Christophe Honoré (suite)

Il est auteur de livres pour la jeunesse mais aussi de romans pétris de sensibilité : L’Infamille, La Douceur, Scarborough, Le livre pour enfants, tous parus chez L’Olivier et repris en collection Points. Côté cinéma, on lui doit la réalisation de Dix-sept fois Cécile Cassard, avec Béatrice Dalle, de Ma mère, de Dans Paris et des Chansons d’amour, avec Ludivine Sagnier et Louis Garrel, sorti en 2007.
 

L’EXTRAIT

     « Le train s’arrête quelques minutes en gare de Rennes, je descends sur le quai fumer une cigarette. Entre dix-neuf et vingt-quatre ans, j’ai fait partie des princes de cette ville. L’Ubu, Rennes Musique, la rue Saint-Melaine, l’Ozone, le Trap, la Fête de la Paresse, le Grand Huit, la prison Saint-Michel, le Cactus, Villejean, les Trans, l’Arvor, le Thabor, Cancale, le Verger, la rue Victor-Hugo, la prison des femmes, la rue Thouillers [sans doute Toullier, NDLR], les chiottes de la salle omnisport, le parking du Thabor, le Chat bleu, l’Espace, la terrasse du bar qui fait face au théâtre de la Parcheminerie, le Café Noir, Gwen, Stéphane, Fabrice, Pierre, Nadine, Frédéric, Camille et Bernard. Frédéric, qui était pensionnaire avec moi à Le Braz et que je croise par hasard une nuit avenue Janvier, il est devenu comédien et a écrit un scénario pour Philippe Allard, Villa Beausoleil. Rétrospective Bergman, Pasolini, Fassbinder, Dreyer, et Camille Claudel, L’Étudiante, La bande des quatre, Zanzibar, Faux semblants, Trop belle pour toi, Batman, J’ai pas sommeil, Twin Peaks, Qui a tué Roger Rabbit, Tucker, La Loi du désir, Sexes, mensonges et vidéo, Les Baisers de secours, My Own Private Idaho, Les Amants du Pont-Neuf. Une dernière bouffée sur ma cigarette, je remonte dans le wagon, une fois à ma place je me souviens de cette nuit à l’Ubu où après un concert, le chanteur des La’s s’était approché de moi, il m’avait demandé s’il pouvait boire un peu de ma bière, me faisant signe que le bar était inaccessible, et je lui avais tendu mon gobelet en plastique, il avait bu, puis m’avait rendu le gobelet presque vide et après m’avoir remercié, avait disparu. J’ai toujours ce gobelet. S’est-il passé une chose plus importante entre mes dix-neuf ans et mes vingt-quatre ans que cette bénédiction? Le train redémarre. »

Le livre pour enfants, Christophe Honoré, Points, pp.161-162.

L’AUTEUR

     Né en 1970 à Carhaix (Finistère), Christophe Honoré est romancier, auteur de théâtre et cinéaste. Il a passé son enfance à Rostrenen (Côtes-d’Armor). Après le lycée à Saint-Brieuc, il fait des études de Lettres moderne et de cinéma à Rennes.
Il est auteur de livres pour la jeunesse mais aussi de romans pétris de sensibilité : L’Infamille, La Douceur, Scarborough, Le livre pour enfants, tous parus chez L’Olivier et repris en collection Points. Côté cinéma, on lui doit la réalisation de Dix-sept fois Cécile Cassard, avec Béatrice Dalle, de Ma mère, de Dans Paris et des Chansons d’amour, avec Ludivine Sagnier et Louis Garrel, sorti en 2007.

LE LIVRE

Le livre pour enfants est un récit autobiographique sur la possibilité ou non d’écrire son enfance, la vie de ses parents. C’est un livre d’émotion entre carnet de tournage du film Ma mère, souvenirs de son initiation homosexuelle et récit de la mort de son père, prothésiste dentaire, dans un accident de voiture alors qu’il était lycéen.
L’extrait ci-dessus se situe à la fin du roman, quand le narrateur, aujourd’hui trentenaire, se rend en train de Paris à Rostrenen pour assister à l’exhumation du corps de son père en vue de son transfert à Vannes où vit désormais sa mère. Pendant l’arrêt du TGV en gare de Rennes, il se remémore la ville où il vécut cinq ans au début des années quatre-vingt- dix.