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Initiatives urbaines
#02
RÉSUMÉ > Marc Dumont est maître de conférences en aménagement urbain. Il est membre du laboratoire Eso-Rennes (Université de Rennes 2) et du Laboratoire LAUA (Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes). Il est membre du comité de rédaction de Place Publique Rennes. Il partage sa veille des innovations urbaines, insolites, amusantes et instructives, ici et ailleurs.

La ville norvégienne de Kirkenes disposera de la plus haute tour… en bois du monde: 17 étages. Commandée par l’organisme public chargé du Grand Nord, elle abritera des bureaux une bibliothèque et des locaux consacrés à la recherche et à la création. Sa construction devrait offrir un bilan carbone négatif et produire au moins autant d’énergie qu’elle en consommera.

Moins de pouvoir pour les architectes des Bâtiments de France

L’association des villes d’art et d’histoire (dont Rennes et Nantes font partie) s’est émue de la suppression par la loi Grenelle 1 de l’« avis conforme » (avis dont le sens doit être suivi) que devait donner l’architecte des Bâtiments de France, à tout projet, dans les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP). Cette loi du 23 juillet ne consent plus à l’architecte qu’un « avis simple » qui pourra être outrepassé, l’État tranchant en dernier ressort. L’enjeu dépasse une simple question de simplification administrative. Selon les villes d’art et d’histoire, l’architecte des Bâtiments de France garantit la cohérence d’une vision politique culturelle sur l’ensemble du territoire. Elle craint que les élus soient laissés seuls face aux promoteurs, que les contentieux juridiques se multiplient devant les tribunaux administratifs (au lieu de s’arrêter aux commissions ad hoc). Une telle loi, écrit l’association, laissera sans protection l’abord des monuments historiques en ZPPAUP où le périmètre de protection des monuments inscrits ou classés a été supprimé puisque les pouvoirs de l’architecte des Bâtiments de France sur les permis de construire et de démolir étaient encadrés par l’avis conforme du fait de la ZPPAUP. Le désaccord entre les députés, pour l’avis simple, et les sénateurs, favorables à l’avis conforme, a été tranché, à une voix près, en commission mixte parlementaire. Motif : les architectes des Bâtiments de France se seraient montrés trop pointilleux sur des projets d’installation de panneaux solaires. Commentaire de l’association des villes d’art et d’histoire dans une lettre au ministère de la Culture: « La motivation de ceux qui ont emporté ce choix paraît liée davantage à quelques différends locaux qu’à la vision globale qui doit être celle de votre ministère ».

Constantine se débarrasse de ses gourbis

La réception de l’Université d’Ali Mendjeli, en avril 2010 près de Constantine, va marquer la fin de la construction de toutes pièces de cette ville, prévue pour 300 000 habitants. Officiellement lancé en 2000, ce projet visait à éradiquer les bidonvilles qui s’étaient greffés sur le Vieux Rocher. Des milliers de « favelas » et de gourbis portant des noms évocateurs, New York, par dérision, ou Al Qahira (Le Caire), avaient enserré Constantine d’une ceinture de pauvreté, où drogue et prostitution faisaient bon ménage. Aujourd’hui 70 % de ces bidonvilles ont disparu. Environ 100 000 habitants vivent à Ali Mendjeli. 200 000 autres vont bientôt les rejoindre. Toutes formules confondues, 50 000 logements auront été réalisés dont près de la moitié en logements sociaux. L’université pourra accueillir 52 000 étudiants. Un hôpital militaire de 55 lits a été ouvert. Plusieurs administrations ont prévu de s’y installer. Un stade « olympique » est aussi attendu. Mais les détracteurs de l’opération anti-bidonvilles craignent qu’elle n’engendre à Ali Mendjeli « une pagaille urbanistique et comportementale ».

Toulouse: un centre-ville commercial plus agréable

La mairie de Toulouse choisira avant la fin de l’année le cabinet d’urbanisme qui se penchera sur la rue Alsace-Lorraine, la plus grande artère commerçante de Toulouse, et quelques rues adjacentes, une zone de 3,5 ha au total. La rénovation provisoire entreprise par la municipalité précédente s’est, en effet, tellement dégradée que c’en est devenu « infernal et sordide ». Il faudra procéder par étapes pour gêner le moins possible les 184 commerces du secteur, des commerces beaucoup plus grands que la moyenne (128 m2 au lieu de 57 m2) pour le reste de la ville. La nouvelle rue devra permettre le passage des véhicules des sapeurs-pompiers et de livraison (3 000 t par mois!). Elle devra favoriser le partage de l’espace entre piétons et deux-roues. Et trouver des solutions pour être moins déserte le soir, quand les rideaux sont tombés. Percée en 1874, la rue Alsace- Lorraine accueillit son premier immeuble en 1878 et fut achevée en 1900. Construits en briques jaunâtres et ocres, coiffés de toitures d’ardoises, ces immeubles présentent de hautes fenêtres qui ouvrent sur des balcons en fonte, ornés de pierres sculptées. Elle a retrouvé aujourd’hui son aspect piétonnier.

Les îlots de chaleur des zones industrielles et commerciales

Alerte! Il n’y a pas que les pôles qui se réchauffent. Montréal (Canada) vient de prendre sa température et ça ne va pas très fort. Quatre nouvelles zones de chaleur intense sont apparues, notamment à la hauteur d’un centre commercial. Avec les parcs industriels, les centres commerciaux créent de plus en plus d’ilots de chaleur urbains. Selon les relevés satellitaires, la différence de température, en ville, entre une zone fraîche et une zone chaude peut aller jusqu’à 15 °C. « Si on vit près d’une zone chaude, on le sent, affirme James Voogt, professeur à l’université Western Ontario, car la chaleur se transmet à l’air qui se déplace ». Dans la région, l’usine Bombardier, à Saint-Laurent, détient la palme de la zone la plus chaude: le 5 juillet 2008, à 10 h 25, il y faisait 41,9 °C contre seulement 21,7 °C à quelque distance de là. Mais le problème est assez général: en ville, il est aggravé par l’absence d’arbres, le béton, le revêtement routier et les toits goudronnés. C’est un vrai problème de santé publique : les personnes âgées et les enfants sont très sensibles à la hausse des températures.

Montréal: un tramway à 60 millions de dollars le kilomètre

Le projet de tramway de Montréal pourrait coûter 50 % plus cher que prévu, près de 750 millions de dollars soit environ 60 millions de dollars pour chacun des 12,5 km, en raison de la pente qu’il devra gravir pour contourner le mont Royal. Les deux premières lignes transporteront respectivement 16 millions et près de 5 millions de voyageurs. Déjà dotée d’un métro, la ville de Montréal rejoindra ainsi les 170 villes qui, à travers le monde, ont choisi le tramway. L’étude de faisabilité, achevée en 2010, établira le parcours détaillé des lignes et la conception des stations et du matériel.
 

Un troisième pont sur le Bosphore pourrait être construit à Istanbul. L’enquête d’utilité publique a eu lieu dans la plus grande discrétion et les appels d’offres pourraient être lancés avant la fin de l’année. Mais on ne connaît toujours pas l’endroit exact où sera construit ce pont, entre les quartiers de Tarabya (côté européen) et de Beykoz (côté asiatique). Deux personnalités, un universitaire et le président de la chambre des ingénieurs des eaux et forêts conduisent la rébellion: « Istanbul n’a pas besoin d’un nouveau pont qui attirera en ville des milliers de voitures supplémentaires, mais plutôt du métro qui passera en 2012 sous le Bosphore ».

À Montpellier, un nouveau type de centre commercial

Montpellier vient d’inaugurer un centre commercial d’un type nouveau: Odysseum est le nouveau terminus de la ligne 1 du tramway à dix minutes de la place de Comédie, coeur de la ville. Le centre commercial ne sera plus accessible seulement en voiture. Mais ce fut une… odyssée que de construire Odysseum: quinze ans de négociations, parfois houleuses, et de travaux pour construire 33 000 m2 de commerces et de restaurants autour d’un espace piétonnier à ciel ouvert, à mi-chemin du centre commercial traditionnel et de la rue commerçante. Icade, promoteur de ce projet, espère huit à dix millions d’entrées chaque année dans l’hypermarché et les 96 boutiques d’Odysseum, des visiteurs dont Georges Frêche, toujours grandiose, prédit qu’ils viendront de 300 km à la ronde.

Après vingt-trois ans de réflexions, Douarnenez se dote d’une ZPPAUP, une zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager. Elle permettra de protéger le littoral et la ria du Rhu, les entrées de la ville, et tout le petit patrimoine qui a marqué l’histoire de la ville, les fontaines, les haies, les murs de clôture… Au total, 195 éléments de patrimoine ou de paysage ont été répertoriés. Les règles de la ZPPAUP vont permettre selon la mairie d’harmoniser le paysage urbain et d’embellir la ville.

L’agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) serait en train de rattraper le retard pris par son programme 2005-2013. Objectifs revus à la baisse, décalage entre les démolitions et les reconstructions, manque de financement, modalités de paiement lentes et compliquées retard général des engagements et des livraisons : les critiques pleuvaient. C’est, selon la direction de l’Anru, un mauvais souvenir. En 2008, le nombre de projets sortis de terre s’est accéléré et 2009 s’annonce bien, grâce au plan de relance dont les crédits permettront de construire 12 000 logements sociaux. Parallèlement, les dimensions sociales et humaines des projets (éducation, insertion, prévention de la délinquance) vont être mieux prises en compte grâce à un renforcement du partenariat avec l’Acsé, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

Saint-Etienne passe des armes au design. Après plus de trois ans de travaux, trois bâtiments de l’ancienne Manufacture royale d’armes, créée en 1764, accueillent une Cité du design et l’École supérieure d’art et de design de Saint-Etienne. La Manu avait fermé ses portes en 2000. Exemple de l’architecture rationaliste du 18e siècle, dans la lignée des Salines de Nicolas Ledoux à Arc-et-Senans ou du Grand Hornu, près de Mons, elle est construite en briques rouges et pierres blanches. Aux trois bâtiments rénovés s’ajoutent deux autres, nouvellement construits: une tour-observatoire de 28 m de haut et la Platine, un espace de 30 m de large sur 200 m, sans murs ni poteaux intermédiaires, mais équipé de cloisons mobiles qui rendent ce bâtiment entièrement modulable. Conçue comme une rue, la Platine est protégée par une « peau » qui alterne cinq types de panneaux. Fixés directement sur la charpente, ceux-ci déterminent cinq ambiances: des panneaux de photosynthèse, des panneaux translucides à maillage métallique ou avec brise-soleil intégré, des panneaux photovoltaïques et des panneaux opaques isolants. La Platine abritera salles de conférence, auditorium, bibliothèque, zones d’exposition, show-rooms, ainsi qu’une serre et un restaurant.

Le Val-Fourré a 50 ans. Ce quartier de Mantes-la-Jolie (Yvelines), très apprécié à ses débuts, puis délaissé, fut le théâtre d’émeutes en 1991. Depuis une dizaine d’années, il se transforme peu à peu. Pierre Sudreau, ministre de la Construction, donne son feu vert à la création de la ZUP du Val-Fourré, en août 1959. Les constructions sortent de terre en 1963 et vont se prolonger jusqu’en 1977. « Le Val-Fourré a changé le visage de la ville, raconte le maire UMP de Mantes-la-Jolie, Michel Vialay. Les appartements étaient modernes, spacieux et confortables pour l’époque ». En quinze ans, plus de 10000 logements sont construits. Le Val-Fourré compte à lui seul la moitié des 25000 habitants de la ville, « beaucoup de gens des classes moyennes, des ouvriers de l’usine Renault de Flins, des populations très mélangées », témoigne un habitant qui vécut au Val-Fourré de 1971 à 1987. Puis la densification a été trop forte. Les plus aisés sont partis pour aller vivre ailleurs en pavillons et le quartier s’est appauvri ». En 1991, le Val-Fourré est le théâtre d’émeutes déclenchées après la mort d’un jeune homme et d’une policière. Ces « violences urbaines » ont collé à l’image de la ville », déplore le maire. Depuis, treize tours ont été démolies et des « maisons Borloo » construites. Aujourd’hui, il reste quelques tours au milieu d’un ensemble d’immeubles de quatre à six étages, aux murs beiges ou roses, ainsi qu’un petit lotissement de pavillons mitoyens « Mais il manque des espaces verts, des terrains de jeux, des centres culturels », déplore-t-on. L’ambition de la municipalité est désormais de « reconstruire des logements sociaux et en accession à la propriété et de prolonger le Val-Fourré par une éco-quartier d’environ 1 000 logements ». Michel Viallay souligne que Mantes-la-Jolie n’a pas bougé pendant les violences de 2005: « C’est parce que nous faisons un travail important sur l’humain et le lien social ». Toutefois, le maire reconnaît « des problèmes de transport en commun le dimanche » et il souhaite développer les activités économiques.