Dès 1981, pionnière en France, la Ville de Rennes mettait en place « la gestion différenciée des espaces verts ». « De 60 ha à gérer, en 1966, nous sommes passés à 400 ha, en 1981 et 850 ha, aujourd’hui. Face à cette augmentation constante du patrimoine végétal, nous avons revu notre organisation et notre manière de travailler. Les pratiques qui convenaient à un jardin ornemental comme le Thabor n’étaient plus adaptées à la multiplicité et à la diversité des paysages et des usages ». Un protocole est alors établi en fonction du type d’espace à gérer avec un classement en cinq catégories. Il a favorisé l’implantation progressive et durable d’une autre idée de la nature en ville.
Ainsi, dans les « les jardins structurés très fleuris », la nature est très maîtrisée, d’aspect sophistiqué, avec une mise en scène soucieuse du détail par exemple au Thabor. Dans les simples « jardins structurés », par exemple au parc de Maurepas, la nature est toujours domestiquée mais les végétaux sont de forme libre et l’intervention du jardinier plus discrète. « Les jardins d’accompagnement », espaces verts de proximité pour les riverains, tel le square Louis-Jouvet, offre une alternance de végétaux plantés et de végétation spontanée comme le lierre en couvre-sol. Dans « les jardins champêtres », type parc de Beauregard, la flore spontanée est favorisée. Enfin dans « les jardins de nature », la Prévalaye en étant le modèle, les espaces sont laissés libres au développement d’une végétation naturelle et les prairies fauchées une fois par an.
Cette gestion nouvelle répond à la création de nouveaux types de paysage dans la ville et les favorise par l’introduction des vivaces et des semis. Il n’est plus rare de voir les plantes à bulbes, comme les jonquilles, voisiner avec le trèfle sauvage, sur les îlots des voiries, ou encore de voir au Thabor fleurir les myosotis.
Désormais, les pratiques anciennes voisinent avec les nouvelles stratégies environnementales qui prennent aussi en compte, sur le long terme, les évolutions climatiques. « Si nous voulons laisser à nos enfants de beaux arbres, nous savons par exemple que le hêtre ne pourra pas s’acclimater. Nous n’en plantons plus, désormais. Nous replantons du chêne d’Espagne ou de Hongrie et des magnolias! » Et d’ajouter: « Au cours des années à venir, il n’y aura pas plus d’espaces verts à gérer, car la ville s’intensifie. L’enjeu est de développer du mieux, en termes de continuité, mais aussi en termes d’usage ».
Assurer la continuité entre les îlots de verdure est un enjeu majeur de la nouvelle ville nature. Citons par exemple l’intervention du Service des jardins dans la phase opérationnelle du parc en réseau du Blosne, ce parc (voir par ailleurs dans ce numéro de Place Publique) dont l’intérêt est de pouvoir empêcher les ruptures de la trame verte ». Ainsi, square de Sétubal a été aménagé en coeur d’îlot différents types de paysage: de la prairie fleurie, de la zone humide entourée de gabions plantés, du jardin de palmiers près du centre culturel islamique … autant de façon de favoriser la biodiversité.
850 ha d’espaces verts
200 000 bulbes naturalisés plantés chaque année pendant cinq ans (crocus, narcisses…)
1 ha de semis en prairie fleurie Un fleurissement horticole de 125000 plantes pour chacune des deux saisons.
L’entretien de 100 000 arbres dans les parcs et squares et 30 000 arbres d’alignement. Citons 4 000 arbres à renouveler de façon active dans les dix ans à venir.
Le service des Jardins pilote aussi le dossier des Prairies Saint-Martin pour « réaménager ce poumon vert » (voir notre article par ailleurs) avec « l’eau comme un enjeu majeur pour cette zone d’extension des crues que nous transformerons en zone humide aménagée. » Un projet de longue haleine où un travail de dépollution des sols doit être mené au préalable, en particulier sur l’ancienne zone industrielle de Trublet.
Autre secteur clef, la Prévalaye: « La question est de savoir comment aménager ces 300 ha de zone préservée, sans les dénaturer, tout en respectant les usages, avec la proximité de la Courrouze ».
On pourrait citer dans un autre domaine, l’opération « Embellir nos murs », une possibilité offerte à tout Rennais de fleurir les pieds de mur. Une opération lancée en 1995, à l’initiative de l’association Rennes Jardin: « Il suffit au particulier de faire une demande à la Ville de Rennes qui prend à sa charge la découpe de l’enrobée sur une bande vingt centimètres de large et l’apport de terre végétale ». À charge à l’intéressé d’assurer les plantations de son choix. Une façon de sensibiliser les habitants aux questions environnementales, tout en ouvrant des minicorridors verts pour les Liliputiens de la nature.
Dans le respect de la biodiversité, la Ville de Rennes a mis en place depuis 1995 une gestion environnementale écologique, avec la suppression progressive des pesticides jusqu’à l’arrêt total, en 2005, sur l’ensemble du territoire et, tout récemment, dans les cimetières. « Ce nouveau mode de gestion a eu des effets mesurables sur l’enrichissement de la flore et de la faune. L’arrêt des pesticides nous montre que la nature est bien faite. Tout un cortège de prédateurs s’est installé naturellement ». Dans la continuité, en 2004, un principe de « lutte intégrée » a été mis en place dans les serres municipales. « L’observation quotidienne des plantes permet un lâcher de prédateurs correspondants aux parasites repérés, les coccinelles par exemple. »
Seule difficulté constatée dans cette lutte menée de façon écologique, les réponses à apporter à l’invasion de la chenille processionnaire, urticante pour l’homme. « Nous avons recensé plusieurs milliers de nids. Quand on sait qu’il y a plus de trois cents chenilles par nid, il peut y avoir de vrais problèmes sanitaires. » Le service des Jardins a donc imaginé une succession d’opérations: inoculer un petit vers tueur dans les nids, installer des pièges à chenilles le long des pins et des pièges à phéromone pour les mâles, implanter des nids pour les mésanges, un important prédateur.
Toutes ces approches environnementales ont fait évoluer et ont enrichi le métier de jardinier de la Ville. Le matin, ce dernier est horticulteur et l’après-midi, « éco-jardinier ». « Préserver l’existant et aménager en respectant l’existant », pourrait être la devise rennaise. Et Bertrand Martin de conclure: « Avec l’ingénierie végétale, nous avons appris à jouer avec la nature plutôt que contre elle, en parfaite intelligence et tout naturellement ».