Loi LRU. « Je n’étais pas programmé pour devenir président de l’Université. Mais j’avais déjà le goût de l’aventure collective. En 2008, l’Université se trouvait dans un moment intéressant de son histoire, caractérisée par un changement profond. C’est l’époque où l’on commençait à évoquer les regroupements, la création des campus… Il s’agissait d’une forme de renouveau. En 2006 avait été votée la loi Recherche, puis, en 2007, la loi LRU (Liberté et responsabilité des universités). La liberté, pour l’établissement, c’est une capacité à mieux faire. La loi ne parle pas d’autonomie, mais de responsabilité. C’est une forme d’autonomie « à la française », dans un cadre institutionnel où le rôle de l’État est encore très présent, tout en permettant des marges de manœuvre supplémentaires, à la fois en recherche, en formation, en développement international et en attractivité. Se présenter à la présidence, dans un tel contexte était évidemment très intéressant. »
Fonction présidentielle et territoire. « C’est l’aventure d’une équipe ! Il ne faut pas surestimer la présidentialisation de la fonction dans l’Université. Pour la première fois, pour les élections de 2008, nous avons fait campagne sur tous les campus. Il y avait à la fois l’intérêt d’une nouvelle forme de gestion de l’université, et l’ambition de donner une nouvelle place à l’établissement dans son territoire. Rennes 1 n’avait plus seulement pour mission de produire et de diffuser de la science, mais aussi d’assumer son rôle d’acteur socio-économique de son territoire. Le monde de l’entreprise s’est impliqué plus fortement dans le conseil d’administration, conformément à la loi LRU. C’est le germe de la Fondation Rennes 1, qui sera créée en 2010. »
Durée du mandat. « J’ai été élu en 2008 pour un mandat de 4 ans, renouvelable une fois. Auparavant, il s’agissait d’un mandat de 5 ans non renouvelable. Quatre ans, c’est court, et huit ans, il faut tenir la distance ! La fonction est extrêmement prenante. Je remercie sincèrement ma famille de m’avoir permis de le faire. En huit ans, il y a peu de week-ends où je ne suis pas venu dans ce bureau. Le premier mandat fut celui de la transformation administrative de l’Université. Il a professionnalisé l’établissement, et a permis de le faire fonctionner différemment, en gérant la masse salariale directement dans le cadre de la LRU. »
Gestion. « L’Université a été mise sous tutelle administrative en octobre 2012, durant un an, mais je considère que ce fut un épiphénomène. Je ne l’ai pas bien vécu, évidemment, non par inquiétude, mais parce que je trouvais que ce n’était pas juste, au regard des mesures déjà prises en 2010 et 2011 – notamment pour maîtriser la masse salariale – et qui n’avaient pas été très populaires. Nous avions anticipé à travers des mesures de gestion rigoureuse et cela a permis d’éviter le dérapage. Cela a pesé dans les élections en 2012, évidemment, même si la médiatisation de cette affaire a été postérieure aux élections. Dans ce contexte, je regrette que nous n’ayons pas été accompagnés à la hauteur des enjeux financiers par le Ministère. »
Social et santé. « Le conseil d’administration du deuxième mandat comprend une opposition plus présente, mais c’est stimulant, notamment sur la question du volet ressources humaines. En effet, avec tous ces projets, les personnels de l’établissement ont été mis sous tension, cela a nécessité un accompagnement RH fort, c’est sans doute la marque de ce second mandat. J’ai particulièrement tenu également à faire de la question des règles d’ « hygiène et sécurité au travail » une priorité du second mandat. »
Coopérations. « Nous avions engagé un travail de coopérations, à partir de 2012, pour renforcer les liens avec les écoles, à travers la politique de sites. Le projet de fusion avec Rennes 2 s’amorce durant le second mandat, dans le cadre de la loi Fioraso de juillet 2013 sur les regroupements. L’État nous impose un cadre de fonctionnement, avec un regroupement par académie : la Communauté d’Université et d’Établissement (ComUE). Il était clair pour moi que la stratégie devait se fonder sur une politique de sites et une résonance avec les universités voisines, surtout Nantes. Je m’investis fortement pour faire avancer l’idée d’une communauté interacadémique Bretagne-Pays de Loire. Ce n’était pas l’opinion de tous ! Cette dimension interrégionale est un terrain du possible, et pas de la concurrence. Ces deux régions de l’Ouest présentent des points communs et permettent de mener des projets structurants. Cela se traduit par l’obtention de plusieurs laboratoires d’excellence, la création de l’Institut de recherche technologique B-Com, la SATT, des équipements d’excellence. Mais nous n’avons pas obtenu d’Idex (Initiatives d’excellence). C’est une réelle déception, mais on ne bâtit pas un projet comme celuici sans des bases de coopérations anciennes. Et il faut reconnaître que le projet d’Idex ne correspond pas à notre organisation territoriale. On en a fait le constat. La question est désormais de savoir comment une communauté d’université peut anticiper et accompagner les mutations territoriales en cours. »
Fusion ratée. « Nous avons mis toute l’énergie de l’établissement dans le projet de fusion avec Rennes 2. Même si le processus n’est pas allé à son terme, il a permis de mettre en place des améliorations intéressantes : ainsi, toutes les analyses métiers ont été revues à cette occasion.Il y a une réelle déception, évidemment. J’estime ne pas être à l’origine du dissensus mais je ne tiens pas à épiloguer. Une nouvelle équipe est arrivée à Rennes 2, et nous entretenons de bonnes relations avec elle, avec des projets concrets de partenariat, sans parler de fusion, évidemment. Nous avons désormais deux établissements qui collaborent fortement, c’est un acquis durable. Nous fonctionnons désormais en mode projets avec Rennes 2, et c’est positif. »
Satisfactions. « Elles sont nombreuses, à l’issue de ce deuxième mandat ! Notre organisation est désormais solide, nous avons structuré nos offres, avec la création de l’Observatoire des Sciences de l’Univers (OSUR), la création de l’école d’ingénieurs (ESIR), nous avons établi une réelle relation de confiance avec les 19 composantes formation de l’Université. Nous avons mené un travail de fond reconnu sur le parcours bac-3 bac +3 et sur l’insertion professionnelle. Nous avons vu nos effectifs progresser, notamment dans les formations scientifiques, nous disposons dans ce domaine d’une réelle reconnaissance qui nourrit notre attractivité, au-delà de la simple évolution démographique. Nous avons mené une vraie stratégie à l’internationale avec désormais 12 laboratoires internationaux partagés avec le CNRS et l’Inserm… Nous avons restructuré nos outils de recherches par grands secteurs disciplinaires. La politique commune et partagée avec les organismes de recherche et les écoles est essentielle. Nous avons également rénové notre partenariat avec le CHU. »
Avenir. « Je vais reprendre des fonctions à l’hôpital, dans ma spécialité d’odontologie. La présidence de la ComUE créée au 1er janvier 2016 pourrait également être un objectif au regard de l’expertise acquise et de ma détermination à mettre des territoires en synergie et non en concurrence. Je n’ai pas de nostalgie de la période qui s’achève, je serai encore occupé ! Mais je conserve un excellent souvenir de ces huit années passionnantes : j’ai vécu une aventure collective formidable ! Ce fut une très belle période de vie, car l’Université de Rennes 1, c’est une grande université, j’ai pratiquement mis un mandat pour bien la connaître. Elle est composite, multisite, extrê- mement riche. Mais au-delà, j’ai appris que la vraie force, c’est toutes celles et ceux qui la composent, qui y travaillent au service de nos étudiants, et je les remercie. »