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Dossier
#13
Jacqueline Calonnec, auxiliaire de vie sociale
RÉSUMÉ > Jacqueline Calonnec est auxiliaire de vie sociale, un titre qu’elle revendique. Elle nous dit pourquoi elle aime ce métier qu’elle a choisi au service des personnes âgées ou fragiles. Toutefois, elle déplore le manque de reconnaissance et la faiblesse de la rémunération.

« Dans mon travail, je me sens très utile »

Place Publique > Comment êtes-vous arrivée à ce travail d’« aide à domicile » chez les personnes âgées et/ou personnes fragiles ?

Jacqueline Calonnec > C’est un parcours de vie. J’ai 48 ans. Je suis mariée et j’ai trois enfants. Après le bac, j’ai travaillé comme commerciale pendant une quinzaine d’années et j’ai pris ensuite un congé parental pour m’occuper de mes enfants. Arrivée en Ille-et-Vilaine à la suite d’une mutation professionnelle de mon mari, j’ai fait un bilan de compétences et j’ai souhaité, m’orienter vers le social. J’ai suivi la formation et obtenu le diplôme du DEAVS (diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale) à l’Institut du travail social de Bretagne (IRTS). Ayant effectué pendant la formation mes stages au CCAS de la ville de Bruz, j’y ai ensuite été recrutée.

PLACE PUBLIQUE > En quoi consiste votre travail ?

JACQUELINE CALONNEC >
Je travaille dans un petit service qui comprend huit aides à domicile dont l’activité est de répondre aux besoins des personnes âgées et/ou personnes fragiles habitant la commune de Bruz.

PLACE PUBLIQUE > Vous aimez votre métier ?

JACQUELINE CALONNEC >
Ce qui me passionne, c’est d’aider les personnes âgées dans leur vie quotidienne pour permettre à celles qui le souhaitent de rester chez elles le plus longtemps possible. Je pense qu’il y a un vrai besoin car beaucoup vivent mal une hospitalisation ou un départ en maison de retraite imposé. Les difficultés pour respecter ce choix sont bien sûr d’ordre concret et pratique, mais le plus difficile à maîtriser me semble être pour elles le risque d’ennui et de solitude; le plus triste par exemple me semble être de manger toujours tout seul sans aucun échange possible avec quelqu’un en mangeant. Depuis longtemps, j’étais motivée par un travail dans le social probablement en raison de mon histoire personnelle: ma mère est décédée quand j’avais 12 ans et ma famille a bénéficié de l’aide très précieuse d’une aide familiale, pour moi et mes frère et soeur plus jeunes. Par ma formation et mon diplôme, j’ai acquis des compétences pour que ce soit un vrai métier. Cette formation porte essentiellement sur le savoir être et sur le relationnel et c’est à juste titre car l’entretien de la maison c’est quelque chose de beaucoup moins complexe que de bâtir des contacts de qualité avec les personnes. Mon travail comporte des aspects très humains, des relations très personnelles. Les personnes s’attachent à nous et notre service a parfois du mal à expliquer à des usagers la nécessité d’un certain turn over des intervenants pour des raisons de congés par exemple. Quand nous pouvons y consacrer du temps, les personnes apprécient l’écoute, la promenade ou la cueillette de fleurs au jardin. Dans toute la mesure du possible, j’essaie de les faire participer à certaines tâches: plier du linge, faire la vaisselle, refaire un lit ensemble; j’essaie d’éviter de les déposséder de l’exercice de leurs capacités et de les aider à redécouvrir certains gestes. Nous côtoyons des personnes seules ou des couples avec des personnalités et avec des pathologies très différentes et nous avons besoin de beaucoup d’attention et de professionnalisme pour bien respecter la vie privée et s’adapter à des situations difficiles. Il m’est arrivé de trouver une personne décédée quand j’ai ouvert la porte de son domicile. Je me dis souvent que je n’aurais pas pu faire ce travail quand j’avais 20 ans tellement nous partageons l’intimité des gens avec des exigences de stabilité personnelle pour trouver la bonne distance dans chaque relation.

PLACE PUBLIQUE > Et les tâches d’entretien du logement ?

JACQUELINE CALONNEC >
Elles font bien sûr partie de mon travail avec des limites précisées à l’usager par ma responsable de service au démarrage de la prestation. J’ai eu un problème une seule fois et j’ai réagi tout de suite à un papier que j’ai trouvé affiché et précisant : « À l’attention de la femme de ménage: prendre le balai à la cave. » Nous n’intervenons jamais en dehors de la présence des personnes ; le dialogue permet de définir les priorités sans problème et la confiance s’établit très rapidement. L’attente principale des familles est que leurs anciens se sentent bien. Parfois, cependant, certaines familles priorisent les tâches ménagères et ont du mal à cerner notre métier.

PLACE PUBLIQUE > Quelles sont les difficultés ?

JACQUELINE CALONNEC >
Je ne regrette pas du tout ce choix professionnel que j’ai fait en concertation avec ma famille car je me sens utile. J’apporte aux gens et ils me le rendent largement par ce qu’ils m’apportent, mais il y a évidemment des difficultés et elles sont importantes. La principale est le manque de temps dont je dispose pour répondre à ces besoins des personnes chez qui je travaille. Chez la plupart des personnes, j’interviens deux fois par semaine, mais je ne dispose assez souvent que d’une demi-heure pour assurer le petit-déjeuner ou le déjeuner et c’est un peu frustrant pour la relation.

PLACE PUBLIQUE > Pouvez-vous nous donner des précisions sur votre contrat de travail ?

JACQUELINE CALONNEC >
Je suis recrutée comme agent social de la fonction publique par la ville de Bruz. Le titre d’« auxiliaire de vie sociale » qui correspond à ma formation, à mon diplôme et aux tâches que je réalise effectivement n’existe pas pour l’instant dans la grille de la fonction publique territoriale. J’ai un contrat de 20 h semaine et je fais environ 100 heures mensuelles, toutes rémunérées au taux de base. Je ne me sentirais pas capable de faire ce travail 35 heures par semaine. À l’embauche, j’ai négocié de pouvoir terminer mes journées à 16 h 30 pour pouvoir être présente à la sortie de l’école de mes enfants et de ne pas travailler le mercredi. J’apprécie de pouvoir travailler en proximité de la commune où j’habite. Je suis rémunérée 9,30 euros de l’heure et mon salaire mensuel est compris entre 750 et 900 euros selon les heures effectuées ; que voulez-vous faire avec cela?

PLACE PUBLIQUE > Quelles idées avez-vous pour améliorer le métier ?

JACQUELINE CALONNEC >
L’appellation de notre métier me paraît importante. J’ai parlé de ma revendication du titre d’« auxiliaire de vie sociale ». Qu’on nous appelle « agent social », «aide à domicile » ou pire pour moi « aide ménagère » ou « femme de ménage » ne correspond pas à ce que l’on fait et peut donner l’image d’une profession de « corvées domestiques. » L’entretien de la maison, même s’il est une de nos tâches, ne constitue qu’une petite partie de notre travail. L’employeur est important. Je tiens à travailler sous la forme prestataire, avec un employeur collectif, soit public soit associatif, qui ne soit pas la personne âgée elle-même. Une médiation est importante pour gérer les rapports de travail et je trouve que le développement du « gré à gré » avec les chèques emploi-service (CESU) est pour nous une régression sociale et un renforcement de l’isolement de chacun. J’apprécie beaucoup par exemple que nous ayons une réunion de service d’une heure rémunérée tous les 15 jours, pour un échange entre nous et avec notre responsable. À compter du 1er juillet 2011, nous bénéficierons d’indemnités kilométriques et de 10 minutes de déplacement rémunérées entre deux usagers. Les questions financières sont à revoir au moment où se prépare la nouvelle loi sur la dépendance. Quand on parle aux familles, on voit l’importance qu’elles accordent à juste titre à un service de qualité pour leurs parents âgés, comment alors admettre que les salariés qui font ce travail restent quasiment toute leur vie au Smic. Il faut à mon avis revoir les budgets publics, mais je pense aussi que les familles qui en ont les moyens peuvent participer financièrement. Nous sommes essentiellement une profession féminine car les hommes n’accepteraient pas ces conditions de rémunération. Il faut de fortes évolutions pour que notre profession soit mieux reconnue afin que les personnes âgées soient accompagnées comme cela leur est dû. Concernant mon évolution professionnelle personnelle, je viens de faire un courrier au maire de la commune pour exprimer mon souhait de continuer de me former pour exercer mon travail au service de personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer.