affirment: « Il n’est pas nécessaire de faire ressortir les inconvénients des bras nus ou des épaules découvertes parmi les jeunes gens ».
Les filles du collège Émile-Zola connaissent la valse des blouses bleues et roses portées une semaine sur deux. Pas facile de s’y retrouver au retour des vacances. Pour éviter l’avertissement donné à la cantine par le surveillant général, les demi-pensionnaires étourdies empruntent une blouse de bonne couleur à une camarade externe. En 1973, ce même surveillant général fait le tour des classes pour annoncer la décision prise par le conseil d’administration: « Les blouses ne sont désormais plus obligatoires pour vous les filles. Vous allez pouvoir dévoiler au grand jour vos formes et dessous cachés… ». Ces propos qui ne sont pas encore vécus comme sexistes, ont au moins le mérite de commencer à nourrir une prise de conscience chez les futures féministes…