Rennes Métropole, ses 400 000 habitants répartis sur 37 communes, concentre des fonctions dites « supérieures » avec des activités souvent de haut de gamme et des qualifications professionnelles relativement élevées. Dès lors, il n’est pas étonnant que ses revenus fiscaux 1 soient eux aussi élevés : si on considère le revenu médian des revenus des populations, c’est-à-dire le revenu qui partage en deux ces populations, on note, pour 2010, que celui-ci est de 20 841 euros par unité de consommation (UC) .
Ce revenu se trouve à un niveau supérieur au revenu fiscal médian de la France métropolitiane (18 749 euros), de la région Bretagne (18 474 euros) et du département de l’Illeet- Vilaine (19 043 euros). Plus élevés que la moyenne nationale, les revenus de l’agglomération rennaise se situent plutôt dans la partie supérieure des revenus des agglomérations de taille comparable. Par rapport aux revenus de l’ensemble de la nation, on note une sur-représentation des revenus les plus hauts et une légère sous-représentation des revenus les plus bas. En dépit du ralentissement de la croissance, le revenu médian de l’agglomération rennaise a augmenté de 15% par rapport à 2007 et de 1,8% par rapport à 2009.
Si l’on prend la ville de Rennes seule, le revenu médian se situe à 19 163 euros par unité de consommation. Ce chiffre place la capitale régionale au premier rang des grandes villes de Bretagne ainsi que dans le peloton de tête des grandes villes françaises (hors Paris), à quasi-égalité avec Nantes et Bordeaux et juste derrière Lyon et devant Lille, Toulouse ou Marseille. En même temps, si l’on compare avec les revenus de l’ensemble de la nation, on note pour la ville de Rennes une légère sur-représentation des revenus modestes.
Dans le détail, il est intéressant d’observer comment se répartissent géographiquement les revenus au niveau de Rennes Métropole. De quelle façon les richesses se distribuent- elles sur le territoire de la ville de Rennes ? Les revenus sont-ils très inégaux selon les quartiers ? Enfin, peut-on mesurer la pauvreté à Rennes et quelle est son ampleur ?
Il existe, dans la répartition des revenus, une plus grande inégalité au sein de la capitale bretonne qu’au sein de Rennes Métropole (tableau 1) : quand on divise le nombre de ménages en quatre parts égales (ce que l’on appelle des quartiles) , on note, dans la ville-centre, une proportion plus forte de ménages pauvres que dans le reste de l’agglo (ainsi qu’une proportion un peu plus faible de ménages très aisés)... De même, quand on compare les écarts interdéciles4, c’est-à-dire les écarts entre les revenus des 10% les plus riches et les revenus des 10% les plus pauvres, on remarque que cet écart est seulement de l’ordre de 5,3 au niveau de Rennes Métropole, mais qu’il est de 8,2 au niveau de la ville de Rennes (en 2010).
Si, à partir de la mesure de l’écart inter-quartile évoqué plus haut, on compare la distribution des revenus à l’intérieur des grandes villes françaises, Rennes apparaît, avec Nantes, comme l’une des villes les moins inégalitaires de France : en 2010, l’écart de 8,2 constaté à Rennes (et de 7,6 à Nantes) entre le premier et le neuvième décile des revenus médians est moins élevé que dans la plupart des autres villes française d’importance, telles Toulouse (9,2), Bordeaux (9,3), Strasbourg (9,6), Montpellier (12,7), Lille (15,2), Marseille (15,3)… Plus précisément, dans la capitale bretonne, la moyenne des bas revenus est moins faible que dans les autres capitales régionales ; la moyenne des hauts revenus y est aussi moins forte (Insee, 2010).
Néanmoins, il faut dire que si les inégalités ainsi mesurées apparaissent relativement peu élevées au niveau rennais, elles sont quand même plus fortes qu’au niveau de l’ensemble de la France métropolitaine (où cet écart est de 5,6) ; elles sont aussi sont aussi plus fortes que celles qui sont mesurées au niveau de la Bretagne (région réputée la moins inégalitaire de France, avec un écart de 4,1), au niveau de l’Ille-et-Vilaine (où l’écart inter-décile est seulement de 4,2) ou au niveau des villes bretonnes : Brest (6) , Saint-Brieuc (7,7) , Vannes (6,9)… On trouve ainsi à Rennes les quartiers les plus pauvres du département, mais aussi la quasi-totalité des quartiers les plus riches.
Reprenant un découpage de l’Insee et de l’Audiar définissant des « grandes zones » au sein de l’agglomération (tableaux 2 et 3), on note nettement que c’est dans la couronne nord de l’agglomération que se situent les revenus les plus élevés : les huit communes ayant un revenu médian supérieur à 22 000 euros par unités de consommation y sont toutes situées à savoir Saint-Grégoire, Cesson-Sévigné, Thorigné-Fouillard, Saint-Sulpice- la-Fôret, Pacé, Betton, Montgermont et Vézin-le- Coquet. Ainsi, à Saint-Grégoire, ce revenu médian approche les 27 000 euros c’est-à-dire largement deux fois plus qu’au Blosne.
C’est aussi dans cette couronne, et ce n’est pas étonnant, que l’on trouve la plus forte proportion de ménages situés dans la tranche fiscale la plus élevée : Saint-Grégoire (6,29% des ménages), Cesson (4,18%), Pacé (3,79%)… contre 1,70% à Rennes et 0,46% à Saint-Jacques-de-la-Lande.
Les revenus de la couronne sud (Noyal-Châtillon, Bruz, Chartres, Vern…) sont un peu plus faibles et plus dispersés que ceux de la couronne nord. La zone la plus modeste étant la commune de Saint-Jacques-de-la-Lande, avec presque le tiers des ménages déclarant moins de 13 605 euros par unité de consommation.
Dans la deuxième couronne ouest (Clayes, Saint- Gilles, Cintré), où la proportion de jeunes ménages est élevée, les revenus sont très concentrés autour de la valeur médiane (de l’ordre de 20 000 euros). On retrouve un peu le même profil dans la deuxième couronne sud (Orgères, Nouvoitou, Corps-Nuds) avec des revenus se situant majoritairement entre le premier et le troisième quartile… En tous cas, le niveau des revenus baisse quand on passe de la première à la deuxième couronne.
Alors que deux-tiers des communes affichent des revenus supérieurs au revenu médian de Rennes Métropole, le revenu médian de la ville de Rennes se révèle comme un des plus bas de l’agglomération (avec Le Verger, Corps-Nuds, Saint-Jacques-de-la-Lande).
En se plaçant cette fois au sein de la capitale bretonne, les disparités de revenus peuvent être illustrés avec davantage de précision grâce aux données dites Iris (Îlots Regroupés pour des Indicateurs Statistiques). Leur exploitation permet de révéler plusieurs zones assez bien typées (voir plus loin tableau 4 ).
- Un nord contrasté : une partie de cette zone est de type plutôt « résidentiel » , puisque presque la moitié des ménages sont propriétaires et les revenus y sont plutôt élevés : l’ensemble Bellangerais-Saint-Laurent est un des plus riche de Rennes : prés de 65% des personnes ont un revenu supérieur au revenu médian ; de même, dans la partie Nord-Saint-Martin, 54% des personnes sont audessus du revenu médian. En revanche, une autre partie de cette zone est nettement « défavorisée » : Maurepas est un des quartiers les plus pauvres de Rennes (plus de la moitié des personnes des ménages ont un revenu inférieur au premier quart des revenus de Rennes Métropole). À Patton, 68% des personnes ont un revenu inférieur à la médiane de Rennes Métropole, tandis que dans le sud du parc de Maurepas, ce pourcentage s’élève à 76%.
- Un est dans la moyenne : l’est est plutôt à l’image de la moyenne de Rennes Métropole, avec des quartiers comme les Longs Champs ou Beaulieu où la moitié des ménages présente des revenus par personne encore inférieurs à 19 000 euros.
- Un sud très hétérogène : il comprend un « Sud résidentiel », prés de la gare, avec des ménages plutôt âgés, aux revenus très proches de la médiane rennaise ; ensuite, « un Sud défavorisé » , car il comprend un ménage sur deux dont les revenus par personne sont inférieurs à 13 650 euros ; c’est nettement le cas des Zus (Zones Urbaines Sensibles) du Blosne ou des Champs-Manceaux ; enfin, un « Sud intermédiaire » , le long de la ligne gare, entre le Centre et les quartiers Sud (Francisco- Ferrer- Vern-Poterie), où 40% des revenus par personne sont inférieurs au premier quartile de la distribution.
- Un ouest « modeste » (Cleunay, La-Touche-Moulin du Comte, Villejean-Pontchaillou), où un tiers des revenus sont inférieurs aux revenus du premier quartile, et un « Ouest en difficulté » (Villejean ouest-Kennedy) où un ménage sur deux a un revenu inférieur au revenu médian de la ville.
- Un centre « aisé » : entre le nord de la gare et le pont Saint-Martin, la tranche des ménages ayant un revenu par personne supérieur au troisième quartile est surreprésentée, et la tranche des revenus faibles est sous-représentée ; dans les quartiers autour du Thabor (Jules- Ferry, les Mottais, Jean-Macé), la moitié des revenus par unité de consommation se situe dans la tranche la plus élevée des déclarations fiscales (la part des revenus patrimoniaux, mais aussi celle des revenus non-salariaux, comptent pour le tiers des revenus). Cette zone est la plus riche de Rennes : les revenus médians par ménage de ces « îlots » aisés sont, dans leur ensemble, le double des revenus médians des huit « îlots » les plus pauvres…
- Les Mottais, le plus riche : Et pourtant, ces territoires du centre-ville, nettement favorisés par rapport à la moyenne rennaise, affichent des revenus médians encore inférieurs à ceux qui sont enregistrés dans certains « îlots » de la périphérie, à Cesson-Sévigné (La Hublais, La Boulais), Saint-Grégoire (sud) ou Bruz (nord). Ils sont même inférieurs à ce qui est constaté dans le quartier le plus riche du département, à Saint-Malo (Rothéneuf). Surtout, ils offrent des revenus par personne à peine égaux à la moitié des revenus constatés à Neuilly ou à Paris 7e ! L’îlot de la rue Jean-Macé, par exemple, n’apparaît, pour son revenu médian, qu’en 585e position dans le classement des 12 900 premiers îlots français !
Les Zones urbaines sensibles (Zus) de Rennes : Maurepas, Villejean, Cleunay, Les Champs-Manceaux, Le Blosne, territoires prioritaires de la politique de la ville, concentrent, par définition, des ménages aux faibles revenus : leur revenu médian est inférieur au premier décile des communes de la périphérie. Pourtant, comparé à la moyenne des Zus françaises, le niveau de revenu médian y est nettement plus élevé ; plus précisément, en leur sein, la part des revenus dits « modestes » est plus élevée qu’au niveau national, tandis que celle des ménages dits « aisés » y est relativement plus faible.
Lorsqu’il s’agit de rendre compte de telles divergences de revenus selon les quartiers ou les communes, on commence toujours par avancer l’influence des catégories socio-professionnelles. Ainsi, on croit que les inégalités sont dans la nature même des quartiers alors que ce que l’on voit en réalité ce sont des différences entre catégories sociales, les regroupements spatiaux de ménages se faisant par strates de revenus. Une fois amorcée, la ségrégation démographique et sociale « est un processus lent et cumulatif » (Audiar) car les groupes sociaux aisés, qui ont le plus les moyens d’une grande mobilité, ont tendance à se regrouper, à la recherche d’un entre-soi, s’éloignant des quartiers mixtes ou populaires. L’accès à ces quartiers plus privilégiés est pratiquement impossible pour les populations aux revenus modestes. Le risque est donc grand de voir les positions se figer, à moins que des politiques viennent tenter de renverser des tendances somme toute assez lourdes.
Ainsi, à Rennes, on ne peut pas parler de «ville duale » où une coupure serait très claire entre les riches concentrés dans les « beaux quartiers » et les pauvres relégués dans des « ghettos » : la réalité de la répartition socio-démographique est plus complexe que dans d’autres agglomérations. Les différences de profils socio-professionnels entre quartiers s’organisent non pas sur un mode d’opposition tranchée entre groupes distincts très différenciés, mais plutôt sur le mode d’un continuum où l’on trouve, entre des situations extrêmes, toute une gamme de situations intermédiaires. C’est que le niveau de mixité de la ville de Rennes est important : ainsi, au coeur de l’aire urbaine, se trouvent les ménages les plus aisés mais aussi nombre de ménages parmi les plus modestes… Souvent, la ségrégation la plus forte est celle de certaines catégories de classes supérieures, tandis que les classes moyennes restent les plus concernées par cette mixité sociale ; les catégories les plus populaires se retrouvent dans des espaces variés : une partie d’elles dans des quartiers en cours de gentrification et d’autres dans des quartiers caractérisés par des taux de chômage élevés et un faible taux d’emplois stables.
Mais les inégalités sociales, résultant des tendances d’organisation de la vie économique, ne suffisent pas pour expliquer les inégalités spatiales : les structures sont souvent le résultat d’héritages historiques et de l’évolution de la société en longue période : à Rennes, n’a-t-on pas toujours considéré le nord de la Vilaine comme une situation privilégiée, loin des inondations, sur les hauteurs ? De ce côté de la Vilaine, ne trouve-t-on pas traditionellement les lieux de pouvoirs (mairie, préfecture…) ? Lorsque la ville s’est industrialisée, dans les années 50, n’est-ce pas plutôt le sud qui a accueilli les nouvelles populations aux revenus modestes, non loin de zones industrielles nouvellement créées ?
Enfin, il faut évoquer le poids souvent déterminant d’éléments structurants dans les pratiques de localisation : il en va ainsi des prix du foncier et de l’immobilier, mais aussi de la nature et de l’importance des équipements en tous genres qui conduisent à la concentration de certains types de populations. Compte-tenu des tendances au renchérissement des loyers dans l’offre de logements sociaux récemment construits à Rennes et en périphérie, il en résulte souvent, par des phénomènes mécaniques d’attribution, comme le note l’Apras, « une concentration dans les mêmes lieux de ménages aux profils similaires ». L’analyse des mobilités (très importantes) des ménages de l’agglomération montre que c’est surtout le parc locatif privé qui est le levier des dynamiques de mobilité (il représente près de la moitié des mouvements observés entre 2007 et 2008). Le parc social joue également un rôle important, mais légèrement moindre.
Ces dernières années, dans la quasi-totalité des territoires français, la répartition des revenus s’est trouvée fortement affectée par la crise économique et sociale. La Ville de Rennes n’a pas échappé à cette évolution : déjà, sur une longue période (2000-2010), l’écart interdécile voir plus haut la note 4 dans la distribution des revenus est passé de 6,1 à 8,2 (tandis que, dans le même temps, il variait beaucoup moins au niveau national). Pour ces deux dernières années, si le revenu médian par unité de consommation a cru, de façon modeste il est vrai, les revenus par unité de consommation les plus élevées (dernier décile) ont crû de 1,8%. Cela s’explique, du moins en grande partie, parce que les revenus du capital ont progressé plus vite que ceux du travail. Dans le même temps, les revenus les plus bas (premier décile) ont diminué de 7,6%. Il en va de même au niveau de Rennes Métropole, avec les taux respectifs de +1,3% et de - 4,2%.
Si maintenant, de façon plus détaillée, au niveau des découpages en « îlots », on analyse les revenus par ménage et leur dispersion entre le premier et le dernier quartile, on note que, de 2007 à 2010, dans bon nombre de zones aux revenus les plus faibles (Brno, Champs-Manceaux, Canada), les revenus ont diminué ou ont faiblement cru (Dalle Kennedy, Torigné ouest, Emmanuel-Mounier), tandis que dans les zones aux revenus plus élevés (Les Mottais, Jean-Macé, Jules-Ferry) ces revenus ont nettement augmenté. Résultat : là aussi, la dispersion des revenus fiscaux s’est accrue et, pour reprendre une antienne bien souvent développée, il apparaît que « les pauvres sont devenus plus pauvres et les riches, plus riches ».
Il en va de même au niveau des communes limitrophes où les communes les plus riches sont celles où les revenus ont le plus progressé. De plus, dans les communes à fort revenu médian, les ménages les plus pauvres ont vu leurs revenus progresser davantage que dans les territoires où le revenu médian est faible.
La « pauvreté » est délicate à saisir, et on peut se placer de plusieurs points de vue pour l’estimer.
Il est une première méthode de mesure possible. Elle consiste à estimer le poids des allocataires dont au moins 50% des revenus dépend des prestations Caf (Allocations familiales). Grossièrement, cette population rassemble les allocataires de minima sociaux (hormis les plus de 65 ans et les étudiants).
Sur Rennes Métropole, on dénombre plus de 15 000 ménages dont au moins la moitié des revenus provient des prestations (voir plus haut, tableau n°2). Pour certains, cela représente même la totalité de leurs revenus. Les communes connaissant les plus forts taux de ménages ainsi dépendants (au-delà de 20%) sont parmi celles dont les revenus médians sont faibles : Saint-Jacques-de-la-Lande, Noyal-Châtillon et L’Hermitage ; mais des taux assez forts (entre 15 et 20%) sont aussi enregistrés dans des communes « aisées », telles Betton, Bruz, Chantepie, Chartres, Montgermont et même Cesson-Sévigné (où, il est vrai, on peut voir l’influence des maisons de retraite et des allocations handicapés qui y sont liées). Cela confirme qu’il n’y a pas toujours une étroite corrélation entre le niveau de pauvreté d’un territoire et son taux de dépendance par rapport à toutes sortes de ressources sociales.
Dans la seule ville de Rennes, la proportion des ménages où les prestations jouent un rôle déterminant s’élève même à 33% du total des ménages allocataires (contre un taux moyen au niveau de Rennes Métropole de 14% , soit vingt points de moins). Dans un très grand nombre de ménages, notamment à l’intérieur des Zus, les revenus sont constitués à 100% des prestations sociales. Depuis les débuts de la crise, on assiste à une hausse très nette de ce nombre de ménages en difficulté puisque le nombre de ménages allocataires de la Caf fortement dépendants des prestations sociales a plus augmenté entre 2008 et 2011 (+23%) qu’entre 2000 et 2008 (+17%).
Une deuxième méthode possible (la plus couramment utilisée) pour appréhender la pauvreté consiste à estimer l’importance des populations en-dessous du « seuil de pauvreté » : ce seuil est usuellement défini comme le niveau des revenus bruts disponibles des ménages par unité de consommation (après redistribution d’allocations diverses et paiement d’impôts) égal à 60% de la médiane des revenus.
Au niveau de Rennes Métropole, ce seuil de pauvreté, pour 2010, est de 11 472 euros (et de 11 304 euros pour 2009) ; lorsque ce revenu est rapporté au seul nombre de ménages allocataires Caf, on calcule que 36% des ménages sont ainsi concernés ; ce sont aussi, fort logiquement, les ménages très dépendants des prestations sociales évoqués ci-dessus ; ils sont, à plus de 60%, composés de personnes seules, sans enfants. Les communes les plus marquées par ces populations à bas revenus ainsi définies sont Saint-Jacques-de-la-Lande, Bruz, Cesson- Sévigné, Chantepie…
De son côté, Rennes accueille les trois-quarts des allocataires à bas revenus de l’agglo (cette proportion diminue toutefois légèrement depuis quelques années) ; dans la ville, le taux de ménages à bas revenus parmi les allocataires y dépasse les 47%, tandis qu’il est de 21% dans les communes hors Rennes en moyenne ; cette proportion se situe très légèrement au-dessus du taux observé au niveau national. C’est dans les territoires prioritaires de la « politique de la ville », les Zus, qu’on trouve le plus grand nombre de ménages pauvres : « ces cinq quartiers accueillent autant de ménages pauvres que la totalité des trente-six communes de l’agglo », note l’Apras. Situation logique puisque la faiblesse des revenus constitue précisément un des critères de définition de ces zones sensibles ; de surcroît, les pauvres sont plus nombreux dans les quartiers qu’on dit « défavorisés » parce que le logement social est, avec le parc privé dégradé, le seul endroit où on peut se loger quand on a de faibles ressources ; enfin, il faut noter que ce sont nettement les familles monoparentales qui sont les plus touchées.
Mais il n’est pas rare non plus de rencontrer des ménages très défavorisés dans le centre ou le nord où vivent de nombreuses personnes seules (notamment à Maurepas). Ces constats tempèrent les affirmations selon lesquelles le taux de pauvreté serait toujours le plus important dans les territoires périurbains ou ruraux.
Lorsque le nombre des ménages sous le seuil de pauvreté est, cette fois, rapporté au nombre total de ménages présents dans la ville, il s’élève à Rennes à presque 18%. Si ce taux de ménages pauvres ainsi estimé s’est accru entre 2007 et 2010, il n’en reste pas moins à un niveau encore très inférieur à celui constaté dans bon nombre de grandes villes françaises (Montpellier, Lille, Strasbourg, Toulouse…), et au même niveau que dans bien des villes de l’ouest (Nantes, Angers, Brest, Saint-Nazaire…) ; il est toutefois à un niveau supérieur à celui constaté à Quimper, Cholet… ou au niveau départemental (17,1 % ou national (14,1% en 2010).
On vient de noter que la richesse a tendance à se concentrer dans quelques lieux privilégiés et quelques communes précises. Mais, en fait, les observations évoquées plus haut démontrent que les choses sont plus complexes : tout d’abord, au sein même des quartiers privilégiés de cette ville, on constate qu’il existe des « poches » de pauvreté : ce sont des cas nombreux relevés dans le centre « aisé » de Rennes ou dans le nord de la ville : le Gros-Chêne à Maurepas, par exemple, compte parmi ses allocataires plus de 60% de ménages à bas revenus (contre 36% en moyenne à Rennes Métropole) ; des quartiers favorisés accueillent des personnes sans domicile fixe, des ménages à faibles revenus, sans enfants…
Ensuite, une autre répartition des revenus est en marche : au sein de Rennes, la proportion des ménages allocataires fortement dépendants, a diminué au cours des années récentes, puisqu’elle est passé de 82% en 2005 à 76% en 2010 ; par ailleurs, en ce qui concerne la hausse des ménages fortement dépendants des allocations, si elle a été de 19,6% en deux ans sur l’ensemble de la métropole, elle a été relativement plus accentuée dans les communes périphériques (+33%) qu’à Rennes(+15,4%) ; de même, en ce qui concerne le nombre des allocataires à bas revenus, si le nombre s’est accru depuis 2008, il s’est nettement plus développé dans les communes périphériques (+27%) qu’au sein de la capitale régionale (+9,7%) , de sorte que bon nombre de communes aisées possèdent une proportion importante de ménages à bas revenus : 27,5% à Chantepie, 23,5% à Cesson-Sévigné, 24% à Montgermont ; seule la commune de Bruz a connu une baisse du nombre des allocataires (tableau 2).
On assiste donc, sur la durée, à un phénomène nouveau, à savoir une nouvelle répartition de la pauvreté, cela en très grande partie à cause du Programme local de l’habitat (PLH) qui impose des règles de mixité sociale. Et aussi parce que les communes limitrophes ont développé des infrastructures d’accueil adaptées. Néanmoins, la portée de ce phénomène doit être relativisée, dans la mesure où les plus pauvres dans les communes périphériques sont quand même moins pauvres que les plus pauvres dans la ville-centre.
Cette mesure, bien imparfaite, des revenus des Rennais s’effectue sur la base des revenus fiscaux déclarés : elle néglige, par définition, l’importance des transferts sociaux qui viennent compenser la faiblesse évidentes de maints revenus8. Dans un autre domaine, elle néglige aussi le poids des patrimoines dont le montant peut être déterminant pour comparer les niveaux de vie. Une manière, très indirecte, d’estimer cette importance des patrimoines les plus élevés est de mesurer le poids de l’Impôt sur la fortune (ISF) à Rennes : ainsi, on dénombre 2 152 ménages concernés en 2009, soit une augmentation de 38% par rapport à 2005. Le montant moyen des patrimoines déclarés imposables est de 1,69 million d’euros et le montant moyen d’impôt acquitté de 5 624 euros.
À titre de comparaison, on estime à 132 le nombre de ménages concernés à Fougères et à 740 à Saint-Malo. À Nantes, le nombre de contribuables est de 3764, pour un patrimoine moyen de 1,63 million d’euros. De façon plus générale, les inégalités de patrimoine se sont creusées au cours des récentes années au profit des ménages les plus dotés : la hausse des prix de l’immobilier a été plus forte que celle des niveaux de vie et a plus profité aux personnes situés dans le haut que dans le bas de distribution.