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Dossier
#34
L’Irset tisse des liens entre santé et environnement
RÉSUMÉ > L’Institut de recherche en santé, environnement et travail (IRSET) réunit plus de 250 spécialistes issus de nombreuses disciplines au carrefour de la médecine, de la biologie, de la chimie et de l’environnement. Cette structure rennaise relativement méconnue s’apprête à emménager, d’ici à la fin de l’année, dans un bâtiment ultramoderne sur le campus de Villejean. Explications avec son directeur, Bernard Jégou.

     Savez-vous que la recherche scientifique est parfois… tirée par les cheveux ? On pourrait presque l’affirmer en écoutant Bernard Jégou évoquer l’un de ses derniers projets : l’examen des cheveux conservés au Musée de l’Homme, à Paris, qui pourraient révéler de très intéressantes informations sur la santé de leurs propriétaires, qui vivaient en Savoie au 19e siècle. À la manière des carottages de la calotte glaciaire, qui fournissent de précieuses indications sur l’évolution de la planète, les cheveux sont d’excellents indicateurs sur l’état de santé et l’environnement. Et c’est justement ce lien qui guide depuis des années les travaux de recherche de Bernard Jégou et de ses équipes. Directeur des recherches de l’École des hautes études en santé publique (EHESP), ce spécialiste de la fertilité humaine n’a de cesse d’explorer les relations complexes entre la santé, les modes de vie, les conditions de travail, la pollution…
     À Rennes, il existe depuis trois ans une structure plutôt discrète entièrement dédiée à ces recherches. Comme son nom l’indique, l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (IRSET) lance des passerelles entre les disciplines pour percer les secrets de nos pathologies contemporaines. « Notre objectif est à la fois simple et ambitieux : il s’agit d’améliorer la santé humaine en étudiant les évolutions biologiques et les facteurs environnementaux qui les influencent, afin de permettre aux autorités publiques de prendre des décisions adaptées », résume Bernard Jégou. Sous ses faux airs de Clint Eastwood, ce chercheur atypique au style décontracté et au regard clair se passionne par exemple pour les effets des pesticides sur la santé humaine, ou sur les risques que font courir les femmes enceintes à leur foetus en consommant des crustacés durant leur grossesse !

     Ce type de recherche nécessite de réunir de multiples compétences, dans une logique interdisciplinaire. C’est d’ailleurs la marque de fabrique de l’Irset, qui bénéficie du soutien de nombreux partenaires : l’Inserm, le CNRS, l’Université de Rennes 1, l’EHESP, l’Université des Antilles et de la Guyane, le CHU de Rennes et son homologue de Pointe-à-Pitre. Car, et c’est l’une des spécificités de l’Institut, il dispose d’une antenne d’une quinzaine de chercheurs en Guadeloupe. « La Bretagne et les Antilles sont deux territoires caractérisés par un littoral important et une agriculture intensive, ce qui permet de noter des similitudes dans les résultats de nos études », souligne Bernard Jégou. Complémentarités géographiques, donc, mais aussi et surtout scientifiques entre les nombreux partenaires de l’Institut. « Je compare parfois l’Irset à un orchestre symphonique, qui associe un ensemble exceptionnel de disciplines : la génomique, la protéomique, la biologie cellulaire et moléculaire, l’épidémiologie, les statistiques, la toxicologie, la chimie organique… », énumère Bernard Jégou. Selon ce spécialiste, pas de doute : le bassin rennais offre aux chercheurs un terreau fertile à la recherche. « Je crois en effet que la taille de Rennes, sa position géographique, la part de la jeunesse étudiante dans la ville est très favorable à cette activité. Rennes encourage les croisements scientifiques, la ville offre une dynamique qui colle bien à l’esprit des chercheurs », poursuit le directeur de l’Irset. Fort de ces atouts, l’Institut monte progressivement en puissance.Dans le cadre de l’autonomie des universités, en 2009, l’université de Rennes 1 et l’EHESP avaient lancé l’idée d’un rapprochement de compétences. Le projet va s’enrichir de nombreux partenaires, et l’Irset a été créé en janvier 2012, avec, notamment, le soutien financier de l’Inserm, dont il est l’une des Unités mixtes de recherche (UMR 1 085). Il s’agit aujourd’hui du plus jeune institut de recherche académique du Grand Ouest. Lors de sa création, l’Irset a été labellisé avec 10 équipes et deux plateformes technologiques, la Plateforme Protéomique Biogenouest (PPB) et le Laboratoire d’étude et de recherche en environnement et santé (Leres), de l’EHESP. Il réunit actuellement 270 personnes, dont 30 chercheurs à temps plein affiliés au CNRS, 30 enseignants-chercheurs, 25 chercheurs hospitalo-universitaires…

     Mais jusqu’à présent, tous ces spécialistes travaillent sur plusieurs sites distincts sur les campus rennais de Beaulieu et Villejean. Un éparpillement qui ne facilite pas le partage de compétences. D’où l’idée de les réunir en un même bâtiment fonctionnel et spacieux. Ce qui sera fait dès la fin de cette année. Conçu par les architectes bordelais Nicolas Raguenaux et Antoine Roux, en association avec le Rennais Benoît Gautier (Gospel Architectes), le futur centre de recherches prend forme à Villejean, en lisière du site de l’EHESP – qui a mis le terrain à disposition –, non loin du CHU et à deux pas du pôle santé de Rennes 1. Cet imposant édifice de 7 000 mètres carrés, qui sera livré en deux tranches successives, a nécessité un investissement global de 26 millions d’euros. Il bénéficie de nombreux financements croisés, notamment européens (voir encadré). Un montant élevé qui mérite d’être salué en ces temps de vaches maigres pour les finances publiques. Ce centre accueillera à terme 300 personnes, et il sera doté de plateaux de recherche et d’équipements de pointe. « Il s’agit d’un véritable bouleversement de l’organisation de la biologie/santé et de la santé publique à Rennes », se réjouit Bernard Jégou. Il est persuadé que ce nouveau siège contribuera au rayonnement international et à l’attractivité de l’Irset auprès des équipes de chercheurs étrangers. « Il n’y aura pas de structure équivalente en France », assure le directeur qui se déclare « épaté par cette recette de coopération ». Et pourtant, il en a vu d’autres : à bientôt 64 ans, Bernard Jégou continue d’enchaîner les missions à l’international pour rencontrer ses homologues sur tous les continents. Lorsque nous l’avons rencontré, fin janvier, il débarquait le matin même de Montréal, et il était en Chine la semaine précédente. Ce qui ne l’empêche pas de conserver un attachement très fort à son Trégor natal. La preuve vivante que la recherche peut être universelle, transdisciplinaire et ancrée dans un territoire.