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Dossier
#35
RÉSUMÉ > La métropole rennaise a longtemps figuré parmi les agglomérations abritant le plus grand nombre de zones d’aménagement concerté (ZAC). Cet outil essentiel de planification urbaine a permis d’inscrire dans la durée un développement piloté par la collectivité. Mais il présente aussi certaines lourdeurs administratives. Son application pourrait être assouplie à l’avenir.

     Rennes, ville la plus « zacquée » de France ? Voilà un qualificatif surprenant et qui ne sera sans doute compris que des seuls spécialistes de l’urbanisme. Il est vrai, pourtant, que la capitale bretonne a longtemps détenu la palme de l’agglomération abritant le plus de zones d’aménagement concerté (les fameuses ZAC), avec actuellement encore, d’après le recensement de Rennes Métropole, une trentaine de ces zones ouvertes simultanément. Selon la définition officielle, une ZAC est une opération publique d’aménagement de l’espace urbain. Elle a été créée par la loi d’orientation foncière de décembre 1967 pour se substituer aux célèbres ZUP (zones à urbaniser en priorité) en vogue dans les années soixante, mais largement associées dans l’imaginaire collectif aux grandes cités de tours et de barres, symboles d’une urbanisation ratée.
    À la clé : un engagement fort de la collectivité pour acquérir puis aménager des espaces à construire ou à requalifier. Les documents de ZAC incluent des obligations en termes de densité, mixité, formes urbaines… auxquelles doivent se soumettre les promoteurs privés. « La ZAC est toujours une opération d’aménagement d’initiative publique, car le marché ne fait pas tout : la diversité de l’habitat n’est possible que s’il existe un mécanisme qui en assure la mise en oeuvre, dans le cadre d’un projet d’ensemble porté par la collectivité », souligne Christian Le Petit, l’ancien directeur de l’urbanisme de Rennes Métropole, désormais en retraite, fin connaisseur de cet outil. Rappelant qu’« une politique de l’habitat ne se résume pas à une politique de logements », il insiste sur le fait que la ZAC permet d’appréhender dans un même mouvement le logement et les services, c’est-à-dire les équipements publics qui assurent l’équilibre du quartier. Ainsi, selon lui « dès que l’on dépasse quelques dizaines de logements, la ZAC s’impose, et en particulier en périphérie ».

     À Rennes, cet outil a été largement utilisé comme le bras armé du Programme local de l’Habitat (PLH), qui a permis d’introduire la mixité sociale dans les programmes de logements neufs de l’agglomération. Ainsi, les ZAC de Rennes Métropole prévoient-elles une répartition précise des typologies de logements : la moitié en accession libre et la moitié à coûts maîtrisés car aidés par la collectivité (logement social, accession aidée, logement intermédiaire). La maîtrise foncière est la clé de voûte du dispositif, et cette intervention de la collectivité, initiée à partir de 2005 dans le cadre du nouveau PLH, a permis de faire baisser les prix dans la capitale bretonne, celle-ci passant de la 4e à la 15e place dans le classement des villes les plus chères de France. Autre facteur positif : une plus équitable répartition des logements sociaux entre toutes les communes de l’agglomération, ce qui n’aurait sans doute pas été le cas si l’on avait laissé faire le marché.
    Pour atteindre ces objectifs dans le cadre d’une ZAC, la collectivité peut facilement recourir à tout un arsenal de mesures plus ou moins coercitives permettant d’aménager un espace, en allant jusqu’à engager des expropriations par le biais d’une déclaration d’utilité publique (DUP), par exemple. « C’est une forme «d’urbanisme négocié» entre la collectivité et son aménageur d’une part et les promoteurs d’autre part : en effet, les ventes de droits à construire à ces derniers se font sur la base d’un contrat qui définit les droits et obligations des deux parties, et pas sur les seules règles d’urbanisme du PLU », rappelle Christian Le Petit.

     La ZAC peut aussi faciliter les expérimentations, en adoptant un cahier des charges précis sur le plan architectural. Ainsi, par exemple, La Courrouze accueille des immeubles à l’architecture très typée, une offre relativement inédite à Rennes, à l’image du programme Casa Alté. « Il s’agit d’une véritable audace architecturale, qui évite de tomber dans la duplication de bâtiments qui dépersonnalise l’habitat. Le travail architectural sur la Courrouze, par les variétés d’ambiance proposées, permet cette appropriation propice au bien-vivre dans un quartier », souligne Jean-Luc Gaudin, vice-président de Rennes Métropole délégué à l’aménagement et à l’habitat. Attention toutefois à ne pas trop idéaliser : certaines ZAC rennaises, notamment les plus anciennes comme celle de Beauregard, ne se caractérisent pas vraiment par une audace architecturale marquée. En revanche, la nouvelle tranche Beauregard-Quincé semble avoir tiré les leçons du passé, en encourageant davantage l’innovation dans ce domaine.

     La politique du recours systématique à la ZAC se heurte aussi à des critiques. Les promoteurs privés dénoncent souvent la lourdeur administrative qui accompagne cette planification urbaine et les contraintes qui leur sont imposées. Lorsqu’ils interviennent en secteur urbain diffus, ils échappent évidemment à ce type d’obligation. Sont-ils pour autant plus créatifs ? Il peut parfois découler de cette apparente liberté un certain formalisme dans les formes urbaines, avec la répétition de volumétries identiques et impersonnelles.
    Finalement, Rennes Métropole a-t-elle été trop loin avec les ZAC ? Les élus interrogés réaffirment tous leur attachement à un outil qui a fait ses preuves. En favorisant la densité, elles ont notamment permis de lutter contre l’étalement urbain. « L’agence d’urbanisme rennaise (Audiar) a calculé que sur la période 2000-2010, la mise en oeuvre du PLH, réalisée pour l’essentiel par des ZAC – ce qui était nouveau pour les communes hors Rennes – s’est faite en doublant le nombre de logements produits tout en diminuant de plus d’un tiers la surface agricole consommée annuellement. C’est un enjeu fort en matière environnementale, économique et d’organisation des transports », souligne Christian Le Petit.
    Toutefois, certaines critiques semblent être entendues et un assouplissement des règles n’est pas à exclure à l’avenir, notamment pour les plus petites opérations. À l’inverse, dans un souci de stimulation de la créativité, le volet urbanisme du cahier des charges des ZAC pourrait être renforcé afin d’encourager l’innovation architecturale, via des concours. On commence déjà a en voir les effets sur les nouveaux programmes de Baud-Chardonnet ou d’EuroRennes, par exemple. La préparation du futur Plan local de l’urbanisme intercommunal, à partir de juin 2015, devrait fournir d’intéressantes indications sur les tendances à venir en la matière.