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Dossier
#29
RÉSUMÉ > Le gestionnaire du réseau de transports collectifs de l’agglomération rennaise veut encourager la combinaison des modes de transports, et ne plus raisonner uniquement en termes de bus ou de métro. Une petite révolution qui passe par le développement de l’information du voyageur, à l’aide de nouveaux systèmes numériques, en mode « ultra-réactif ». Tour d’horizon des projets en cours.

     Pour connaître l’état du trafic, obtenir en temps réel les horaires de passages du bus à son arrêt ou planifier son itinéraire, les voyageurs de l’agglomération rennaise ne manquent pas de solutions. Pas moins d’une douzaine de médias, du plus traditionnel au plus connecté, délivrent actuellement cette information. Ils sont tous reliés à la plateforme de Keolis Rennes, l’exploitant du réseau Star (bus, métro et véloStar). « Du simple plan papier à l’écran qui indique à la minute près le délai d’attente du prochain bus ou métro, en passant par les réseaux sociaux, les sites internet, les alertes SMS, le mail, les lignes téléphoniques dédiées…, la liste est longue et répond à chaque fois à des besoins précis », souligne Frédéric Mazeaud, le directeur général de Keolis Rennes. Sans oublier les bons vieux systèmes d’avant la révolution numérique, comme le fax, toujours plébiscité lorsqu’il s’agit d’informer rapidement et de manière fiable les établissements scolaires d’une perturbation sur le réseau !
    Tous ces dispositifs obéissent à une même logique, liée à l’ultra-réactivité : il s’agit de faciliter les dépla cements des voyageurs en les informant, quasiment en temps réel, de l’état du trafic et des solutions disponibles à l’endroit précis où ils se trouvent. Le succès des smartphones fait le reste : grâce à la géolocalisation et à l’ouverture des données, des applications très simples à télécharger permettent de connaître le nombre de vélos disponibles à la station VéloStar la plus proche, ou encore d’être alerté par une sonnerie de son téléphone cinq minutes avant le passage du bus, le temps de rejoindre l’arrêt voisin ! Il en découle de nouveaux comportements, mais aussi de nouvelles attentes.

Offrir le choix entre plusieurs solutions

     « Notre objectif consiste à encourager la multimodalité », affirme Frédéric Mazeaud. Derrière ce terme technique, c’est en réalité une nouvelle approche des mobilités qui se dessine. Jusqu’à présent, l’accent était porté sur l’intermodalité, c’est-à-dire la combinaison de plusieurs modes de transport pour réaliser un même déplacement (lui-même constitué de différents voyages). Par exemple, emprunter le bus, puis le métro, pour se rendre à la gare. La multimodalité, elle, offre le choix entre plusieurs options : prendre le bus ou le vélo, ou le métro, ou la marche. Il s’agit en quelque sorte de réhabiliter les modes de déplacements doux ou mieux, « actifs », comme la marche ou le vélo, qui ont longtemps été négligés au profit des grandes infrastructures. La culture de l’ingénieur à la française n’étant sans doute pas pour rien dans ce parti pris ! Si l’on en croit les dirigeants de Keolis, l’heure de la prise de conscience aurait sonné. « Nous observons une tendance générale : n’avons-nous pas été trop loin en occultant la marche dans nos propositions de déplacement ? Ainsi, sait-on que rejoindre à pied depuis la gare l’arrêt de bus Beaux-Arts, sur les quais, n’est pas plus long que de prendre le métro jusqu’à la station République pour attraper un bus qui va s’arrêter aux Beaux-Arts ? », rappelle Frédéric Mazeaud. D’où l’idée de faire en sorte que la signalétique piétonne soit plus présente en ville, en indiquant les itinéraires et les distances, en mètres et en durée.

     C’est précisément ce que préparent les techniciens du service Mobilités urbaines de Rennes Métropole. Depuis près d’un an, ils travaillent sur une expérimentation qui devrait être lancée d’ici à la fin de l’année dans deux sites pilotes, pour commencer. « Nous avons choisi deux endroits très fréquentés, autour des stations de métro République et Kennedy. On y rencontre des typologies différentes de marcheurs, et l’environnement urbain est également très différent », explique Alain Jacob, chargé d’étude de déplacements au service Mobilités urbaines. Dans l’hyper-centre, les bâtiments emblématiques et aisément identifiables sont légion, et ils facilitent le repérage du piéton. Rien de tel dans l’urbanisme de Villejean, où il est plus facile de se perdre lorsqu’on ne connaît pas le quartier. Des cartes de 2 m2 vont donc être installées à la sortie des deux stations. Leur dimension a été calculée avec soin : sachant qu’en moyenne, le trajet d’un piéton rennais dure 11 minutes, il a été convenu de ne représenter que la zone accessible à pied en vingt minutes maximum. Sur un rayon d’un km à partir de la station, des cercles concentriques de couleur représenteront la distance couverte, en durée de marche. Une fois sur l’espace public, une signalétique adaptée, en cours de définition, offrira aux marcheurs un jalonnement pour les aider à se repérer dans la ville. Au vu des résultats obtenus, la démarche pourrait être étendue à l’ensemble des stations de métro, y compris celles de la future ligne B.

     Évidemment, cette promotion du déplacement pédestre ne fait pas oublier à Keolis sa vocation de transporteur commercial. Le groupe cherche aussi, par ce biais, à développer l’usage des transports collectifs au détriment de la voiture individuelle, en rendant celuici moins contraignant. Il s’agit donc de surmonter les réticences souvent exprimées sur la lenteur des bus, les aléas de parcours, leur manque de ponctualité ou leur fréquence insuffisante, par exemple. Pour lutter contre ces préjugés – pas toujours infondés – le numérique apparaît désormais comme un allié incontournable. Encore faut-il savoir à quelle « appli » se vouer ! L’auteur de ces lignes peut témoigner qu’il a récemment raté un bus pour avoir fait confiance à des horaires fournis par une application rennaise, mais qui étaient périmés depuis plusieurs mois ! « Désormais, nous souhaitons mieux faire connaître les applications qui fonctionnent vraiment, avec les données mises à jour, les bons horaires… Cela pourrait passer par une labellisation, ce qui implique d’être en relation plus étroite avec les développeurs, qui eux aussi sont en demande de visibilité pour leurs réalisations », souligne Frédéric Clec’h, responsable de l’information et de l’innovation au service du voyage chez Keolis Rennes. Sur le site Internet du réseau Star, sept applications gratuites, fonctionnant sous différents standards (Apple, Androïd) sont actuellement référencées et font l’objet d’une description détaillée. L’appli « Transport Rennes » a déjà été téléchargée plus de 300 000 fois, uniquement grâce au bouche-à-oreille.

     Lancé en 2007, le site du Star, qui revendique 300 000 visiteurs/mois et 9 millions de pages vues par an, commence à accuser le poids des ans. Il devrait faire l’objet d’une refonte complète dans le courant de l’année prochaine, afin de gagner en ergonomie et en simplicité d’utilisation. Le réseau s’est également mis à l’heure des réseaux sociaux, via plusieurs comptes Twitter, dont le désormais célèbre @starbusmetro, suivi par 6 000 personnes, qui fournit des réponses personnalisées, et souvent pleines d’humour, aux demandes de renseignements ou aux récriminations en direct ! À noter enfin l’astucieux compte @viteunbus, qui donne en temps réel l’heure de passage du bus à l’arrêt indiqué. Il s’agit d’un compte robot, sans assistance humaine celui-là, mais très efficace.
    Toutes ces aides numériques, qui visent à créer un « compagnon de la mobilité », fiable et facilement accessible, suffiront-elles à modifier les comportements ? Prises isolément, certainement pas. Mais elles témoignent en tout cas d’une volonté de faciliter les usages en luttant contre le principal ennemi du changement : le poids des habitudes.